Écologie

Agent orange : Tran To Nga, une femme contre 14 multinationales




Un procès historique a eu lieu le 25 janvier, opposant la militante Tran To Nga à 14 multinationales ayant produit le tristement célèbre « agent orange », épandu par les États-Unis pendant la guerre du Vietnam, avec des conséquences sanitaires dramatiques pour la population. Le jugement est attendu pour mai : une victoire serait une avancée historique.

Le 25 janvier dernier s’est ouvert à Évry le procès dit de l’agent orange, cet herbicide déversé par les États-Unis pendant la guerre du Vietnam (et plus particulièrement entre 1964 et 1975), contaminant ce territoire mais aussi le Laos le Cambodge. Plus de 80 millions de litres ont ainsi été lâchés sur les forêts où se cachait la guérilla du Front national de libération et où vivaient également de nombreux civils.

Ce produit toxique est à l’origine de nombreuses maladies (cancers, pathologies mentales) et malformations, documentées depuis longtemps, qui ont touché non seulement les personnes directement exposées pendant la guerre, mais aussi leurs enfants nés parfois des années après la fin de la guerre. Entre 2,1 et 4,8 millions de Vietnamiennes et Vietnamiens en ont été victimes et deux millions d’hectares de terres ont été contaminés selon le rapport Stellman publié en 2003.

Tran To Nga, ancienne combattante elle-même contaminée par l’agent orange, a décidé de se lancer dans une procédure au civil en poursuivant 14 firmes transnationales agrochimiques parmi lesquelles Monsanto et Dow Chemical, qui ont produit de l’agent orange pour l’armée des États-Unis. Ce procès est rendu possible par un changement de loi qui a eu lieu en 2013  : il est possible depuis cette date, pour une personne de nationalité française, de lancer une procédure pour des faits ayant eu lieu en dehors du territoire français et commis par un tiers (personne morale ou physique) ayant une autre nationalité.

Tran To Nga a ainsi porté plainte dès 2014 mais depuis cette date le procès n’a cessé d’être reporté. L’audience qui a enfin eu lieu le 25 janvier faisait ainsi suite à six années de procédures écrites.

Un procès repoussé depuis 2014

Jusqu’à présent, ces sociétés n’ont jamais été condamnées, c’est dire l’importance de ce procès. Des associations de victimes vietnamiennes ont porté plainte aux États-Unis mais la justice étatsunienne a toujours donné gain de cause aux firmes capitalistes. Pour ces dernières, seul le gouvernement étatsunien peut être tenu pour responsable, car les entreprises étaient tenus de participer à l’effort de guerre sous peine de sanction. Elles contestent également le lien entre l’agent orange et les maladies dont souffrent de nombreux Vietnamiens et Vietnamiennes. De plus, elles contestent la compétence des tribunaux français pour juger ces faits.

Tran To Nga et ses avocats estiment en revanche que les 14 multinationales ont une forte responsabilité, notamment en n’ayant pas informé les autorités étatsuniennes de la véritable toxicité de l’agent orange. Une victoire de Tran To Nga ouvrirait la voie d’une indemnisation pour d’autres victimes, et représenterait une avancée historique. Le jugement est mis en délibéré pour le 10 mai.

Laurent Esquerre (UCL Aveyron)

 
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