Congrès de la CGT-FO : Quel « congrès » ?




Le « congrès confédéral » de Force ouvrière a eu lieu à Villepinte (région parisienne) du 2 au 5 février. Après le retrait de la candidature de Jean-Claude Mallet (tendance « ultra-réformiste »), il ne restait plus guère de doutes sur l’identité du futur secrétaire général : Jean-Claude Mailly arrivait déjà en tête des sondages depuis plusieurs mois.

Un sondage assez simple à faire, puisque seuls les secrétaires d’unions départementales (UD) et les secrétaires de fédération (composant le Comité confédéral national, CCN) pouvaient participer à l’élection des membres de la Commission exécutive et à la désignation du nouveau bureau confédéral.
Quant au « congrès », il était d’abord conçu pour être une démonstration de force médiatique et surtout pas comme un réel moment et espace d’échanges militants. Et c’est bien cela le plus regrettable.

Un déni de démocratie

En effet, rien que l’ordre du jour constituait à lui seul un « déni de démocratie ». Entre les discours fleuve de Blondel et l’interminable succession d’interventions décousues de délégués, une séance « internationale » de bon aloi le jeudi matin, on en arrivait péniblement au jeudi après-midi, moment où devaient se réunir les commissions de travail sur les résolutions ! Blondel avait d’ailleurs déclaré dans son discours d’ouverture qu’il devait s’agir là de la phase la plus importante du congrès : la réflexion sur les orientations de la confédération pour les trois prochaines années...

Mais ce « moment si important » fut réduit volontairement encore une fois à une parodie de débat.

Quand les commissions purent enfin se mettre au travail (pas avant le milieu d’après-midi), ce fut devant de longs textes, déjà prêts mais que les maîtres de l’appareil s’étaient bien gardé de communiquer au préalable (histoire de rendre impossible toute préparation sérieuse des discussions).

Cerise sur le gâteau, vu le retard (qui était prévisible) pris, la tribune demanda au congrès que les votes se fassent à main levée, c’est-à-dire sans qu’aucun décompte des mandats ne soit effectué...

À l’issue du congrès, c’est sans surprise que le CCN élisait Jean-Claude Mailly comme nouveau secrétaire. Quant à la composition du bureau, elle ne varie pas beaucoup, les « ultra-réformards » conservant leurs fauteuils.

Quels enseignements tirer de tout ce cirque ?

Ce qui choque en premier lieu c’est l’énorme décalage entre les participants à ce « congrès » et la réalité militante. Les « vrais » délégués de syndicats étaient d’ailleurs en nombre très restreint à Villepinte. Alors que la confédération annonçait officiellement « 3000 délégués », on ne comptait jamais plus de 1500 à 2000 camarades dans la salle, essentiellement des secrétaires de gros syndicats, des « barons locaux » des équipes des UD ou des fédérations. Et cela était aussi prévisible : vu le coût du séjour, bien rare étaient les syndicats et sections syndicales à pouvoir se permettre l’envoi d’un camarade mandaté...

Deuxième remarque : l’ampleur inquiétante prise par le « culte de la personnalité » à l’égard du secrétaire général sortant. Si on rajoute à ce phénomène pour le moins malsain la loi du silence (qui conduit à condamner tout militant se montrant quelque peu critique publiquement), ainsi qu’un modèle de relations de pouvoir basé sur des allégeances quasi féodales, on aboutit à un système qui ressemble à une espèce d’hybride entre le parti stalinien et la mafia...

La vérité est ailleurs... Sur le terrain !

Pour les militants de base, qui tentent de développer de réelles dynamiques de lutte sur le terrain, ce congrès pourrait quasiment être considéré comme un affront. Il nous confirme, si besoin était, que tout est à reconstruire sur le plan de l’interprofessionnel. Et pour cela un potentiel combatif existe. Des centaines de syndicats et de section FO se battent concrètement chaque jour contre l’exploitation. Des discussions critiques se multiplient, les camarades sentant bien que l’appareil et ses apparatchiks ne leur servent à rien, voire les freinent dans leurs initiatives, et que l’on est très loin de la démocratie.

Sans pour autant idéaliser la base (la pratique de la démocratie syndicale étant un combat de tous les instants), il me semble que nous nous trouvons aujourd’hui à un moment charnière du syndicalisme, où une nouvelle génération militante cherche des modes d’action, met en œuvre de nouvelles pratiques syndicales syndicales qui n’ont plus grand-chose à voir avec celles encore défendues par les militants d’appareils qui, pour la plupart, ont commencé à militer dans les années 60.

Un débat sur l’organisation même de la confédération apparaît nécessaire. Les « solutions » imaginées par des militant(e)s à FO valent d’ailleurs tout aussi bien pour la CGT, pour la FSU, les SUD, etc. Concernant la coordination dans les luttes, nous n’avons pas d’autres choix que d’inviter les syndicats à se rencontrer et à agir ensemble. Il faudra bien un jour se donner le temps et les moyens de mutualiser nos expériences et nos réflexions.

La lettre des militant(e)s syndicalistes libertaires, lue aujourd’hui par plus de 5 000 syndicalistes en France peut être très utile pour ce travail [1]. Tout un programme... mais nous avons du courage à revendre.

Vive la Sociale !

Jélif (militant de la CGT-FO)

[1http://perso.wanadoo.fr/lettre-msl/, E-mail : lettremsl@wanadoo.fr

 
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