Communiqué UCL Montreuil

Drame des sans-papiers face au Covid-19 : urgence à Montreuil




Choquées par la situation intenable et les conditions indignes dans lesquelles vivent les 273 travailleurs sans papiers, installés depuis 5 mois dans un hangar au 138 rue de Stalingrad, des citoyennes et citoyens montreuillois suivent et soutiennent les anciens résidents du foyer Bara.

En septembre 2018, la mairie de Montreuil a fait fermer le foyer Bara historique, insalubre depuis de longues années par suite du manque d’entretien réalisé par l’organisme gestionnaire Coallia. Elle reloge les résidents de façon précaire dans l’ancien centre AFPA, promettant un relogement pérenne, à terme, pour tous.
En octobre 2019, les résidents, qui payaient tous leurs loyers, sont délogés de l’AFPA. Ceux qui sont en règle avec leurs papiers ont pu être hébergés dans des bâtiments provisoires. Alors que les habitants qui n’ont pas de papiers en règles sont évacués par la police le 29 octobre, sur ordre de la Préfecture. Deux jours avant la trêve hivernale, ces personnes sont laissées à la rue plusieurs jours avant d’être fermement invitées à rejoindre le hangar de la rue Stalingrad.

Ce bâtiment, constitué d’anciens bureaux, est dépourvu de toutes commodités, sans réelles fenêtres, vide, équipé de deux toilettes, il est inadapté à un usage d’habitation. La Mairie y entasse des lits superposés et fait quelques installations provisoires : quatre toilettes supplémentaires dans la cour et six cabines de douches avec eau froide. Laissant ainsi l’ensemble les 273 résidents dans des conditions de vie intolérables pendant plus de cinq mois.


Manifestation des ouvriers sans papiers le 29 février à Montreuil, pour la régularisation et le logement
cc UCL Montreuil

Aujourd’hui, la situation de confinement liée au Covid-19 rend le quotidien des ex-Baras encore plus inacceptable et dangereux. Ces hommes survivent dans un squat insalubre, ils sont entassés les uns sur les autres, sans intimité - faute de place suffisante et d’installations adéquates. Ils sont dans l’impossibilité de cuisiner car le compteur électrique saute dès que les bouilloires chauffent.

Ces hommes se retrouvent piégés par des conditions insupportables et sont fragilisés par ces déménagements successifs, ajoutant de la précarité à la précarité. Alors que leurs objectifs sont de travailler, d’apprendre à maîtriser la langue, afin d’acquérir un titre de séjour, seul moyen d’être enfin totalement autonomes et protégés par la loi.

Nous, voisins, militants associatifs et politiques, et citoyens de Montreuil, nous tentons dans cette situation d’urgence, et d’abandon intolérable, de consolider et d’organiser une chaîne de solidarité autour de ces hommes. Avec pour objectifs de leur apporter à la fois un soutien, des propositions, et des biens de première nécessité (produits alimentaires, produits d’hygiène, couverture), afin que leur humanité et leur dignité soient respectées.

Mais notre mouvement se heurte, hier comme aujourd’hui, à des obstacles ou à des freins qui tiennent à l’organisation du pouvoir politique : nous sommes dépendant.e.s des décisions de la Mairie, de la Région, de la Préfecture, pour débloquer les fonds nécessaires à une aide de qualité et les soutenir pour un relogement digne.

A ce jour, la Région Île-de-France, malgré l’annonce d’un plan d’urgence sanitaire lancé dans le contexte épidémique, n’a toujours pas débloqué les fonds annoncés.
D’autres partenaires apportent des aides provisoires, tel qu’Emmaüs Alternatives qui assurera un repas chaud pour l’ensemble des résidents pendant une semaine avec l’obtention d’un premier fond accordé par une Fondation privée. Ou l’armée du salut, qui apporte quotidiennement des repas froids qui leur permettent de se sustenter le soir.

La mairie, qui a mis trois semaines à intervenir, s’est désormais engagée à intervenir à partir de ce vendredi 3 avril :

  • à distribuer jusqu’à la mi-avril un repas chaud le midi pour 243 personnes présentes sur le hangar (Emmaüs alternatives prendra ensuite le relais de cette distribution pendant une semaine)
  • à nourrir les 30 personnes transférées dans un hôtel à Bondy
  • à redistribuer les produits d’hygiènes qu’elle ne distribuait plus depuis 3 mois et qui sont aujourd’hui stockés dans un établissement de la ville.

Il est maintenant impératif que les ONG qui assurent les soins médicaux reçoivent les fonds demandés pour assurer les soins et la protection nécessaires à nos voisins du hangar de la rue de Stalingrad.

Il est tout aussi impératif qu’à partir du 22 avril, soit la Région, soit la mairie, poursuive la distribution alimentaire de première nécessité et celle des produits d’hygiène (produits de base + masques, produits hydroalcooliques, gants, etc), jusqu’à la fin du confinement.

Au-delà des solutions d’urgence en cours d’organisation, plusieurs questions capitales restent en suspens sur les conditions de logement :

  • Dans l’immédiat, face aux risques de l’épidémie, la question se pose d’héberger collectivement dans l’urgence l’ensemble des résidents dans un lieu plus vaste, plus sécuritaire, avec moins de risque pour la propagation de l’épidémie que le hangar rue de Stalingrad. De ce point de vue, l’AFPA doit rester une option envisageable.
  • A moyen terme, comment la Mairie et la Préfecture comptent-elles reloger ensemble le collectif des personnes confinées au hangar dans les conditions de sécurité définies par l’État ? Il n’est pas négociable que les résidents soient séparés, ni installés ailleurs qu’à Montreuil.
  • Dans ce cadre, quel est le calendrier prévu par la Mairie pour honorer les engagements au relogement qu’elle a portés au moment de la fermeture du foyer Bara ?

La mairie a officiellement fait état d’une étude menée par la Fondation des Architectes de l’Urgence sur la réhabilitation du hangar de la rue de Stalingrad et prête à être présentée à l’EPFIF – l’Établissement Public d’Île de France. Quand la réunion aura-t-elle lieu et avec quels interlocuteurs ? Cela ne peut être évidemment qu’une situation transitoire qui ne répond pas non plus à l’urgence de l’épidémie du fait de l’entassement.

La crise du coronavirus n’a fait qu’exacerber la violence de la situation des travailleurs sans papiers de l’ex foyer Bara. Aujourd’hui nous voulons des engagements fermes de l’ensemble des acteurs concernés et responsables et un calendrier d’actions réelles.

Nous nous battrons sans relâche auprès de nos amis et voisins de la rue de Stalingrad pour protéger leurs droits humains fondamentaux.
Au-delà de cette situation de crise, nous nous battrons pour qu’ils obtiennent des papiers, pour qu’ils puissent travailler, vivre, et respirer dignement dans notre ville. Il est indispensable que la préfecture procède à la régularisation de leur situation, une régularisation mettra ces travailleurs aujourd’hui sans papiers à l’abri d’une expulsion au sortir des mesures de confinement individuel.

Pour notre part, nous entendons tenir ces engagements dans la durée. Et nous pensons qu’il appartient à l’ensemble des citoyen-ne-s de veiller à ce que la municipalité qui vient d’être réélue respecte les siens, et tienne parole.

Le 5 avril 2020,

  • Les travailleurs sans papiers du 138 rue de Stalingrad ;
  • Le Collectif unitaire de soutien aux résidents de l’ancien foyer Bara, ainsi que des Montreuillois et Montreuilloises et au-delà engagé.e.s aux côtés des travailleurs sans papiers, avec le soutien de : Collectif des travailleurs sans-papier de Vitry (CTSPV), Collectif Montreuil Rebelles, CNT STE 93, Lutte ouvrière, Nouveau Parti Anticapitaliste, Union communiste libertaire
 
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