BD : Kris et Davodeau, « Un homme est mort »




Brest 1950. Le jeune cinéaste René Vautier est appelé par la CGT pour filmer une grève historique et meurtrière. le tournage fut une aventure.

La guerre est finie depuis cinq ans. De Brest, il ne reste plus rien, anéantie par les bombardements massifs et un siège de plus d’un mois. Plus rien de son centre, plus rien de son port, plus rien de son arsenal. Brest est un désert. Il faut tout reconstruire. Des milliers d’ouvriers et ouvrières travaillent sur ces chantiers.

En 1950, c’est la grève. Les chantiers sont immobilisés. Les ouvrières et ouvriers de l’Arsenal et les dockers rejoignent le mouvement. De violents affrontements surviennent lors des manifestations.

Le 17 avril, c’est le drame : la police tire sur la foule, blessant plus de vingt personnes. Et surtout elle tue un homme : Edouard Mazé.

Le lendemain, appelé par la CGT pour tourner un film sur ces événements, René Vautier débarque clandestinement à Brest. Il est alors recherché par la justice suite à un premier film documentaire, Afrique 50, témoignage sans concessions sur le système colonial français [1].

René arrive dans une ville en état de siège. Le lendemain ont lieu les obsèques d’Edouard Mazé. Une foule immense accompagnera le cercueil.

Commence alors pour René, accompagné par deux jeunes ouvriers Brestois, P’tit Zef et Désiré, le plus improbable des tournages : celui du film Un homme est mort, acte de naissance du cinéma d’intervention sociale. Il filme la révolte avant de l’entretenir en diffusant, avec des moyens de fortune, sa création : un véritable jeu du chat et de la souris avec la police pour projeter ce film sur les piquets de grève.

C’est l’histoire de ce film, dont il ne reste aucune copie aujourd’hui, que raconte la bande dessinée Un Homme est mort, écrit par Kris et dessiné par Etienne Davodeau : des personnages vivants et authentiques, des décors sans fioritures, conformes à la cité bretonne en reconstruction, et un rendu des ambiances, intimistes lors des projections ou complètement ouvertes lors des manifestations de rues.

Enfin la couleur est sans doute ce qui contribue le plus à la réussite du dessin de cet album. L’omniprésence du sépia, parfois terne et monotone, mais superbement relevé des touches rouge vif des drapeaux et du sang, est entrecoupée de cases en noir et blanc rendant les scènes d’autant plus réalistes.

La BD est suivie d’une analyse des événements par l’historien Pierre Le Goïc, illustrée par des coupures de journaux d’époque, un portrait de René Vautier et le témoignage d’un acteur de cette histoire, Pierre Cauzien, qui aujourd’hui voit son statut de victime reconnu.

RG

  • Kris et Davodeau, Un homme est mort, Ed Futuropolis, 2006, 15 euros

[1La filmographie de René Vautier ne nous est pas inconnue. Citons La grande lutte des mineurs (1947), Algérie en flammes (1958), Avoir vingt ans dans les Aurès (1971), La Folle de Toujane (1974), Marée noire et colère rouge (1978), Quand tu disais Valéry (1975)…

 
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