Chauffeurs de Saint-Denis : contre « la synthèse de Big Brother et de Machiavel »




Le management imposé aux chauffeurs municipaux est un non-sens du point de vue du service public, des coûts induits et des conséquences environnementales. Alors que cherche la municipalité PCF ?

Devant le centre technique municipal de Saint-Denis (93), une banderole « chauffeurs de car en grève » pend entre les drapeaux FO, FSU, SUD et CFDT – la CGT ne s’est pour l’instant pas émue de la situation. Ce 31 janvier, comme tous les jours depuis plus ­d’une semaine, les 7 grévistes (sur 8 chauffeurs) sont là, en gilet jaune (ils y tiennent). Leur métier, c’est le transport des enfants pour les écoles, associations sportives, et centres de loisirs de la ville : sorties à la mer, au musée, en classe verte, en colo… Ils participent ainsi aux missions de service public culturelles et sociales, et en sont fiers. Mais voilà : suite à l’arrivée d’un nouveau directeur il y a six mois, on est passé, selon eux, « d’une gestion basée sur les relations humaines à une feuille de calcul dans un tableur. C’est la synthèse de Big Brother et de Machiavel ».

Fini, par exemple, le droit à l’indemnité de 15,25 euros par repas en mission (montant forfaitaire dans la fonction publique). Pour justifier cela, la nouvelle direction s’appuie sur une circulaire de 2006 qui considère Paris et les départements limitrophes comme une même résidence administrative. Les chauffeurs devraient donc rentrer au centre pour déjeuner au self puis retourner chercher les enfants en fin de journée lors des sorties dans toute cette vaste zone. Ce qui représenterait des heures de trajet inutiles, coûteuses et polluantes… et montre une profonde méconnaissance du métier de part de la direction. Aujourd’hui, entre l’aller et le retour, les chauffeurs restent à disposition du groupe : « On garde les sacs et les pique-niques des enfants dans le car, et on doit pouvoir les raccompagner à tout moment si il se met à pleuvoir ou si, par malheur, l’un d’entre eux se ­casse une jambe. »

Véhicules géolocalisés... sauf celui du directeur

Lors des sorties en journée continue, les chauffeurs sont maintenant contraints à une pause de 12 heures à 13 h 30, non payée. Il faudrait donc renoncer à rester disponible pendant la pause ? « Ils veulent couper le lien qu’il y a entre nous, les instits, les associations… » Cette pause forcée signifie également la perte du forfait repas, « alors que nous sommes parfois dans des endroits chers et que nous n’avons pas de tickets restos », peste un autre gréviste. Pendant cette pause, ils doivent sortir de l’autocar qu’il faut donc garer : « Ça veut dire 200 euros de ­stationnement pour une journée, au lieu de donner 15,25 euros à un chauffeur qui puisse rester sur place. » Et de ­s’indigner : « Ils nous cassent comme s’ils voulaient nous privatiser. »

Ces changements sont tombés « comme un couperet et sans consultation ». Pour réaliser ces économies de bouts de chandelle, tout est chiffré et surveillé, les véhicules du centre sont par exemple géolocalisés en temps réel. Sauf… « Sauf la voiture du directeur », précise un des grévistes.

Le 5 février, les grévistes étaient dans la rue contre Macron et son monde… sauf que leur employeur est une mairie PCF. Quelque peu effarés de subir cette dérive micromanagériale, les grévistes, soutenus par leurs collègues des autres métiers du cen­tre, n’en sont pas moins déterminés.

Pablo (AL Saint-Denis)

 
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