BD : Maffre, « L’homme qui s’évada »




Le dessinateur Laurent Maffre a adapté le roman d’Albert Londres L’homme qui s’évada, publié en 1928, qui décrit la sauvagerie système pénitentiaire en Guyane française dans l’entre-deux-guerres.

En 1913, la cour d’assises juge les membres rescapés de la “bande à Bonnot”. Ces anarchistes individualistes et “illégalistes” ont défrayé la chronique en commettant plusieurs braquages et assassinats en 1911-1912.

Alors que les “ bandits tragiques ” comme la presse les a surnommés, ont tenu la France en haleine pendant des mois et tourné la police en ridicule, les grands moyens sont mis en œuvre pour en finir avec la bande. On n’est pas à une erreur judiciaire près, et celui qui en fera les frais, c’est l’ébéniste Eugène Dieudonné, 29 ans, qui n’a en rien participé à l’épopée sanglante, mais dont le seul tort est d’être anarchiste.

En vain, Dieudonné proteste de son innocence. Condamné à mort bien que disculpé par ses co-accusés, il est finalement gracié est expédié à perpétuité en Guyane, au bagne de Saint-Laurent-du-Maroni qui a vu défiler tant de révolutionnaires anarchistes depuis les années 1880.

Durant les treize années qu’il passe au bagne, il tente plusieurs fois de s’évader, sans succès. En 1923, il reçoit la visite d’Albert Londres. De l’enfer carcéral que le célèbre journaliste découvre, il écrira, dans son livre Au bagne : « C’est une usine à malheur qui travaille sans plan ni matrice. On y chercherait vainement le gabarit qui sert à façonner le forçat. Elle les broie, c’est tout, et les morceaux vont où ils peuvent. »

Trois ans plus tard, le 6 décembre 1926, Eugène Dieudonné parvient enfin à s’échapper. Un dur périple le conduit au Brésil, où il revient à la vie civile. La France réclame son extradition, l’affaire est ébruitée, l’opinion publique s’en saisit. On est dans les années 1920, où sont à la mode les grandes campagnes humanitaires pour sauver la tête de tel ou telle (Sacco et Vanzetti aux Etats-Unis ; Ascaso, Jover et Durruti en France). Les Brésiliennes et les Brésiliens, de leur côté, prennent fait et cause pour le forçat évadé. Albert Londres milite pour sa grâce, et finit par l’obtenir. L’ancien bagnard s’établit alors comme fabricant de meubles dans le faubourg Saint-Antoine, où il restera jusqu’à sa mort en 1944.

Laurent Maffre réussit une belle adaptation de cette histoire, qui est l’histoire d’un destin particulier, mais aussi l’histoire d’une société, avec un trait que l’on pourrait dire plein de gouaille et de cruauté à la fois.

Guillaume D (AL Montrouge)

  • Laurent Maffre, L’homme qui s’évada, Actes Sud, octobre 2006, 116 pages, 20,90 euros.
 
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