Dossier autogestion : Suisse : le Centre autonome de jeunesse de Bienne




Bienne est une ville bilingue de 50 000 habitant(e)s, située au pied du Jura. Traditionnellement industrielle et « rouge », elle contraste puissamment avec des villages et bourgs environnants traditionalistes et conservateurs.

Né du mouvement de 1968, le Centre autonome de jeunesse (CAJ) est le seul des centres de l’époque à avoir survécu tout en conservant son autonomie. Articulé autour de la Coupole (une salle de concerts de 1 000 places), le CAJ est aujourd’hui un réseau de projets répartis dans toute la ville, comprenant également une cuisine populaire, un asile de nuit, une imprimerie, un infokiosque, un bar, un laboratoire de sons hip-hop, un journal (pour le moment inactif), un atelier informatique, le « schrottbar » qui est une communauté de vie en roulottes, et un groupe antifasciste, le « bureau pour des temps meilleurs ».

Le réseau compte plus de 150 militant(e)s actif(ve)s. Ses projets sont de deux types : il y a d’un côté les groupes d’activités, complètement autonomes pour leurs activités propres, et les groupes de travail, qui fonctionnent sur un mandat donné par l’une ou l’autre des deux structures centrales du CAJ : l’assemblée hebdomadaire des usager(e)s et l’assemblée générale, convoquée par voie d’affiches 3 à 4 fois par an. Ces structures sont ouvertes à toute personne intéressée. Les décisions s’y prennent autant que possible par discussion générale jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’oppositions. En cas de blocage, il est passé au vote. Des mécanismes statutaires garantissent que cette ouverture ne puisse pas être utilisée pour un « putsch ».

Au niveau central, le CAJ ne connaît pas de permanent(e)s, même si certaines tâches (nettoyages, caisse, comptabilité, révision) sont indemnisées. En revanche, certains groupes d’activités autofinancés (certains aussi à travers des subventions étatiques) sont professionnalisés (imprimerie, asile de nuit, cuisine populaire notamment).

Jusqu’au début des années 80, les libertaires ont été minoritaires au sein du CAJ. Ils ont notamment perdu successivement deux batailles stratégiques à la fin des années 70, sur le fait de constituer le mouvement en association et de demander à l’État des subventions (aujourd’hui 75 000 euros par an) et sur l’engagement de deux permanent(e)s désigné(e)s par l’assemblée générale (postes supprimés au début des années 90). Avec l’adoption du manifeste du CAJ en 1983 suite à d’intenses débats politiques, il y a un consensus de principe sur l’orientation libertaire du CAJ, même si de nombreux(ses) participant-e-s sont peu politisé(e)s.

Les rapports du CAJ aux autorités ont toujours été plutôt conflictuels et l’autonomie du CAJ a dû être imposée et défendue de haute lutte. Dans certains domaines, nous vivons une situation de « double pouvoir » de fait : quand quelqu’un demande à utiliser les terrains municipaux situés derrière la Coupole, la municipalité donne son accord, mais renvoie le demandeur/la demandeuse à l’assemblée d’usagers/gères.

En 1993, une importante rénovation de la Coupole (850 000 euros) a été soumise au vote populaire et acceptée par plus de 60 % des votant(e)s avec une participation elle aussi supérieure à 60 %, malgré une campagne hystérique de la droite dure (contre le bruit dans le centre-ville, la subversion et la drogue !) qui disposait de gros moyens financiers fournis par les milieux de la spéculation immobilière, qu’une structure du CAJ (le Groupe logement) emmerdait systématiquement par son opposition aux gros projets de « rénovation urbaine ». La plus grande partie des travaux a été effectuée par une coopérative que le CAJ avait constituée pour cela et la supervision des travaux était assumée par un organe paritaire ville-CAJ, avec présidence indépendante, où le CAJ a détenu une majorité de fait. Depuis, le CAJ est pratiquement devenu politiquement intouchable, même si des projets peuvent faire l’objet d’attaques ou de répression à l’occasion (fermeture d’un bar associatif, le Billabong, poursuites judiciaires, contre le « Schrottbar » notamment).

Les quelques militant(e)s libertaires organisé(e)s du CAJ proviennent de l’Organisation socialiste libertaire (OSL) et de la FAUCH (petit syndicat anarcho-syndicaliste non-affilié à l’Association internationale des travailleurs, AIT).

Mark (OSL, Suisse)

  • Pour toute information complémentaire, consulter notre site : www.caj.ch
 
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