Dossier Logement : Benoite Bureau (DAL) : “Sans création de logements sociaux, pas de droit opposable”




Depuis le 31 décembre, un immeuble de 2 000 m2 a été réquisitionné par le Droit au logement (DAL), l’association culturelle Macaq et le collectif Jeudi Noir. Entretien avec Benoîte Bureau, militante à DAL.

Alternative libertaire : Que pensez-vous de la réponse gouvernementale aux mobilisations de cet hiver ?

Benoîte Bureau : Nous sommes, depuis plusieurs années, favorables à la mise en place du droit au logement opposable. Nous considérons que l’établissement de ce nouveau droit, inscrit dans la loi et susceptible de recours pour les mal-logé-e-s et les sans-logis, devant une juridiction précise (selon le projet de loi, le juge administratif, en référé) est un début de conquête sociale. Mais il faut être clair, ce droit ne pourra exister dans les faits que si des logements sociaux abordables pour les ménages en difficulté sont produits massivement. Sans cela, le « droit opposable » restera une fiction. Ce droit, pour exister, doit également s’accompagner de mesures d’urgence : application de la loi de réquisition, utilisation des logements vacants des programmes de démolition, et éventuellement location par la collectivité de logements dans le parc privé. Enfin, il faut être très attentif à ce que la loi ne soit pas vidée de sa substance au Sénat (30 et 31 janvier) et à l’Assemblée nationale (21 février).

De nouveaux acteurs ont surgi récemment sur le terrain du logement : les Don Quichotte, Jeudi Noir. Qu’est-ce qui peut faciliter une convergence, et qu’est-ce qui peut y faire obstacle ?

Benoîte Bureau : L’émergence de nouveaux acteurs est le signe de l’acuité de la crise du logement, qui touche de plus en plus de monde, comme les jeunes salarié-e-s de Jeudi Noir, par exemple. Cela permet aussi de mobiliser un autre public. Nous sommes favorables à la convergence la plus large possible et au dévelopement des luttes du logement, qui prennent dans un terrain qui est travaillé en profondeur depuis une vingtaine d’années.

Rue de la Banque vous avez ouvert le « ministère de la Crise du logement ». Quels sont ses objectifs ?

Benoîte Bureau : Le ministère de la Crise du logement, occupé par le DAL, Macaq et Jeudi Noir a trois objectifs. D’abord, loger des gens qui n’étaient pas logés avant. Au ministère habitent une soixantaine de personnes, dont une vingtaine d’enfants. Il y a là des familles expulsées sans relogement en 2006, des jeunes précaires en CDD ne trouvant pas à se loger, des artistes en galère. Tous ces gens n’étaient pas logés avant l’occupation de l’immeuble en décembre.

Le second objectif du « ministère » est d’être un lieu de débat et de réflexion sur la crise du logement. Nous organisons des rencontres avec des expertes et des experts, des mouvements de lutte, les candidates et les candidats à la présidentielle, etc., afin de recueillir les différentes analyses de la crise du logement et les propositions pour l’éradiquer. Enfin, le « ministère » veut être un lieu de mobilisations d’où partent des actions concrètes pour maintenir la question du logement, et plus largement la question sociale, au cœur de l’actualité… surtout en cette période électorale.

Où en est l’occupation elle-même ?

Benoîte Bureau : L’occupation se passe bien. Le propriétaire de l’immeuble, la Lyonnaise de Banque, qui a gardé cet immeuble de 2000 m2 vide pendant trois ans a toutefois engagé une procédure d’expulsion. Nous allons donc nous défendre, avec comme objectif d’obtenir le relogement des habitantes et des habitants. Nous appelons au développement des luttes de terrain, en île-de-France, mais aussi en province où depuis quelques semaines de nombreuses luttes se développent, autour de campements ou de réquisitions de logements vides.

Propos recueillis par Guillaume Davranche
(AL Montrouge), le 22-01-2007


QUI EST QUI ?

DAL (Droit au logement) est une association créée en 1990 par des militants et militantes associatifs de quartier et des familles mal-logées ou sans-logis dans le XXe arrondissement de Paris. Organisée en fédération de comités (une trentaine dans toute la France), l’association s’est faite connaître par des actions d’occupation-réquisition. http://www.globenet.org/dal/

Les Enfants de Don Quichotte est une association créée par le comédien Augustin Legrand quand il a commencé à dormir dans une tente en octobre 2006 avec ses proches. L’association a organisé un campement au bord du canal Saint-Martin qui s’est étendu, à la veille des fêtes, au point de faire la une des journaux. Dans une démarche « apolitique », elle a mis au premier plan le problème des SDF.

Jeudi Noir est une association créée récemment qui tient son nom du jour où sortent les petites annonces du logement. Jeunes étudiants et étudiantes ou salarié-e-s, ils investissent des appartements à louer particulièrement chers, ils font des actions dans des agences immobilières… moyens de dénoncer l’impossibilité de se loger à Paris. http://www.jeudi-noir.org/

 
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