Antifascisme

Carbofascisme : Fascisme et anti-écologie, des liens assumés




Deux phénomènes marquent les évolutions politiques de ces dernières années : la montée de l’extrême droite et les crises environnementales qui se multiplient. L’imminence de ces menaces – quand elles ne sont pas déjà à l’œuvre – pose la question de la position des fascistes face à la question environnementale.

Même si il ne s’agit pas de son thème de prédilection, l’extrême droite n’est pas silencieuse sur la question de l’écologie. Si une frange de la mouvance fasciste a pu développer une pensée de la catastrophe écologique, pensée qui a été étudiée par Antoine Dubiau (entre autres) et qu’on désigne sous le nom d’écofascisme [1], la réaction ultra-majoritaire de l’extrême droite prend la forme d’un déni du problème climatique auquel s’ajoute un soutien inconditionnel aux modes de production et de consommation qui l’ont causé. Le terme « carbofascisme » désigne ce lien organique entre fascisme et énergies fossiles.

La présence désormais incontournable de l’écologie dans le débat public a rendu cette intrication entre fascisme et industrie carbonée plus visible. Pourtant, ce lien s’ancre dans une longue tradition. L’ouvrage Fascisme fossile du collectif Zetkin retrace les grandes lignes de cette histoire [2]. Il remonte à la genèse du fascisme et du nazisme, rappelant notamment le soutien déterminant apporté par les capitalistes de l’industrie automobile à Mussolini pour s’opposer aux grèves révolutionnaires de biennio rosso [3], ou la fascination personnelle éprouvée par Mussolini et Hitler pour les industries automobiles et aéronautiques, qu’ils voient comme un marqueur de la puissance et du génie occidental.

Après la guerre, la culture de consommation, appuyée par le cinéma et la publicité, prend le relai pour faire de la possession d’une voiture individuelle un marqueur de réussite sociale et de virilité. C’est ce contexte culturel qui permet de comprendre le combat acharné de l’extrême droite moderne contre l’écologie politique : elle cherche à préserver ces marqueurs sociaux. L’idée de restreindre la toute-puissance de la voiture est perçue comme une atteinte à la liberté individuelle et à la virilité. Dans une société où l’espace géographique est largement organisé autour de la voiture, ce discours trouve malheureusement un écho fort dans la population.

Les fascistes, encore plus que le reste de la classe politique, s’opposeront donc de toutes leurs forces à toute velléité de diminuer l’usage d’énergies fossiles de nos sociétés. Dans un contexte où les ressources fossiles se font de plus en plus rares, cela signifie une compétition accrue et de plus en plus féroce pour ces ressources. On peut même craindre une intensification d’un impérialisme fossile qui n’hésiterait pas à employer la force pour s’approprier la plus grande part possible des réserves.

Le combat pour une société écologique débarrassée de sa dépendance aux énergies fossiles, en plus d’être une nécessité environnementale, prend donc également une dimension antifasciste et anti-impérialiste cruciale.

Nicolas (UCL Caen)

[1Antoine Dubiau, Écofascismes, Grevis, 2022. Voir la recension dans Alternative libertaire no 331, octobre 2022.

[2Andreas Malm (coord.) et Zetkin Collective, Fascisme fossile. L’extrême droite, l’énergie, le climat, La Fabrique, 2020. Voir la recension dans Alternative libertaire n° 315, avril 2021.

[3Le biennio rosso  les deux années rouges  ») est le nom donné à la période de l’histoire italienne de 1919-1920 pendant laquelle se produisent des mobilisations paysannes, des manifestations ouvrières, des occupations d’usines suivies parfois de tentatives d’autogestion, notamment en Italie du Nord (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Biennio_rosso).

 
☰ Accès rapide
Retour en haut