Communiqué UCL

Comparaison tout à fait partiale entre Twitter et Mastodon




Chez Twitter, c’est le chaos. Depuis le rachat du réseau social par le milliardaire Elon Musk, l’instabilité de l’entreprise se ressent jusque chez les utilisateurices de la plateforme. En cause, d’une part les licenciements de la moitié des employées de l’entreprise, et d’autre part les lubies et humeurs changeantes de son nouvel et unique propriétaire. Alors que Twitter était, tristement, devenu une plateforme incontournable, notamment dans le monde politico-médiatique, il est aujourd’hui impossible de prédire si l’entreprise, et donc sa plateforme, survivront à l’année 2023.

En réaction, on observe une arrivée massive de nouveaux et nouvelles utilisateurices sur Mastodon, un réseau social de microblogage libre et décentralisé alternatif à Twitter. Il n’est pas encore possible de savoir si on assiste à une migration, ce qui impliquerait de quitter la plateforme de départ, ou simplement à la création de comptes sur un service supplémentaire par ces personnes, ni même de prédire si elles resteront présentes sur Mastodon à plus long terme. Mais quoi qu’il en soit, nous, militantes libristes de l’Union communiste libertaire, ne pouvons que nous réjouir de la mise en avant de réseaux sociaux alternatifs aux plateformes centralisées capitalistes.

L’UCL a toujours fait la promotion du logiciel libre et des réseaux décentralisés, en interne [1] comme en externe [2]. À ce titre, l’UCL est est présente sur le fédivers (federated universe, univers fédéré) depuis longtemps, et fait son possible pour sensibiliser aux enjeux politiques incarnés par ces alternatives, que ce soit par des articles dans notre mensuel Alternative libertaire [3] ou encore par notre présence aux Journées du Logiciel Libre 2022.

La différence concrète entre Twitter et Mastodon ? Le capitalisme de surveillance.

Si l’UCL est aussi attachée à ces combats pour les libertés numériques, c’est bien sûr parce que les modèles du logiciels libres, des protocoles ouverts, des réseaux fédérés et interopérables correspondent mieux à nos aspirations politiques, mais pas seulement. Structurellement, les implications de ces choix techniques impactent directement l’expérience des utilisateurices.

Twitter, l’entreprise, a pour objectif de vendre de l’affichage publicitaire, qui doit pour être rentable être à la fois le mieux ciblé et le plus vu possible. Cela implique que Twitter, la plateforme, rende ses utilisateurices captifs pour que d’un côté iels accordent le plus de temps possible à son utilisation, et de l’autres qu’iels interagissent toujours plus sur Twitter, le réseau, puisque c’est de cette façon que se fait le travail d’extraction des données personnelles qui permet d’affiner les profils [4]. Bien sûr, la qualité de ces interactions n’a aucune importance pour Twitter. Au contraire, pour atteindre les objectifs évoqués, les algorithmes de la plateforme vont mettre en avant le contenu qui fera réagir, en bien ou en mal, mais surtout en mal puisque les débats qui s’enveniment durent plus longtemps et impliquent plus de monde, ce qui par ailleurs favorise notamment la désinformation comme on a pu le constater [5]

Tout ça est très différent du côté de Mastodon. Déjà, il n’est pas anodin que du côté des réseaux sociaux capitalistes, il soit impossible de discerner l’entreprise, du logiciel (la plateforme), du réseau lui-même. Mastodon est un logiciel libre, pas une plateforme. Chaque installation du logiciel correspond à une instance qui participe à un réseau, le fameux fédivers (qui ne se limite d’ailleurs pas à Mastodon !). Et du fait de sa décentralisation, le réseau ne dépendra jamais d’une unique entreprise dont un milliardaire pourrait prendre le contrôle du jour au lendemain pour changer les règles qui le régissent selon ses désirs et opinions du moment. La multitude d’instances qui participent au réseau (plusieurs milliers à ce jour rien que pour Mastodon) sont gérées indépendamment et par différents types de structures : individus, collectifs, associations, etc. Tous les modèles sont possibles et peuvent coexister, ce qui permet aussi l’expérimentation des méthodes et des règles de modération, par exemple. De plus, hors du capitalisme de surveillance, nul besoin de provoquer la réaction à tout prix.

Là où Twitter cherche toujours à grossir plus pour augmenter son nombre d’utilisateurices, les instances de Mastodon n’ont aucun intérêt à garder ses utilisateurices captifves, au contraire, et nombreuses sont les instances de Mastodon à fermer leurs inscriptions pour éviter d’avoir trop d’utilisateurices, pour une question de coût (ressources serveurs, stockages, réseaux) et d’autre part pour éviter une concentration du réseau autour de quelques grosses instances à qui cela donnerait trop de pouvoir [6].

D’un côté, Twitter a transformé les « fav » marqués par une étoile et ne notifiant que l’auteurice du message mis en favoris en « like » marqués par un cœur et rendu public à ses abonnées, voire plus largement au bon vouloir des algorithmes de la plateforme, pour générer des notifications et faire réagir. De l’autre, Mastodon préfère en rester à la simple mise en favori des messages.

Là où Twitter permet les partages avec citation (les quote-retweet, ou « QRT ») qui en pratique servent très majoritairement à répondre publiquement, le plus souvent pour exprimer un désaccord, et dans certains cas à déchaîner ses nombreuxses abonnées contre l’auteurice du message cité (au point de régulièrement provoquer des vagues de harcèlement), Mastodon a choisi de ne pas mettre en œuvre cette fonctionnalité dans l’objectif d’apaiser les discussions.

Là où Twitter impose à la vue de ses utilisateurices les messages qui les feront le plus réagir selon ses algorithmes de profilages, Mastodon non seulement se contente de présenter chronologiquement les messages postés et partagés par les comptes auxquels on est abonné, mais permet également l’utilisation d’un avertissement (content warning) quand on rédige un message dont on estime que le contenu pourrait choquer certaines personnes, afin de laisser le choix à ses abonnées de dévoiler ou non ce contenu [7].

L’ensemble de ces choix (absence de QRT, de système de cœur, usage du content warning), vont ainsi à l’encontre de la logique du capitalisme de surveillance, prêt à tout pour retenir l’attention des utilisateurices et les faire réagir, y compris exploiter leurs traumas ; les fonctionnalités de Mastodon invitent au contraire à un cadre d’échange plus apaisé et respectueux de la disponibilité de l’ensemble de ses utilisateurices.

Voilà quelques exemples de différences tout à fait concrètes dans l’expérience qu’on peut avoir sur les réseaux sociaux libres et décentralisés. Bien sûr, ces différences structurelles nécessitent aussi de faire des compromis par ailleurs, sur la simplicité d’utilisation par exemple. Typiquement, pour rejoindre le réseau, il ne suffit pas de s’inscrire sur une unique plateforme clairement identifiée, et du coup son nom d’utilisateurice n’est pas un simple pseudo : il contient aussi le nom de l’instance.

Comme pour une adresse de courrier électronique, il faut d’abord choisir sur quelle instance on s’inscrit (à l’UCL, pour ce qui est des courriels, on vous recommandera bien plus volontiers RiseUp ou ProtonMail que Gmail ou Hotmail, par exemple), et ensuite votre nom d’utilisateurice comprend également le nom de l’instance, pour que vos contacts puissent vous retrouver. Par exemple, on écrit pas à « bidule » mais à « bidule@protonmail.com », du moins tant qu’on a pas « Bidule » enregistré dans son carnet d’adresse.

C’est pareil sur Mastodon : il faudra donc vous abonner à @ucl@todon.nl et à @alternativelibertaire@framapiaf.org une fois que vous aurez rejoint le réseau !


Quelques instances recommandées

Union communiste libertaire, le 18 novembre 2022.

[1Voir notre article Libertaires libristes : L’UCL s’empare des enjeux numériques dans Alternative libertaire n°301, qui revient sur un vote de la première Coordination fédérale de l’UCL.

[3Voir par exemple notre article Réseau : Comprendre le fédivers dans Alternative libertaire n°300.

[4Voir à ce sujet notre article Si c’est gratuit, c’est toi qui produis ? dans Alternative libertaire n°297.

[5Voir notre article Réseaux sociaux : fausse neutralité, vraie désinformation dans Alternative libertaire n°323.

[6Voir notre article Décentralisation : Framafin de (certains) framatrucs dans Alternative libertaire n°302.

[7Sur Twitter, la pratique militante est généralement de faire un premier message avec l’avertissement puis de faire un fil de message avec le contenu à raconter ; mais à coup de partages et d’algorithmes de recommandations, la plateforme affiche régulièrement des messages du fil, et forcément ceux qui font le plus réagir, chez des personnes qui n’ont même pas eu connaissance de l’avertissement…

 
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