A Contre Courant : La belle, la brute et le truand




Chaque mois, le mensuel Alternative libertaire reproduit l’édito de la revue alsacienne À Contre Courant, qui de son côté reproduit l’édito d’AL. Pour contacter ces camarades : ACC, BP 2123, 68060 Mulhouse Cedex.


Notre petit monde politique, qui ne se donne même plus la peine de faire semblant de gouverner, de diriger le cours d’un monde qui lui échappe de fait de plus en plus, n’a d’ores et déjà plus d’yeux que pour l’élection présidentielle. Laquelle aiguise l’ambition de tous les prétendants au titre, tandis qu’ils focalisent l’attention de tous les plumitifs qui leur servent de cour. Sur la scène politique s’apprête ainsi à se jouer, une nouvelle fois, une pièce dont le scénario, dont certains voudraient qu’il soit écrit par avance, recèlera peut-être quelques nouveaux rebondissements.

Premier sur les rangs, Nicolas Sarkozy espère bien bénéficier de la politique et du discours (in)sécuritaires et xénophobes qu’il développe depuis que la droite est revenue au pouvoir, ponctués d’opérations coup de poing dans les banlieues et d’expulsion des « sans-papiers ». Il espère bien se rallier ainsi les voix des couches populaires apeurées par des lendemains de plus en plus incertains en termes d’accès à l’emploi ou au logement, de pouvoir d’achat et de protection sociale ; et surtout faire oublier la responsabilité des politiques néolibérales des gouvernements dont il a été et reste membre et dont il est l’un des plus ardents défenseurs au demeurant. Contre lui, les éléphants du PS ne semblent pas pouvoir faire le poids. D’une part, parce qu’ils sont plus préoccupés de se faire mutuellement des crocs-en-jambe dans la course à l’investiture que de barrir d’une seule voix contre leur rival de droite. D’autre part, et surtout, parce que, à supposer qu’ils parviennent à faire taire leurs querelles, leur concert ne ferait de toute façon pas entendre un chant fondamentalement différent des antiennes libérales et des rodomontades sécuritaires du précédent. Tant ils partagent fondamentalement le même programme politique, celui que leur dicte leur soumission à l’ordre existant et leur inféodation au Medef.

La seule manière pour le PS de défendre ce qui lui reste de chance de « revenir aux affaires » est de se choisir un champion qui puisse avoir l’apparence d’être une sorte d’anti-Sarkozy et non pas un Sarkozy-bis ou un Sarkozy mou. Et, en l’occurrence, il pourrait s’agir d’une championne, en la personne de Ségolène Royale. Face à Sarkozy, elle pourrait jouer autant de son charme féminin que de sa douceur maternelle, en faisant valoir qu’elle serait la première femme à accéder à l’Elysée, tout en rassurant tous ceux qu’inquiètent les trop fréquents dérapages verbaux d’un Sarkozy emporté par l’impétuosité de son élan élyséen. Des voix de plus en plus nombreuses se font entendre en ce sens.

Verrons-nous ainsi se jouer un remake de La Belle et la Bête ? Rien n’est moins certain. Tant parce que la Belle en question n’a pas encore conquis son droit à monter sur scène que parce que c’est oublier la présence en coulisses du troisième homme, Jean-Marie Le Pen. Bien qu’affaibli par l’âge et par les dissensions internes persistantes au sein du FN, il pourra facilement tirer avantage de ce que la droite a déjà repris, non seulement en paroles mais en actes, une bonne partie de son programme, en faisant valoir que l’original en VO vaut toujours mieux que la copie en contrefaçon. Face au truand qui lui a déjà piqué son programme et à la belle qui chercherait par son charme à nous faire oublier qu’elle en poursuivrait l’application, la brute n’a pas encore dit son dernier mot.

 
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