Droits devant : La motivation du licenciement




Par Jean Luc Dupriez, défenseur syndical CGT

Eveline [1]
a été embauchée à temps partiel – 28 heures par semaine – pour faire des ménages dans un centre hippique. Il n’a pas été signé de contrat de travail et la salariée était payée par chèques emploi-service. Alors que jamais rien ne lui avait été reproché, cinq mois plus tard, le 22 février à 16 heures, l’employeur exigeait qu’elle quitte son travail « sur le champ » pour ne plus revenir. Trois jours plus tard, la salariée envoie une lettre recommandée pour que l’employeur engage « la procédure qu’il convient dans les meilleurs délais ». Dans sa réponse, ce dernier écrit : « Je vous confirme par la présente votre licenciement en raison d’incompatibilité d’humeur et fin de mission. Le contrat de travail a pris fin le 22 février. »

Le Code du travail impose que les motifs de licenciement soient énoncés par écrit dans une lettre recommandée avec accusé de réception. Le défaut d’énonciation par écrit des motifs emporte l’absence de cause réelle et sérieuse au licenciement. En particulier tout licenciement verbal est abusif. Dans le cas d’Eveline, outre qu’il est impossible de régulariser le licenciement après que la rupture du contrat a été constatée – ce qui est le cas ici –, les motifs invoqués, évidemment illicites, démontrent simplement qu’il n’y avait aucun motif au licenciement, si ce n’est le pouvoir « de droit divin » de l’employeur.

Pierre Gattaz, président du Medef, affirmait, dans une conférence de presse le 14 octobre 2014, vouloir voir disparaî­tre l’obligation de motiver les licenciements. L’enjeu est de taille : une telle absence d’obligation d’énoncer un motif qui peut être vérifié ultérieurement finirait de restaurer le pouvoir absolu du patronat dans les entreprises. La guerre de classe est aujourd’hui menée sans fausse pudeur par le Medef.

Toutefois nous n’en sommes pas là. A la suite de son licenciement, Eveline a saisi le conseil des prud’hommes. ­L’avocat de l’employeur, confronté à cette situation, n’a même pas cherché à s’opposer à la constatation du caractère abusif du licenciement. Il n’a cherché qu’à minorer la réparation du préjudice subi par Eveline en la salissant et en l’accusant sans preuve de s’être alcoolisée sur le lieu de travail et d’avoir insulté des participants à un concours équestre.

Le conseil des prud’hommes a condamné l’employeur à payer trois mois de salaire au titre du licenciement abusif et de l’irrégularité de la procédure, plus une semaine de salaire au titre du préavis.

Au final, face à la constatation effectuée dans le jugement par le conseil que « la rupture du contrat de travail n’a aucune caractéristique d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse » et « que l’employeur a failli à toutes ses obligations légales », Eveline a perdu son emploi et obtenu une indemnisation très limitée. Mais même cela, le patronat veut le voir disparaître !

[1Le prénom a été modifié

 
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