Antiracisme

50 ans de F-Haine : Un anniversaire discret




En octobre 1972 était créé le Front national, vitrine politique et présentable d’Ordre nouveau, un mouvement nationaliste-révolutionnaire particulièrement violent et actif dans les rues et les facs. Pour la première fois depuis les années 1940, les principales familles d’extrême droite se trouvaient réunies.

Il est des héritages qu’il est difficile de nier, et celui du RN est particulièrement chargé. Le Rassemblement national, nouvelle appellation de Front national depuis 2018, habituellement plutôt disposé à se mettre en avant, se fait pourtant très discret ces derniers temps — dès lors qu’il est question des cinquante ans de la création du parti. Tous les efforts de communication autour de sa « dédiabolisation » – alors que les fondamentaux du parti restent nationalistes, racistes, sexistes, xénophobes et antisociaux – s’accommodent mal du rappel de sa naissance sous le signe des extrêmes droites les plus violentes.

C’est le 5 octobre 1972 qu’est créé le Front national pour l’unité française, FNUF qui, par commodité, est tout de suite appelé FN. À l’origine de cette création on trouve le groupe nationaliste-révolutionnaire Ordre nouveau qui cherche à rassembler les différents courants nationalistes et à se créer une vitrine politique présentable pour les élections législatives de 1973.

Un engagé dans une division SS

Ordre nouveau, dont l’emblème est une croix celtique et dont le nom fleure bon le revival nazi est alors un groupe particulièrement actif et violent, qui s’en prend essentiellement aux « gauchistes ». Le groupe est dissout l’année suivant la création du FN, à la suite des violents affrontements qui l’opposent notamment à la Ligue communiste (qui sera elle même dissoute), suite à la tenue dans la salle de la Mutualité à Paris, le 21 juin 1973, d’une réunion publique nommée « Halte à l’immigration sauvage ».

La figure de Jean-Marie Le Pen, ancien député poujadiste et directeur de campagne de Jean-Louis Tixier-Vignancourt – avocat et homme politique d’extrême droite, décoré de la francisque sous Vichy, et défenseur notamment de Louis-Ferdinand Céline et du général putschiste Raoul Salan, chef de l’OAS – lors de l’élection présidentielle de 1965, est choisie en raison de sa personnalité « présentable » et « modérée ». C’est dire le niveau !

Du collabo, du nazi et du putschiste au menu

C’est que dans les fondateurs du Front national on retrouve une belle brochette de salauds. Parmi eux des collabo de premier plan et notamment Pierre Bousquet. Ce dernier, membre du fasciste Parti franciste dans les années 30, s’est engagé au sein de la 33e division SS Charlemagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Autre collabo, François Brigneau, ancien du Rassemblement national populaire – le parti collaborationniste de Marcel Déat dont le symbole était une rune Othalan modifiée, utilisée par plusieurs unités SS, surmontée d’une flamme tricolore – qui s’engagera dans la Milice en 1944 et partagera un temps la cellule de celui qui reste encore aujourd’hui l’idole capillaire de tous les fafounets des beaux quartiers, Robert Brasillach. On y retrouve aussi des anciens de l’Organisation Armée secrète (OAS) dont Roger Holeindre, ancien scout résistant, engagé volontaire en Indochine puis en Algérie où il rejoint cette OAS de sinistre mémoire. Cadre important du Front national dont il a été un temps vice-président, il siégea longtemps au Comité central du parti et sera même l’un des élus FN de 1986. Tout en menant en parallèle une carrière de « grand reporter » à Paris-Match puis au Figaro Magazine.

Autre héritage que le RN tend à camoufler, la flamme tricolore, emblème du FN depuis sa création, elle, est la copie conforme de la flamme adoptée par le Movimento sociale italiano (MSI, Mouvement social italien). Ce parti fondé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par des anciens de la République de Salò – État fasciste fantoche créé par les nazis dans le centre et le nord de l’Italie en 1943, qui y installèrent au pouvoir Mussolini tout juste libéré par un commando SS – et de jeunes militants des FAR (Fasci di Azione Rivoluzionaria) ainsi que d’anciens officiers, avait pour but avoué de revenir au fascisme révolutionnaire des origines. Tout un programme  !

Des fondamentaux qui restent les mêmes

L’héritage politique du FN n’est cependant pas totalement refoulé. Le racisme est la matrice politique du FN et la figure de l’immigrée est instrumentalisée ad nauseam depuis sa création. Si le FN a longtemps réussi à rassembler les différentes familles de l’extrême droite dont certaines avaient peu en commun – comme les traditionalistes et les néo-païens – c’est notamment grâce à cette alliance contre l’ennemi commun, immigrées, musulmanes, Islam… au nom de la sauvegarde de la Nation, de la « race blanche » ou de l’identité française.

Autre héritage assumé, le confusionnisme autour de la question sociale. Le RN aujourd’hui, comme le FN en 1973, se présente comme un parti social, populaire et national. Or, si nationalistes ils le sont, le FN hier comme le RN aujourd’hui ne sont pas des partis sociaux et leur ancrage populaire est un leurre. Ils défendent avant tout les intérêts de la bourgeoisie et leur programme économique est tout aussi libéral que celui d’un Macron. Le social à la sauce FN/RN ne tient qu’en une formule  : la « priorité nationale », autrement dit la xénophobie comme politique d’État. Pour le reste, il s’agit bien de casser les outils à disposition du prolétariat pour défendre ses intérêts, et en premier lieu les syndicats honnis, pour fondre salariées et patrons dans les mêmes organisations corporatistes, vieille rengaine vichyste.

Le FN hier comme le RN aujourd’hui sont à combattre partout et tout le temps, pour défendre les droits des femmes, des minorités de genre, des personnes issues des migrations, pour défendre nos intérêts de classe. En 2022, comme en 1972, à bas le Front / Rassemblement national  !

David (UCL Chambéry) et Hugues (UCL Saint-Denis)


CINQ DÉCENNIES DE VIOLENCES

Quand on parle de l’histoire du FN, ce qu’il ne faut jamais oublier c’est que son discours ouvertement raciste s’est traduit historiquement par des passages à l’acte en violences verbales et physiques récurrentes durant toute son existence. Cela va des multiples injures et incitations à la haine de la part de ses cadres, à commencer par son président à vie, Jean-Marie Le Pen, qui cumule à lui tout seul près d’une dizaine de condamnations pour ces motifs, aux exactions variées commises pendant toute la vie du parti par ses sympathisants, en allant jusqu’au meurtre. Ainsi depuis sa création, au moins quatre personnes ont été tuées ou assassinées par des militants ou sympathisants du FN  : Henriette Barsky en 1984, Abdallah Mokthari en 1985, Ibrahim Ali le 21 Février 1995, ainsi que Brahim Bouarram le 1er mai 1995. Le changement de façade voulu par Le Pen fille et la notabilisation du parti ont fait diminuer les violences émanant directement de ses rangs, mais ses membres sont régulièrement impliqués dans des attaques racistes ou homophobes, comme l’attentat de la mosquée de Bayonne le 28 octobre 2019 par un ancien candidat FN, et diverses agressions. Ce fut le cas à Nantes où le même militant est impliqué dans deux agressions contre une militante LGBT en décembre 2019 et contre des antifascistes en 2021 aux côté de militants néonazis. Au-delà, si aujourd’hui la violence directe de l’extrême droite est largement assumée par des groupuscules violents extérieurs à l’organisation, il ne faut pas gratter longtemps pour que ressurgissent les liens entre ces organisations et des membres du RN, voire les deux à la fois, comme le montrent régulièrement nos camarades de La Horde. Derrière le masque de la respectabilité, c’est bien la politique inhérente de l’extrême-droite, celle de la violence et de la haine, qui reste le principal moteur du parti.

 
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