A Contre Courant : Dépôt de bilan politique




Chaque mois, le mensuel Alternative libertaire reproduit l’édito de la revue alsacienne À Contre Courant, qui de son côté reproduit l’édito d’AL. Pour contacter ces camarades : ACC, BP 2123, 68060 Mulhouse Cedex.


« Si nous disons non au traité constitutionnel […] on n’est plus dans l’inventaire, mais dans le dépôt de bilan ». Le jour même du référendum interne au Parti socialiste, son premier secrétaire François Hollande posait avec lucidité et dans toute sa vigueur les termes du débat qui a agité tout au long de ce trimestre la principale force politique de gauche en France. Un autre dirigeant avait précédemment déclaré que la victoire du « non » serait une remise en cause de l’orientation prise en 1982 lorsque s’ouvrait cette parenthèse de rigueur et d’austérité qui court toujours.

Depuis 20 ans qu’ils sont au bord de la faillite et qu’ils s’en sont accommodés, on ne pouvait sérieusement attendre de ce qui reste d’adhérents d’un parti qui n’est même plus social-démocrate , qu’ils déposent eux-mêmes le bilan en votant majoritairement « non » — d’autant que le sursaut légitimiste du marais aura pesé lourd dans la balance. Pourtant, chez ceux qui s’étaient prononcé il y a douze ans à 100% et plus pour Maastricht, le « oui » ne domine plus de manière écrasante. Car progressivement, chacun constate, chacun fait l’expérience concrète et directe du caractère profondément antisociale des institutions européennes et des politiques qu’elles imposent à chacun des États de l’Union.

Le meilleur argument contre l’Union européenne, contre la Constitution, c’est l’Union Européenne elle même. Car la Constitution ne fait que légitimer constitutionnellement la situation actuelle de l’Europe : régression des droits sociaux, démantèlement des garanties collectives, liquidation des conquêtes sociales, chômage, précarité, paupérisation… C’est pourquoi, en dépit de toute la propagande bourgeoise, de ses médias, de ses organisations politiques, de ses intellectuels, en dépit des résistances et refus des directions des appareils politiques et syndicaux — et tout particulièrement de la CGT — de se mobiliser pour favoriser la victoire du « non », en dépit du chantage au chaos que l’on va nous servir, les conditions objectives poussent le salariat à rejeter un texte qui codifie, encourage et accélère la dégradation de sa situation matérielle. Ce n’est pas d’abord contre la Constitution européenne que va voter le peuple français, c’est contre toutes ces décennies de régression et de politiques anti-sociales conduites alternativement par la droite et la gauche.

La victoire du « Non » au référendum est nécessaire ; elle est surtout possible. Car la colère et la révolte contre la marche forcée du capitalisme européen, cette colère et cette révolte qui se sont exprimées dans les urnes (21 avril 2002 et 28 mars 2004) et dans la rue (mai-juin 2003), continuent de couver de manière ardente. Elles peuvent cette fois infliger une gifle électorale conjointe et commune aux forces gouvernementales coalisées qui en portent la responsabilité, l’UM-PS, et entrouvrir la perspective d’une orientation politique en rupture avec le capitalisme.

 
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