Décès de Georges Fontenis : quelques réactions en France




Un grand nombre de sites web de contre-information (Indymedia, Bellacio.org, Rezocitoyen.org…), d’organisations (OCL) de blogs (AL Toulouse, Marseille, Tours...), de webzines (Resistance.tk) et de forums (Forum des Amis de Lutte ouvrière, Forum marxiste révolutionnaire, Forum anarchiste révolutionnaire, Forum anarchiste, CCC Forum…) ont reproduit le communiqué d’Alternative libertaire annonçant la disparition de Georges Fontenis.

Mais quelques-uns ont également écrit un article, un texte, voire un message spontanément envoyé à AL. Ci-dessous, un échantillon.


DE "DEMAIN LE GRAND SOIR" (TOURS)

Les Amis de "Demain le Grand Soir" ont eu la douleur d’apprendre le décès de Georges Fontenis, ce lundi 9 août 2010.

Georges Fontenis a joué un très grand rôle dans le mouvement libertaire français. Sa vie se confond avec les histoires des luttes ouvrières du 20e siècle. Il aura d’ailleurs côtoyé de très près des personnages comme Brassens ou Camus.

Localement, une des ces dernières apparition militante, aura été sa participation active au Collectif Contre La Venue du Pape à Tours.
Il aura, avec courage et risque, soutenu les anarchistes espagnols (après la victoire de Franco) et les indépendantistes algériens.

Diabolisé par une partie du mouvement libertaire, il est resté cependant, jusqu’à la fin, fidèle à ses convictions libertaires.

Un documentaire, réalisé en 2008 par Franck Wolff, Parcours libertaire, résume son l’engagement de ce militant sans dieu et sans maître.

Demain le Grand Soir, 10 août 2010


DE SOLIDAIRES INDRE-ET-LOIRE

L’union syndicale SUD/Solidaires 37 vient d’apprendre, avec tristesse, le décès de Georges Fontenis, ce lundi 9 août 2010.

Georges Fontenis a été un militant infatigable de la cause libertaire. Il a été aussi un militant syndicaliste à l’École émancipée. À la création de SUD-Éducation 37, il a été parmi les premiers adhérents et voyait avec sympathie ce qu’il considérait comme la résurgence d’un courant syndicaliste révolutionnaire.

Il a participé régulièrement dans nos rangs, tant que sa santé le lui permettait, aux défilés du premier mai et aux repas que nous organisions à la suite.

SUD/Solidaires 37 assure sa compagne Marie-Louise ainsi que sa famille de sa solidarité dans ce moment douloureux.

Solidaires 38, Saint-Avertin, le 11 août 2010


DE LA FÉDÉRATION ANARCHISTE

Chers camarades,

La Fédération anarchiste vous assure de sa sympathie à l’annonce de la nouvelle du décès de Georges Fontenis. Sa disparition est celle d’un militant libertaire dont chacun retiendra la détermination et le courage dans des périodes où les conséquences de l’engagement pouvaient être lourdes, la polémique n’est donc pas de mise dans de telles circonstances. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir transmettre ce message à sa famille dont je n’ai pas les coordonnées.

Salutations anarchistes.

Secrétariat aux Relations Extérieures de la Fédération anarchiste


DES ALTERNATIFS

CherEs, camarades,

le chemin de l’émancipation est long, des militants comme Georges Fontenis l’ont suivi, jalonné, éclairé.

Il fut attentif aux mutations de la société, capable d’autocritique, fidèle à son engagement révolutionnaire et libertaire et en assumant les risques aux moments ou ceux-ci devaient être pris.

Au delà des différences, le chemin et le but, une société autogestionnaire, sans exploitation ni oppressions, nous sont communs.

Aux proches et camarades de Georges Fontenis, notre amitié, notre solidarité.

Pour l’Exécutif des Alternatifs, Jean-Jacques Boislaroussie


DE JEAN-LOUIS LE BOURHIS (ALTERNATIFS)

J’ai perdu un ami auquel je pensais souvent.

Je l’ai rencontré au milieu des années 1980, dans mes années militantes tourangelles, quand le PSU, dont j’étais militant, tenta un regroupement politique appelé Touraine Alternative Écologie Autogestion. Georges Fontenis et l’UTCL répondirent favorablement. Cette tentative a explosé à l’approche des élections présidentielles de 1988 sur un malentendu mais pas de la part de Georges Fontenis ni de l’UTCL.

À la même période, la présentation de sa brochure sur Le Message révolutionnaire des Amis de Durruti permit de nous rencontrer dans des cadres moins officiels. Mon souvenir le plus intact fut la fois où il nous raconta le procès que lui avait intenté le maire de son village de Touraine. Il bichait de l’exaspération du tribunal face à la plaidoirie de l’avocat du maire, dressant contre lui un portrait en sorcellerie : « l’anarchiste Fontenis qui a aidé le FLN algérien coupable d’attentats sanglants...etc. », qu’il pouvait revendiquer en grande partie.

Ces rencontres assez régulières furent l’occasion pour moi de rompre avec les clichés sur l’anarchisme (un refus obstiné et un peu ridicule dans son expression de toute participation à une élection, une incapacité à sortir des Tables de la Loi) hélas trop souvent réels. Non-conformiste, Georges Fontenis devait pour cela affronter une rancune haineuse à son égard de certains anarchistes.

Quittant la Touraine à la fin des années 1980 nous ne nous revîmes plus que par hasard et n’avons échangé que peu de courriers. Lors d’une des dernières rencontres il s’attristait de voir le terme communisme discrédité (pour lui libertaire bien entendu) sans pouvoir se résoudre à l’abandonner quand pour ma part, détaché de toute fidélité à l’idée communiste, il me semblait que choisir un autre terme et lui donner des significations similaires réglait la question.

Homme d’attachement, homme attachant, Gorges Fontenis s’en est allé. Il restera dans ma mémoire comme dans celle de nombreux militants bien au delà des cercles libertaires.

Jean-Louis Le Bourhis, militant des Alternatifs


DU NOUVEAU PARTI ANTICAPITALISTE

Nous avons appris début août le décès de Georges Fontenis. Nombreux parmi nous sont ceux qui ont croisé la route de ce militant libertaire au cours des décennies précédentes. Il faut dire que Georges Fontenis n’était pas un militant anarchiste ordinaire. Porteur d’une conception non sectaire de l’anarchisme, il a joué un grand rôle dans l’affirmation en France du courant communiste libertaire dont l’écrivain Daniel Guérin s’est fait le théoricien.

Secrétaire de la Fédération anarchiste dans l’immédiate après-guerre, il a contribué à la transformation de cette organisation en une Fédération communiste libertaire (FCL) dont les positions rompaient avec l’immobilisme de l’anarchisme traditionnel, notamment face à la guerre d’Algérie. La FCL s’était en effet engagée pleinement dans le combat anticolonialiste et c’est la répression qui a finalement eu raison d’elle en 1956. Fontenis fait alors partie des nombreux camarades arrêtés.

Après sa sortie de prison, il participe à la Voie communiste, revue de critiques et de débats qui permet la confrontation de dissidents issus du PC à des militants trotskistes ou libertaires. En Mai 68, le Comité d’action révolutionnaire de Tours, qu’il contribue à animer, rédige un projet de plateforme pour une organisation révolutionnaire. En fait c’est à la renaissance et à l’affirmation du courant communiste libertaire que Georges Fontenis participe durant les années d’après-Mai. L’actuelle Alternative libertaire, née en 1991, en est l’ultime émanation. Elle lui doit beaucoup.

Nous saluons la mémoire et le parcours d’un militant révolutionnaire dont les réflexions, précieuses, ont souvent rejoint les nôtres.

Stéphane Moulain, dans Tout est à nous du 2 septembre 2010


UNE NÉCROLOGIE DANS LE MONDE DU 13 AOÛT 2010

Né dans une famille ouvrière, Georges Fontenis passe son enfance dans la région parisienne. Il lit les journaux syndicalistes et pivertistes de son père, aussi bien que les journaux libertaires, trotskistes et pacifistes. Adhérant à l’Union anarchiste, il dévore les œuvres complètes de Bakounine à l’âge de 17 ans.

Sous l’occupation, Georges Fontenis est membre de la CGT clandestine et, à la Libération, participe à la refondation de L’École émancipée. Plus tard, il représentera les enseignants débutants à la Commission d’épuration établie par le ministère de l’éducation, avant d’enseigner dans une école primaire parisienne.

En 1944, il devient le plus jeune membre de la commission administrative de la Fédération anarchiste (FA)renaissante et sera secrétaire des Jeunesses anarchistes. Partisan d’une conception "lutte de classes" et d’une plus grande cohésion idéologique et organisationnelle des anarchistes, il dénonçait « les démolisseurs, les contemplateurs de leur nombril, les "enfileurs de phrases" vains et néfastes ». Il est bientôt élu secrétaire général de la FA, qui se transforme, en 1953, en Fédération communiste libertaire (FCL). La FCL développe l’activité anticolonialiste et syndicale et fait preuve d’une attitude plus ouverte à l’égard du marxisme.

Clandestinité

Georges Fontenis participe, en 1953, à la rédaction d’un Manifeste du communisme libertaire. Adoptant une position de "soutien critique" aux mouvements indépendantistes dès le début de l’insurrection algérienne, la FCL attira la collaboration d’intellectuels engagés tels que Daniel Guérin. La FCL est frappée par la répression et son journal disparaît en 1956. En 1955, trois rédacteurs du Libertaire, dont Georges Fontenis, sont inculpés d’atteinte à la sûreté de l’État. Ayant signé, en juillet 1956, un "Appel pour l’unité du front des révolutionnaires", Fontenis est, avec d’autres militants, interrogé longuement par la direction de la surveillance du territoire (DST). Croyant le pays à la veille d’une insurrection, il passe alors à la clandestinité.

Il établit des contacts avec les militants d’autres organisations et avec le Front de libération nationale (FLN) algérien. Il est arrêté par la DST, en juillet 1957. Condamné à près de deux ans de prison, il bénéficie de l’amnistie après l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle.

Réintégré dans l’éducation nationale en 1958, Georges Fontenis retrouve un emploi d’instituteur. Il sera inspecteur en zone rurale de 1962 à 1967, puis professeur de psychopédagogie à l’Ecole normale d’instituteurs de Tours. Il passe avec succès, à Paris, l’examen de professeur de collège et de directeur d’école.

Il joue de nouveau un rôle dans le mouvement libertaire avec les événements de Mai 68, animant, à Tours, un Comité d’action révolutionnaire. Avec Daniel Guérin, il crée le Mouvement communiste libertaire (MCL) en 1969, qui deviendra, en 1971, l’Organisation communiste libertaire (OCL), promouvant un syncrétisme des apports principaux du mouvement ouvrier anti-autoritaire de la Ire Internationale, de l’anarcho-syndicalisme, du conseillisme et de la réflexion de Socialisme ou barbarie.

L’OCL disparaît en 1976 ; Georges Fontenis adhère, en 1980, à l’Union des travailleurs communistes libertaires (UTCL), dont la stratégie était de construire une nouvelle organisation communiste libertaire au sein d’un pôle alternatif autogestionnaire et anticapitaliste plus large. Après des rencontres de l’UTCL avec diverses autres organisations, est créée, en 1991, Alternative libertaire, à laquelle il adhère.

Dans les années 1980-1990, Georges Fontenis se consacre à l’écriture, produisant des brochures (Les Amis de Durruti, 1983 ; Il y a 50 ans, le Front populaire, 1986) et une histoire autobiographique : L’Autre Communisme, 1990, rééditée sous le titre Changer le monde (1945-1997).

David Berry

  • historien, professeur à l’université de Loughborough (Grande-Bretagne).

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