Cinéma : Squat, la ville est à nous de Christophe Coello




La ville devient de plus en plus un espace strictement marchand, porteur d’inégalité et de discriminations. Les espaces publics gratuits, les quartiers populaires sont de plus en plus menacés par ce processus de lissage de la ville qu’on appelle gentrification [1]. Celui-ci est renforcé par le quadrillage sécuritaire (vidéo surveillance, pression policière). Cela dit, sur le terrain du logement, il existe des mouvements qui portent une autre vision de la ville et qui s’opposent à ce mouvement, par exemple à Barcelone.

C’est cette bande d’« objecteurs de la propriété privée » qu’a suivie de 2003 à 2011 Christophe Coello, le réalisateur de Squat, produit par C-P Productions. Il propose un regard qui se trouve être, pour une fois, du bon côté de la barricade. Avant tout, petit aparté : il est étonnant de constater le financement de la région Languedoc Roussillon, dirigée par le Parti Socialiste, le même qui expulse, avec sans doute beaucoup de plaisir, tout ce qui ressemble à une forme d’occupation.

Le film raconte la vie d’un groupe de squatters de Barcelone, Miles de Vivienda (des milliers de logements), leurs succès, leurs échecs, ainsi que des tranches de vie. La première partie pourrait s’apparenter à un « Guide du parfait Squatter en image » : ouvertures, infructueuses ou pas, expulsions, et vie collective dans les squats qui parviennent à durer. Le film ne détache pas le squat de son contexte social. Pour le cinéaste, il est à lier aux autres luttes et à une contestation globale de notre modèle de société. Il le voit comme un moyen de construire des contre-pouvoirs tout en s’opposant à certaines formes d’aliénation.

Squat n’est pas ce que nous pourrions appeler un grand film, mais il remplit largement sa mission. C’est à dire informer que le squat est un moyen de lutte légitime. En même temps, le film affirme que c’est une formidable expérience humaine, un élan collectif qui anime et pousse à recréer des solidarités. Il est réjouissant de voir des assemblés de quartier où jeunes squatters sont précédés dans leur discours par quelques anciens habitants du quartier déclarant « Aujourd’hui est pire qu’hier, même sous Franco on en était pas réduits à ça ». Les images ne sont pas forcément esthétiquement irréprochables, mais leur pertinence ne peut que nous toucher.

On pourrait reprocher deux choses au documentaire. La première est la tendance à recourir par moments au spectaculaire et à certains raccourcis : images d’émeutes, le fait de réduire, par moment, les squatters à de simple sans-le- sou. Le deuxième reproche est le manque de pluralité en termes de squat : qu’en est-il des lieux moins politiques et plus précaires ?

Cela dit, ce serait bouder un plaisir jouissif que celui de voir de telles victoires. Et je crois très sincèrement que c’est de cet optimisme dont nous avons besoin pour résister. Et de hurler joyeusement « A vos pieds de biche ! ».

Valerian (AL Montpellier)

Squat, la ville est à nous !, Réalisé par Christophe Coello, 1h34min, 2011, sortie cinéma : 2 novembre 2011

[1Voir l’article « Reprenons la ville », page 5 de ce numéro

 
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