International

Orientation : L’UCL et le soutien à la gauche kurde




La gauche kurde et le processus révolutionnaire du confédéralisme démocratique au Moyen-Orient : historique récent et cadrage politique du soutien que l’Union communiste libertaire lui apporte.

Par gauche révolutionnaire kurde, nous entendons l’ensemble des structures politiques, combattantes, syndicales et associatives regroupées dans l’Union des communautés démocratiques du Kurdistan (KCK), implantées aussi bien en Turquie, qu’en Irak, en Iran et en Syrie, et dont le PKK (en Turquie) et le PYD (en Syrie) en sont les deux partis de référence.

Depuis juillet 2012, dans le contexte de la révolution et de la guerre civile syrienne, un processus révolutionnaire mené par la gauche kurde est en cours au Kurdistan occidental. Il s’est étendu à toute la région du nord et de l’est de la Syrie (communément appelé Rojava) et rencontre un écho en Irak et en Iran.

Une analyse inédite, une expérience historique

Ce processus est porté par un projet révolutionnaire original, impulsé par le PKK, et nommé « confédéralisme démocratique ». Synthèse de plusieurs courants révolutionnaires, entre autre marxistes et anarchistes, d’une analyse propre au Moyen-Orient, et de l’historique des luttes anticoloniales et autonomistes kurdes, celui-ci consiste à mettre au cœur du processus la coexistence pacifique des peuples par la démocratie directe, et revendique leur autonomie politique vis à vis de toute institution étatique. En même temps, il met au premier plan l’écologie sociale et le féminisme, questionnant le rôle de l’État comme outil de domination, remettant en cause la légitimité de son existence.

Manifestation pour les dix ans de l’assassinat de Fidan, Sakine et Leyla. Paris, 7 janvier 2023.
Cuervo (UCL Marseille)

En mettant directement en œuvre les principes du confédéralisme démocratique au Rojava, et ce malgré une guerre permanente, d’abord contre l’État Islamique (EI), puis contre l’État turc et ses mercenaires islamistes, les organisations kurdes prouvent dans la pratique qu’une alternative autogestionnaire est possible. Aujourd’hui, la gauche révolutionnaire kurde est une des rares forces politiques à proposer, au Moyen-Orient, un projet de société autogestionnaire, écologiste, antipatriarcal et, d’une certaine façon, laïc.

Non seulement elle défend ce projet de société, mais elle a, dans une certaine mesure, les moyens de sa politique : elle dispose d’un soutien solide au sein de la population kurde, qui s’élargit à d’autres communautés notamment en Turquie et en Syrie, et à une partie des organisations d’extrême gauche turques et internationales. La gauche révolutionnaire kurde a su bâtir des organisations politiques efficaces et dotées d’une capacité d’autodéfense face aux agressions.

Enfin, l’expérience révolutionnaire au Rojava se double d’une dimension internationaliste : dès 2012, et plus encore avec la seconde bataille de Kobanê en 2014, les organisations kurdes ont lancé des appels à venir construire et défendre la dynamique révolutionnaire menacée par les attaques djihadistes, puis par l’armée turque et ses supplétifs. De nombreuses organisations, dans le monde entier, ont apporté leur aide directe ou indirecte au processus en cours.


Un communiste libertaire dans les YPG
Les billets du blog d’Arthur Aberlin,
un camarade d’Alternative libertaire
engagé dans les milices révolutionnaires kurdes en 2017.


La défense de la révolution est mise constamment à l’épreuve. Confrontées, depuis 2011, à une guerre civile aux dimensions internationales sur le territoire syrien, les organisations kurdes sont prises dans des enjeux dépassant la seule question de leur autonomie. Rempart essentiel contre l’État Islamique, puis fossoyeuses du califat, elles ont bénéficié de l’appui intéressé des impérialismes russe, français et américain en concurrence dans la région. Un paradoxe, à durée limitée, comme il s’en présente dans certaines circonstances historiques.

Cette lutte, qui s’est faite aux prix de milliers de morts, a associé les milices kurdes YPG-YPJ à des brigades arabes au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS). Mais l’appui de Moscou et de Washington n’était que de circonstance, et il a pris fin peu après que les FDS ont vaincu Daech. L’armée turque et ses supplétifs islamistes ont attaqué le canton d’Afrîn en janvier 2018 avec l’aval de Moscou, puis une partie de la Cîzîrê en octobre 2019 avec l’aval de Washington. Le confédéralisme démocratique mis en place en Syrie du nord-est a cependant résisté à cette épreuve, démontrant sa résilience et sa viabilité en tant que système politique.


Dossier spécial d’Alternative libertaire
de novembre 2014,
études, enquêtes,
exemples de soutien libertaire...


Un soutien fort mais attentif

Fidèle à ses positions anticolonialistes et internationalistes, l’UCL réaffirme que le processus révolutionnaire mené par la gauche kurde appelle un soutien fort de la part des communistes libertaires.

Fort, car au milieu de multiples ennemis, elle incarne un réel espoir du fait de son caractère internationaliste, de sa volonté multiculturelle, autonomiste et non-étatique, de sa nature populaire, et ses réalisations concrètes, en dépit d’une guerre permanente, particulièrement dans l’action antipatriarcale et démocratique, et écologiste.

Ce soutien, cependant, doit rester critique. Une critique compréhensive mais sincère, lucide sur les deux dangers qui menacent l’alternative autogestionnaire au Kurdistan :

  • un danger impérialiste : les multiples manœuvres de la guerre civile syrienne depuis 2012, doublée des interventions des puissances régionales et internationales menacent l’indépendance politique de la gauche kurde. La neutralité intéressée de Damas dès 2012, puis, à l’automne 2019, le redéploiement des forces pro-Bachar et de l’armée d’occupation russe comme bouclier face à la menace turque, peuvent conduire à la compromission avec le régime fantoche de Damas, c’est-à-dire à la corruption, à la dénaturation, voire à la disparition pure et simple du processus révolutionnaire.
  • un danger démocratique : officiellement, la gauche kurde, sous l’impulsion des théories d’Öcalan, a rompu avec le concept d’État-nation et avec la tradition autoritaire du marxisme-léninisme. Mais, même si le confédéralisme démocratique jouit de l’adhésion d’une large partie de la population civile, la question de la prééminence de la direction militaire sur le mouvement civil, tout comme celle du parti sur le pouvoir populaire reste posée. Cette question, en particulier dans un contexte de guerre, doit être suivie de près.

Un communiste libertaire dans l’IFB
Les billets du blog de Damien Keller,
communiste libertaire engagé
au sein du Bataillon international de libération (IFB) en 2018.


Tenant compte de tous ces paramètres, et comme les organisations qui l’ont précédée, l’Union communiste libertaire doit défendre la révolution au Kurdistan par tous les moyens à sa disposition.
Notamment, elle

  • apporte publiquement son soutien critique à la gauche révolutionnaire kurde ;
  • agit pour soutenir, étudier et faire connaître la révolution politique au Rojava/Auto-administration du nord-est de la Syrie ;
  • réclame le retrait du PKK et des autres branches politiques armées de la révolution de la liste des organisations terroristes ;
  • réclame la vérité et la fin du secret d’État sur l’assassinat à Paris, le 9 janvier 2013, de Fidan Doğan, Sakîne Cansiz et Leyla Saylemez ;
  • réclame la libération d’Abdullah Öcalan et de tous les prisonniers de la gauche kurde et de ses soutiens.

Les interventions impérialistes et la domination capitaliste ne peuvent être arrêtées que par l’action internationaliste coordonnée des classes opprimées. En tant qu’anarchistes, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour renforcer le mouvement révolutionnaire international anticapitaliste, antipatriarcal, anti-étatique et anti-impérialiste.

Pour cela, outre son action globale et continue, l’Union communiste libertaire agit au sein de la Coordination nationale solidarité Kurdistan, et avec l’ensemble du réseau international Anarkismo. L’organisation continuera là aussi le travail effectué et l’approfondissement des liens tissés, notamment avec l’organe de représentation de la gauche kurde en France, le Conseil démocratique Kurde en France (CDKF).

Union communiste libertaire, mai 2021


UN PROCESSUS DE SYNTHÈSE

Lors de leur congrès d’unification de juin 2019, Alternative libertaire et la Coordination des groupes anarchistes ont décidé de ne pas
faire table rase de leurs orientations et élaborations passées, mais
de les synthétiser et actualiser progressivement. Ce texte a été adopté lors de la coordination fédérale de l’UCL de mai 2021.

 
☰ Accès rapide
Retour en haut