Constitution européenne : « Non » syndical : La ligne jaune




À moins d’un an du centenaire de la charte d’Amiens [1] , il ne paraît pas inutile de reparler d’indépendance syndicale. Certains ont cru devoir l’invoquer pour refuser une prise de position à l’occasion du référendum sur la Constitution européenne. Pourtant l’indépendance syndicale ne saurait être sérieusement discutée quand il s’agit de prendre position contre un texte libéral qui s’attaque aux intérêts des salariés, des précaires et des chômeurs.

À l’occasion du référendum, invoquer l’indépendance vis-à-vis des partis n’avait pas grand sens. Il y a, en effet, une différence fondamentale entre une consultation directe et une élection de représentants dans le cadre des institutions étatiques.

Les milliers de syndicalistes qui se sont retrouvés aux côtés de militant(e)s politiques, associatifs, et de non encartés, pour mener campagne contre la Constitution libérale, et qui le plus souvent ont apprécié ce climat unitaire, ont joué un rôle très important dans la victoire, victoire forgée dans les débats collectifs. Toutes ces forces locales, importantes, font l’objet de spéculations, pour l’avenir. S’il s’agit de maintenir un cadre unitaire pour lutter contre les délocalisations, les restructurations, contre la mise à mort des services publics, pour développer les solidarités etc. ce peut être un formidable point d’appui. Mais s’il s’agit de recomposition politique, de création d’une nouvelle force politique, opposée au libéralisme bien sûr, il s’agit d’autre chose. Et là il y aurait confusion des genres, entre la bataille pour des contre-pouvoirs et la mise sur orbite d’une formation politique pour l’exercice du pouvoir. Les mandats donnés dans les organisations syndicales pour combattre le Traité constitutionnel européen (TCE) n’impliquent pas la participation à la création au nom de la bataille qui vient d’être menée, d’une nouvelle force politique. Il peut y avoir confrontation, débats, mais pas construction ensemble au nom des associations, des syndicats, voire d’anciens mandats de ces structures, d’un nouveau parti.

Pas de mélange des genres

Nous sommes les premiers à inviter toutes celles et ceux qui se sont opposés au TCE à s’organiser politiquement. Cela doit se faire dans la clarté et la transparence, pas en utilisant des mandats syndicaux et associatifs à d’autres fins. Toutes celles et ceux qui voudront s’organiser politiquement le feront à titre personnel. Il ne saurait y avoir de confiscation du pouvoir symbolique de la victoire contre le TCE pour des embrouilles politiciennes.

La volonté de créer une nouvelle force politique pour rééquilibrer la gauche institutionnelle trop marquée par libéralisme peut avoir un certain attrait pour des franges de militant(e)s.

Nous entendons pour notre part poursuivre notre combat pour le développement des idées et des pratiques révolutionnaires et libertaires. Cela signifie que dans le respect de l’autonomie du mouvement social, nous serons vigilants contre toute tentative qui instrumentaliserait des mandats syndicaux, associatifs ou qui chercherait à embarquer des organisations syndicales dans une opération de recomposition politique. Nous maintiendrons notre ligne d’unité dans la lutte et combattrons très fermement les tentatives d’instrumentalisation.

Thierry Aureliano (AL Transcom)

[1La charte d’Amiens adoptée en 1906 par la CGT consacrait le triomphe de l’indépendance syndicale vis-à-vis des partis politiques, de l’action directe des travailleurs comme méthode de lutte (sans se préoccuper donc de la voie parlementaire préconisée par les partis de gauche) et l’affirmation de la double besogne du syndicalisme (défense immédiate des intérêts des travailleurs et rupture avec le capitalisme), comme principes fondamentaux de la jeune centrale syndicale très marquée par le syndicalisme révolutionnaire.

 
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