Dossier religions : 2005 : caricatures danoises et psychodrame planétaire




De septembre 2005 à mars 2006, l’affaire des caricatures de Mahomet parues dans un quotidien danois provoqua une démonstration de force des islamistes dans les pays arabes… et fit aussi le jeu de l’extrême droite européenne et des dignitaires religieux de toutes nuances.

En septembre 2005, le quotidien de droite danois Jyllands-Posten publiait une série de 12 dessins consacrés au prophète Mahomet pour illustrer un débat sur le thème de la liberté d’expression menacée par l’islam. Vu l’éditeur, vu l’unilatéralité de l’attaque, l’entreprise était incontestablement teintée de racisme. Elle indigna d’ailleurs les musulmans danois.

L’affaire aurait pu rester strictement danoise, mais fut montée en épingle par la confrérie des frères musulmans, qui, dans leur propagande, ajoutèrent aux 12 dessins incriminés 3 caricatures particulièrement ordurières dont une récupérée sur un site web d’extrême droite chrétien. Sur la base de cette manipulation sordide, ils appelèrent à la vengeance, et firent descendre dans la rue quelques centaines à quelques milliers de personnes.

De façon purement démagogique, plusieurs dictatures arabes – dont la très laïque Syrie –, qui d’ordinaire n’autorisaient aucune manifestation, les encouragèrent. En France, le 1er février 2006, c’est le quotidien de droite France Soir qui pensait faire un coup commercial en publiant à son tour les caricatures « au nom de la liberté d’expression ».

Résultat : un véritable bal des hypocrites mettant en musique le fameux « choc des civilisations ». D’un côté, quelques milliers de fanatiques essayant de mobiliser les populations arabes contre « l’Occident », épaulés en France par plusieurs dignitaires israélites, catholiques ou musulmans qui en profitèrent pour réclamer l’interdiction légale du « blasphème » (!). De l’autre, l’extrême droite et la droite européenne défendant avec une feinte indignation « la liberté d’expression », renforcées par quelques bonnes âmes n’ayant que Voltaire et la République à la bouche (Philippe Val et Charlie Hebdo).

Et au milieu, les antiracistes et les minorités musulmanes d’Europe, sommés à tout bout de champ de se justifier et de proclamer leur attachement à la république, à la laïcité et à « la liberté d’expression » !

Bref, une belle période d’hystérie toute au bénéfice des réactionnaires des deux côtés de la Méditerranée, et dont on se serait bien passée !

Évidemment, on doit pouvoir tourner les dieux et leurs prophètes en dérision. Mais devait-on pour autant rester aveugle au caractère raciste de l’entreprise du Jyllands-Posten, puis de France Soir ? Celle-ci méritait réprobation mais, pour qu’elle ne puisse être confondue avec un quelconque soutien aux fanatiques religieux qui s’étaient emparés de l’affaire, il était nécessaire d’affirmer en parallèle le droit inaliénable à la liberté d’expression. C’est ce qu’écrivit Alternative libertaire de mars 2006 : « Pour nous, libertaires, les choses sont claires. Nous ne tomberons pas dans le panneau qui consiste à confondre une expression visant à soi-disant s’en prendre à une religion pour en fait répandre la haine contre une partie des immigré-e-s. »

Guillaume Davranche (AL 93)


Cet article fait partie d’un dossier complet : « Religions, racismes et mouvements sociaux, y voir clair ».


 
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