Allemagne : Schröder plus fort que Raffarin




Le gouvernement social-démocrate allemand a entamé une politique de « refondation sociale » qui se traduit par des attaques contre les droits des travailleur(se)s et des chômeur(se)s. Un camarade allemand nous informe de la situation sociale et des mobilisations en cours.

Lors des élections régionales qui se sont déroulées récemment en Bavière, le Parti social-démocrate (SPD) a subi sa plus cuisante défaite depuis 1950. L’Union chrétienne sociale (CSU, droite extrême) d’Edmund Stoiber l’a emporté. La participation a été très faible, puisqu’elle se situait autour de 60 %, les abstentionnistes se comptent principalement parmi les déçu(e)s du SPD. La réponse de la direction du SPD sur sa défaite est édifiante puisqu’il estime que le cours de la régression sociale doit encore être accéléré. C’est également ce qu’exige la CSU.

Dans tout le pays nous avons actuellement droit à une campagne publicitaire du gouvernement en faveur de la refondation des droits sociaux, campagne dont le style rappelle celui de la propagande de l’ex-République démocratique allemande avec des slogans comme « L’Allemagne se bouge ». Ces affiches géantes sont collées dans tout le métro et le réseau ferroviaire berlinois et elles n’ont rien à envier dans leur cynisme à la « France d’en-bas » chère à Raffarin.

En Allemagne, on voit que beaucoup de gens, lorsqu’ils se rendent chez le médecin ou à l’hôpital, s’aperçoivent immédiatement de ce qui a changé et continue à changer. Presque tous les paiements d’actes médicaux doivent maintenant être avancés par les gens eux-mêmes, beaucoup de remboursements pour des examens médicaux essentiels ont été supprimés. Les chômeurs(ses), les pauvres ne peuvent souvent plus se payer l’accès aux soins.

Agenda 2010

Tout ce programme de refondation des droits sociaux se nomme l’Agenda 2010. L’agenda en question doit à nouveau relancer la croissance, pour autant la masse des salarié(e)s est absolument sceptique face à cette promesse de bonheur. En plus de cela, il est intéressant de savoir que les directions intermédiaires et centrales de l’appareil syndical soutiennent pleinement cette politique du gouvernement. Une série de fonctionnaires syndicaux ont été promus au gouvernement et dans les différents ministères. Ils n’ont rien à envier à leur syndicat frère la CFDT quant à la bassesse avec laquelle ils s’en prennent à la masse des travailleur(se)s et des chômeur(se)s.

Mais, dans le même temps, l’Allemagne a connu une journée d’action nationale le 20 octobre contre l’Agenda 2010 et une manifestation nationale le 1er novembre. Ces deux échéances doivent jeter les bases de la construction d’une large coalition sociale issue des différentes parties de la population et indépendante des partis établis. À ce jour, cette mobilisation n’engage qu’une partie des syndicats, avant tout des syndicats de base du secteur public et des grosses entreprises des secteurs de la chimie et de l’automobile. Dans ces secteurs, la gauche syndicale est également présente dans les syndicats de base avec des militant(e)s bien implanté(e)s et ayant la confiance des travailleur(se)s.

Pourtant, il n’est pas facile de secouer la résignation ambiante et l’apathie des travailleur(se)s au profit de mobilisations combatives.

Tensions dans le syndicalisme

Lors du congrès de l’IG-Metall (principale fédération syndicale de la métallurgie), qui avec ces 2,8 millions d’adhérent(e)s, possède encore un puissant appareil à même de contrôler les mouvements de base, de violentes discussions ont tourné autour de la participation à la résistance contre l’Agenda 2010. Un délégué de Bavière qui avait participé en juillet aux actions de grèves de 4 000 travailleur(se)s a reçu 40 % des voix des délégués pour l’élection à la direction fédérale du syndicat. Cela donne un aperçu des lignes de forces dans ce syndicat. Il est également sûr qu’un début de mouvement de grève même minoritaire dans quelques grosses entreprises conduirait sans doute à un processus de large solidarité dans la classe ouvrière. Cela, les directions syndicales le savent aussi. Mais en Allemagne la question est toujours de savoir « qui démarre le premier ? »

En 1996, le gouvernement Kohl avait essayé de supprimer la prise en charge des frais d’hôpitaux pour les trois premiers jours. Cela avait entraîné un mouvement de grève spontané aux usines Mercedes à Stuttgart. En deux jours, des centaines de milliers de métallurgistes se mettaient en grève. Les syndicats avaient été surpris et les sections syndicales d’entreprises étaient à la pointe de ce combat. On n’en vint pourtant pas à un combat politique pour le retrait de cette loi, parce que les capitalistes firent tout de suite des concessions sectorielles dans les grandes entreprises, notamment chez Mercedes, Opel et BMW où on dérogea à la loi.

Mais ces journées ont un peu résonné chez les travailleur(se)s allemand(e)s comme les grèves de novembre-décembre 1995 en France, ce fut notre tentative de construire un « tous ensemble ». Les travailleur(se)s de chez Daimler à Stuttgart portaient alors une banderole avec le slogan suivant : « plutôt un système de type français que des conditions de travail et de vie à l’américaine » ; cela montre à quel point les mouvements sociaux des pays européens s’influencent mutuellement. Nous espérons que les gauches syndicales réussiront ensemble avec des organisations comme Attac et d’autres initiatives sociales et groupes engagés, à développer une dynamique sociale, à déployer une contre-offensive sociale et à aller au-delà du mouvement de grève de 1996.

Willi Hajek (de Berlin)

 
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