Syndicalisme

Castagne dans le social : « Le marron et la châtaigne » rassemblent l’Ardèche populaire




Les secteurs du social et du médico-social sont engagés, au niveau national, dans de nombreuses mobilisations depuis presque deux ans. Il y a donc un climat particulier depuis un moment. Et en Ardèche il vient de se réchauffer brusquement. Salariées, syndicats, usagers et usagères issues des milieux populaires, associations se mobilisent massivement depuis plus d’un an. Et obtiennent des victoires. De nombreuses leçons sont à tirer des méthodes employées.

Olivier Amrane, membre du parti Les Républicains, président du Conseil départemental de l’Ardèche, s’est lancé dans une attaque sans précédent contre l’action sociale. En ligne de mire : le budget dédié à ce domaine. Ce qui se traduit notamment par des tentatives de fermetures de structures d’accueil, et par la dégradation des conditions de travail et de qualité du service public rendu. Ainsi qu’un projet d’obliger les personnes au RSA à travailler quasi gratuitement (voir l’encadré).

Contre toute attente, l’Ardèche vient de connaître ces derniers mois des niveaux de mobilisation historiques de la part des travailleurs et travailleuses du secteur social. Elles et ils sont à peu près 1000, dont 300 dans le secteur privé. Voilà à quoi ne s’attendait pas monsieur Olivier Amrane.

CC BY-SA 4.0 - Celeda - Wikimedia Commons
Privas, préfecture de l’Ardèche, le 5 décembre 2019 lors d’une manifestation contre le premier projet Macron de réforme des retraites.

Des luttes gagnantes qui accumulent les forces

Alors que ce secteur était très peu organisé et peu combatif, les mobilisations se sont multipliées contre les conséquences concrètes de l’objectif de casse sociale du président Olivier Amrane.
Il y a d’abord eu, en décembre 2021, la réaction contre le démantèlement du service de prévention spécialisée (éducateurs et éducatrices de rue), assuré par l’association « La Sauvegarde ADSEA 07 ». Son directeur traduit immédiatement la baisse du budget du département par des lettres de licenciement  ! Mais la réaction massive transforme la fermeture de la prévention spécialisée en un lointain souvenir. Ce fut une première victoire qui a donné confiance dans la possibilité de gagner et de ne plus subir.

Au printemps 2022, ce même président lance le projet de déménager les services sociaux du département présents au Teil à Meysse, alors que 80 % des personnes qui l’utilisent résident sur Le Teil. Fin mai, 140 personnes, usagers, usagères et salariées manifestent. Encore une fois, la mobilisation fait reculer le président, obsédé par sa lutte antisociale.
29 novembre 2022, point de basculement

A l’Assemblée générale du 29 novembre 2022, l’élaboration collective de la lutte se poursuit et la mobilisation prend de l’ampleur.
CGT HOPITÂL DE MOZE

Ce jour-là se tient une Assemblée générale du secteur social, du privé comme du public. Ce sont plus de 180 grévistes qui se rassemblent au Teil, soit un taux de 18 %. Une manifestation massive parcourt les rues. Et un slogan fait l’unanimité, désormais repris à la fin de chaque manifestation : « le marron et la châtaigne  ! » Ce sont bien les batailles et les victoires précédentes, la confiance accumulée qui ont permis ce résultat exceptionnel et qui fera date dans le département. Il vaut aussi comme exemple ailleurs, et pas seulement dans le secteur social. Cette journée a rassemblé les salariées directement concernées, mais aussi les usagers et les usagères. Des délégations de syndicats CGT-EDF Cruas, de la cimenterie Lafarge et de l’Union départementale CGT étaient présentes à l’Assemblée générale.

Les principales revendications portées et débattues furent le soutien à toutes et tous, quelque soit son métier, privé comme public, dans le cadre de la crise du recrutement, la revalorisation des salaires, l’unité quelque soit l’employeur.

Unité, démocratie et auto-organisation

Voilà les trois principaux ingrédients de la recette que l’Ardèche populaire a préparée et qui a rendu tout cela possible. En octobre 2022, une centaine de travailleurs et travailleuses du social ont créé « Le Social Castagne », collectif ardéchois du travail social en lutte [1], faisant évidemment référence au fruit emblématique de la région, la châtaigne, la castanha en occitan. Surtout implanté dans le sud de l’Ardèche, il regroupe des membres du syndicat CGT du département, SUD Santé-Social, rassemblant les travailleurs et travailleuses du secteur social (emplois administratifs et précaires compris), syndiquées ou pas, le comité CGT privées d’emploi et précaires. C’est son ouverture qui a permis de coordonner la lutte. Son fonctionnement est démocratique et il poursuit sa structuration.

Les termes du débat sont maintenant fermement posés en Ardèche sur l’avenir du secteur social. Il y a désormais face à la volonté politique du rouleau compresseur contre les moyens nécessaires pour assurer un travail de qualité pour la population, notamment la plus en difficulté, une force populaire, une alliance à la base qui a démontré ses capacités d’organisation, de détermination, et sa volonté d’unité et de faire bloc. En Ardèche, dans le social, le « monde d’avant » c’est fini  !

L. (UCL Le Puy)


RSA en Ardèche : une victoire contre le travail gratuit

Tout à sa croisade d’offrir une main-d’œuvre quasi gratuite au patronat local, monsieur Olivier Amrane, président du Conseil départemental de l’Ardèche, espérait bien obtenir tranquillement le vote de l’assemblée départementale pour son projet. Obliger les personnes au RSA à travailler dix heures par mois, dans des entreprises, sauf à voir son allocation supprimée  ! Le président comptait bien se faire mousser auprès des médias, et pas seulement locaux, et utiliser ce coup de force dans sa carrière politique.

Mais c’était sans compter avec le climat qui règne désormais dans le secteur social. Élu à 53 %, il pensait que le vote prévu le 17 octobre 2022 serait une formalité. Avant et pendant celui-ci, la mobilisation pour s’y opposer n’a pas cessé. Et les outils de lutte créés ont été déterminants, notamment avec le collectif « Le Social Castagne », ainsi que plusieurs syndicats CGT, SUD Santé-Social, la FSU, la CNT. Il y a eu alors appel à la grève, rassemblement et mobilisation non seulement des organisations syndicales, mais aussi de tout ce qui agit en milieu populaire en Ardèche. Les parents d’élèves, le MRAP, le RESF, le Secours populaire, des associations familiales se sont impliquées. Et le projet a été retoqué, des élues ayant eu peur pour leur réélection …

Et comme si cela ne suffisait pas, lorsque le gouvernement a publié son décret permettant l’expérimentation dans plusieurs départements d’obliger les personnes au RSA à réaliser de 15 à 20 heures « d’activité » par mois, l’Ardèche n’était pas dans la liste. Au grand désespoir du pauvre président, Olivier Amrane, qui voulait prendre sa revanche et jouer les premiers de la classe.

[1Voir la page Facebook : Le Social Castagne.

 
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