Antipatriarcat

Conditions de vie : la précarité et la transphobie tuent




Les récents suicides de Doona à Montpellier et d’une lycéenne à Lille nous le rappellent cruellement  : la précarité et la transphobie tuent. Panorama des conditions matérielles d’existence des personnes trans.

Si les démarches de changement de prénom et de la mention de sexe à l’état civil ont été progressivement assouplies au fil des luttes, elles restent des épreuves pouvant durer plusieurs années. Un simple contrôle routier, signer un bail ou un contrat de travail, retirer un colis à la poste, payer par chèque, réserver un billet de train ou d’avion, rendre visite à un proche en prison, les interactions avec la Caf ou Pôle emploi… sans les bons papiers, même la plus anodine des démarches du quotidien expose à des discriminations. L’État exerce aussi sa transphobie par les violences policières, en particulier à l’égard de celleux qui sont racisées, sans-papiers ou sans domicile.

Les personnes trans sont particulièrement touchées par les violences médicales et les difficultés d’accès aux soins. Outre les actes de maltraitance commis par des soignantes et soignants transphobes, elles subissent également toujours une psychiatrisation de leur identité de genre. Les personnes trans rencontrent de nombreuses difficultés pour obtenir une prise en charge médicale (hormonale, chirurgicale, etc.) de leur transition et bénéficier d’un remboursement même partiel. Cette violence institutionnelle les conduit à se débrouiller en dehors du parcours de soin. De nombreuses personnes trans doivent donc choisir entre renoncer à des soins ou payer des frais médicaux exorbitants.

D’après une étude de la Maison des Sciences de l’Homme en Aquitaine de 2015 [1], un quart des enquêtées déclare avoir renoncé à une formation par peur du rejet, un tiers avoir perdu un emploi à cause de sa transidentité et un quart s’être limité dans l’accès à un logement. Les difficultés d’accès à la formation, à l’emploi, au logement, à la santé et aux services publics et sociaux, ainsi que la rupture avec les proches et la famille, très répandue, sont des facteurs importants de précarisation et de marginalisation.

État civil : encore loin de la victoire

Cela se reflète dans les luttes menées par les personnes trans. Les associations de solidarité, qui existent un peu partout sur le territoire, tentent de faire face à cette précarité. Devant la situation alarmante de nombreuses personnes trans, l’association Acceptess-T, a lancé un Fond d’action sociale trans (Fast) afin d’offrir une aide matérielle immédiate aux plus précaires  : une nuit d’hôtel, des kits médicaux, de la nourriture ou des produits d’hygiène. Enfin, les personnes trans qui veulent lutter contre ces oppressions systémiques se retrouvent trop souvent confrontées à de la transphobie en milieu militant (LGBTI, féministe, syndical et dans les organisations politiques).

Loin des discours de réaction qui présentent au mieux la lutte pour les droits des personnes trans comme un combat annexe, ou, au pire, la transidentité comme une déviance bourgeoise, des personnes trans continuent à se mobiliser dans tout le pays pour la solidarité directe, le droit à disposer de son corps, l’émancipation des oppressions capitaliste, étatique, raciste et cis-patriarcale et l’auto-organisation des concernées.

Anaïs (UCL Montpellier)

[1Arnaud Alessandrin et Karine Espineira, Sociologie de la transphobie, Maison des sciences de l’homme en Aquitaine, 2015.

 
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