Politique

Alliance Plus jamais ça : contenu écolo-réformiste, mais dynamique positive




Il y a dix-huit mois était créé le collectif Plus jamais ça, une alliance inédite entre syndicats et ONG, en dehors des partis, affirmant donc le mouvement social comme un acteur politique autonome. Une démarche à soutenir, mais pas sans critiques.

À l’occasion de l’Université d’été des mouvements sociaux, à Nantes, fin août, ont eu lieu les premières réunions grand public de l’alliance Plus jamais ça (PJC). Trois ateliers et une plénière qui ont permis un passionnant retour d’expérience sur les luttes syndicales de la raffinerie Total de Grandpuits (77) et de l’usine de papeterie Chapelle-Darblay, à Grand-Couronne (76). Une rencontre entre les premiers collectifs territoriaux a également pu se tenir.

La plénière, suivie par plusieurs centaines de militantes et militants attirés par la nouveauté de cette alliance, permettait de présenter le dernier document adopté après de longues discussions entre organisations : « les propositions pour un plan de rupture » visant à répondre tant aux urgences sociales qu’écologiques.

Le collectif PJC regroupe, entre autres, CGT, FSU, Solidaires, Confédération paysanne, Greenpeace, Amis de la Terre, Oxfam et Attac. Avec son plan de rupture qui se veut pragmatique pour une alternative au capitalisme néolibéral, PJC veut peser sur la séquence électorale 2022 en imposant d’autres thèmes que l’insécurité et l’immigration. Mais ces mesures, des plus modérées aux plus audacieuses, ne sauraient trouver un chemin « réaliste » dans le système capitaliste. En escamotant la lutte des classes et les implacables réalités de la concurrence que nos réformistes imaginent de « limiter », ils dessinent un projet non pas réaliste... mais impuissant.

Côté audace, relevons l’interdiction des licenciements dans les entreprises qui font du profit, qui touchent des aides publiques pour la crise sanitaire ou qui distribuent des dividendes. L’interdiction des dividendes dans les sociétés qui ne réduisent pas leur empreinte carbone en ligne avec les objectifs de l’accord de Paris sur le climat. Ou encore l’augmentation des salaires en somme uniforme et non pas en pourcentage : un sujet explosif dans les rangs syndicaux.

Côté modération, la création d’un pôle bancaire public autour de la Caisse des dépôts, de la Banque postale et du CNP sans toucher aux banques privées. D’ailleurs, à aucun moment n’est évoquée une attaque frontale du capital par expropriation, ni même par nationalisation… Et pour le côté naïveté, relevons la protection des secteurs d’activités contre les « concurrences déloyales » des moins-disant écologique et social. Et voici nos réformistes soucieux d’une concurrence « loyale » !

Expertise écologique et savoir ouvrier

Mais au-delà des critiques politiques des faiblesses du plan de rupture, il reste une dynamique inédite et indispensable face aux enjeux de l’urgence sociale et de l’urgence écologique. L’alliance a été construite par les directions d’appareils, loin des débats militants. Mais au-delà de l’affichage médiatique et de quelques actions symboliques, les ateliers tenus autour des équipes CGT de Total-Grandpuits et de Chapelle-Darblay ont permis de mesurer l’intérêt réel et l’implication au quotidien d’un travail combinant l’expertise économique, écologique et internationale des ONG et le savoir ouvrier des collectifs syndicaux.

Cette alliance ne sera durable et utile que si les militantes et militants s’en emparent, dans les territoires comme dans les groupes multinationaux. Pour avancer, il y a bien sûr des réticences à vaincre, des préjugés à surmonter, aussi bien dans les rangs syndicaux que chez les militants écolo, et les désaccords persisteront sur nombre de thèmes. Mais il n’y aura plus d’emploi sur une planète morte, comme le titre un rapport de l’alliance, née il y dix-huit mois seulement dans les brumes paralysantes de la pandémie de Covid. Ce sont les plus pauvres qui paient et paieront le plus cher la crise climatique, alimentaire et sociale. Alors c’est sans hésiter qu’il faut faire vivre cet outil original pour que les transformations industrielles, économiques et sociales écologiquement indispensables se fassent au profit des travailleurs et non contre elles et eux.

Jean-Yves (UCL Limousin)

 
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