Syndicalisme

Cent trente ans de la CGT : Les débuts d’une confédération de lutte de classe




En septembre 1895, des syndicats se réunissent en congrès à Limoges. Les congressistes décident à cette occasion de dépasser leur Fédération nationale des syndicats (FNS) afin de créer une grande confédération : la CGT.

Depuis la légalisation des syndicats en 1884, les syndicats se structurent de deux manières. La FNS regroupe les syndicats par métiers. Les bourses du travail regroupent de leur côté les différents syndicats dans les villes et se fédèrent dans une fédération nationale des bourses du travail. Ces fédérations, alors concurrentes, ne parviennent pas à rassembler l’ensemble des syndicats. La FNS par exemple ne rassemble qu’un tiers des syndiquées du pays.

Lors du congrès de Limoges, les débats portèrent principalement sur le principe de la grève générale comme moyen révolutionnaire. Une large partie des syndicalistes voient dans la grève universelle l’expression de l’affrontement final entre la classe ouvrière et les capitalistes. Cette stratégie est plébiscitée par les syndicalistes révolutionnaires, les anarchistes et les socialistes « allémanistes ». Les « guedistes », aux manettes alors de la FNS, prônent la prise du pouvoir étatique. Les « blanquistes » prônent l’insurrection révolutionnaire [1]. Le principe de grève générale est finalement adopté par le congrès de 1895 avant d’être précisé par celui d’Amiens en 1906.

Au-delà des débats stratégiques, le congrès de Limoges marque surtout une volonté d’unification du syndicalisme français afin d’organiser plus efficacement et plus largement la classe ouvrière. Cette unification est achevée en 1902 avec l’intégration dans la CGT de la fédération des bourses du travail. Chaque syndicat est donc adhérent à la fois d’une fédération et d’une bourse du travail locale. Les créations de bourses du travail dans les petites villes se multiplient sous l’impulsion de la CGT. Cette double appartenance, professionnelle et territoriale, reste très largement en vigueur aujourd’hui en France.

La construction de la CGT fut donc un bouleversement important des structures préexistantes afin d’unifier le syndicalisme et notre classe. Les camarades de l’époque n’hésitèrent pas à dépasser leurs antagonismes et leurs habitudes d’organisations pour se rassembler. Face à eux, l’État et le patronat s’inquiètent de la montée en puissance de la CGT et les gouvernements successifs vont la combattre avec acharnement, multipliant les arrestations des dirigeants confédéraux.
Cette répression n’empêchera pas la CGT d’approcher le million d’adhérents et adhérentes à la veille de la Première Guerre mondiale et de continuer sa croissance, s’affirmant comme l’organisation centrale du mouvement ouvrier en France. Seule la division syndicale parviendra à l’affaiblir entre 1922 et 1936. 

Pour les 130 ans de la CGT, nous encourageons les syndicalistes à s’inspirer des syndicats fondateurs de 1895 et à ne pas rester paralysées par les habitudes et les querelles de chapelles. La création d’une confédération unifiée fut un facteur déterminant de son développement, l’uni­fication du syndicalisme de lutte est désormais une nécessité absolue pour regagner un syndicalisme de masse.

Emile (UCL Grenoble)

[1Respectivement, les partisans de Jean Allemane, de Jules Guesdes et d’Auguste Blanqui. Vous pouvez parcourir leurs biographies sur Maitron.fr.

 
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