Dans les revues : La « RiLi » : zone de contact des « gauches critiques »




Nous entamons ce mois-ci une série d’articles visant à saluer des revues et journaux avec lesquels notre mensuel se sent des affinités, ou dont nous pensons que les approches méritent le détour.

La qualité et la pertinence de la Revue Internationale des Livres et des Idées (RiLi), lancée en septembre 2007, ne se sont pas démenties. Revue de débat et de critique, elle est de plain-pied, et toujours courageusement, dans l’actualité culturelle, sociale et politique. Qualité et audace graphique, cohérence et exigence des contenus : c’est la « patte » RiLi.

Son dernier dossier « Comment vivons-nous ? » donne l’état de la pensée écologique actuelle. Numéro des (re)mises au point, il s’articule autour d’une interview de Stéphane Lavignotte, un ancien responsable des Verts, fondateur de la revue Ecorev’, qui pose la question « la décroissance est-elle souhaitable ? ». Oui répond-il, à condition de rompre avec un « imaginaire productiviste » de gauche, qui contribue à justifier l’aberrant « développement durable ». À condition aussi de se détacher du capitalisme et de replacer le débat écologique sur le plan culturel et social, et non seulement technique, notamment en travaillant la notion de valeur d’usage chère à Serge Latouche et Paul Ariès. À condition, enfin, d’expérimenter de manière ouverte, non-dogmatique, collectivement, des formes innovantes et nombreuses d’économie décroissante. C’est par ce moyen qu’on peut contrer le capitalisme là où il est le plus fort : dans sa capacité à normaliser les rapports humains.

Même mise au point concernant la Deep Ecology (écologie profonde) d’Arne Naess. Fabien Flipo rappelle que c’est surtout l’éminent moraliste Luc Ferry qui a vu en Naess un tenant de « l’écologie nazie » au prétexte que « le monde naturel est en lui-même digne de respect » , indépendamment des êtres humains, et que l’écologie profonde critique la technologie envahissante. Résistant au nazisme et militant pacifiste de toujours, Naess fait pourtant la critique de « l’environnementalisme gestionnaire, réformiste », qui, « non seulement ne résoudra rien, mais finira par devenir autoritaire ». En d’autres termes, Ferry reproche à Naess ce qu’on reprochait aux luddites, qui percevaient derrière les quelques bienfaits de la technologie, des limites néfastes rapidement atteintes pour l’environnement comme pour l’homme.

Ce qu’on reproche souvent à l’écologie profonde, c’est d’aboutir à une mystique de la nature. Une lecture sincère de Naess montre rapidement que, plus que de religion, c’est d’éthique sociale et environnementale qu’il s’agit – une éthique renouvelée, plus proche de l’anarchisme (!) que de l’obéissance aveugle aux pseudo-impératifs d’un développement consumériste et technologique infinis. Autonomie et acceptation de l’incertitude sont ici des notions centrales.

Ultime remise en question des certitudes écologiques, la recension d’un livre de Joel Kovel de l’écologisme de gauche étasunien (ecosocialism), dans la tradition de radicalité d’un Murray Bookchin par exemple.

Ce même numéro accueille Antonio Negri sur la « production du commun », un article sur la « neutralisation du genre » dans l’art à l’occasion d’une expo de femmes à Beaubourg, une interrogation sur l’édition de Marx en France… que du lourd on vous dit.

Cuervo (AL 95)

 
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