Antifascisme

Dissolutions : L’autoritarisme en marche




À la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé avoir engagé une procédure de dissolution contre la Jeune Garde antifasciste et Urgence Palestine, collectif créé au lendemain du 7 octobre 2023 pour soutenir le peuple palestinien. Retour sur les procédures de dissolutions, marotte des gouvernements macronistes.

C’est une sale manie des ministres de l’Intérieur sous Macron : restreindre tout mouvement contestataire d’extrême gauche. La procédure de dissolution est, hélas, devenue habituelle pour les organisations du mouvement social. En 2021, Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, avait annoncé une procédure similaire contre le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), qui s’était auto-dissout pour lui couper l’herbe sous le pied [1]. Le Groupe antifasciste Lyon et environs (GALE) avait été visé en mars 2022. À la suite de la mobilisation contre les méga-bassines à Sainte-Soline, Gérald Darmanin avait également engagé la dissolution des Soulèvements de la Terre. Dans un souci de maintenir un vernis « ni de droite, ni de gauche », des procédures ont aussi été engagées contre l’autre bout du spectre politique : la structure angevine l’Alvarium a été dissoute en 2021 ainsi que Génération identitaire. Bruno Retailleau a également annoncé vouloir dissoudre le groupe d’extrême droite Lyon populaire.

Cet équilibre est bien sûr de façade : les groupuscules d’extrême droite peuvent user d’un niveau impressionnant de violence avant que le gouvernement ne mette fin à leur impunité. À l’opposé, les motifs ciblant les organisations de gauche sont bien plus flous. La Jeune Garde est ciblée pour violence et antisémitisme, sur la base de propos tronqués et décontextualisés, ou pour avoir osé répondre à la violence fasciste – quand les forces de l’ordre sont au mieux passives. Urgence Palestine, comme le reste du mouvement pro-palestinien, fait face à des accusations d’antisémitisme et d’apologie du terrorisme. Pendant ce temps, les militantes et militants fascistes peuvent continuer chaque année d’organiser leur marche du Comité du 9-Mai, pendant laquelle des références nazies explicites sont aperçues [2]. Triste retournement de l’histoire, la loi contre les milices et groupes de combat utilisée pour engager ces dissolutions a été adoptée pour dissoudre les ligues factieuses et antisémites qui souhaitaient abattre la démocratie en février 1934…

Cortège de la Jeune Garde lors de la Marche contre la vie chère et l’inaction climatique du 16 octobre 2022, à Paris.
Patrice Leclerc/phototheque.org

Ces procédures ne se sont pas toujours conclues en faveur des ministres. En octobre 2023, le Conseil d’État a par exemple annulé la dissolution des Soulèvements de la Terre, jugeant disproportionné l’usage de la dissolution face aux reproches faits au mouvement [3]. En cela comme en d’autres occasions, les macronistes ne se préoccupent pas de la conformité de leur action avec le droit : ils tentent le coup et voient si la justice avalise ou non leur procédé.

Le peu de soins accordé à la solidité juridique de ces dissolutions le démontre : le gouvernement utilise cet outil pour faire un coup médiatique et occuper l’espace public bien plus que pour sa réelle utilité juridique. En accédant aux revendications d’organisations telles que l’UNI ou la Cocarde, il donne également des gages à l’extrême droite qui a fait de la dissolution de ces structures un de ses combats. La place de Bayrou à Matignon ne tient qu’à la bonne volonté des dirigeantes et dirigeants du RN, il est donc toujours bon de céder à certaines de leurs revendications. L’attaque contre une organisation ouvertement antiraciste et pro-Palestine s’ajoute à la criminalisation de la lutte contre l’islamophobie et des soutiens à la Palestine que l’on observe depuis des années.

Manifestation contre l’islamophobie à Paris, le 11 mai 2025.
Patrice Leclerc/phototheque.org

Même mal étayées, ces procédures ont des effets insidieux sur nos organisations : elles mettent les militantes et militants sous haute pression, drainent des forces importantes pour organiser la défense et le soutien. Par ricochet, elles entraînent une autocensure du reste du mouvement social, les organisations craignant d’attirer l’attention du ministère de l’Intérieur.

Menacées, la Jeune Garde et Urgence Palestine ne se laissent pas faire. Les deux structures ont déjà collecté un nombre important de soutiens publics, issus tant du monde politique (des NPA à EELV, en passant évidemment par l’UCL) que syndical (CGT, Solidaires, FSU) et artistique, parmi lesquels notamment Médine, Youssoupha, Alois Sauvage, et bien d’autres encore [4]. Des rassemblements ont eu lieu dans de nombreuses villes comme à Paris, où un meeting de soutien a été organisé début mai [5], à Lyon ou à Grenoble. Notre camp social doit montrer une solidarité sans faille. L’union du mouvement social au sens large est plus que nécessaire face à cette nouvelle étape dans la criminalisation de l’opposition politique et de la résistance antifasciste et anti-impérialiste. Une attaque contre l’une ou l’un d’entre nous est une attaque contre tous et toutes. Ensemble, mettons un coup d’arrêt à Retailleau, son gouvernement et ses alliés fascistes.

Nico (commission Antifa de l’UCL)

[1Le Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE) est créé en Belgique début novembre 2020 pour prendre le relai du CCIF à l’échelle européenne.

[2Maxime Macé, Pierre Plottu et Caurentin Courtois, «  Saluts nazis, symboles SS… les images exclusives au cœur de la cérémonie néofasciste du C9M  », Libération, 12 mai 2025.

[3Communiqué UCL, «  Soulèvements de la Terre : une victoire mais une alerte pour les libertés publiques  », 27 octobre 2023.

[4Tribune «  Non à la dissolution d’Urgence Palestine et de la Jeune Garde Antifasciste  », L’Humanité, 12 mai 2025.

 
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