EADS : Le feu sous la braise




Début mai, les salarié-e-s d’Airbus de Saint-Nazaire puis de Nantes partaient en grève sauvage au moment où l’ex-PDG Forgeard, soupçonné de délit d’initié, empochait 8 millions d’euros de « golden parachute ».

Exploité-e-s, manipulé-e-s, déconsidéré-e-s, humilié-e-s…
Jamais autant d’avions n’ont été en passe d’être fabriqués. Et ils licencient. Et ils ne renouvellent pas les contrats. Et ils ferment les sites. Et ils accélèrent les cadences.

Spolié-e-s, liquidé-e-s, nié-e-s, déshumanisé-e-s…
Pourquoi les quartiers pauvres se sont révoltés après deux morts – deux de plus ? Pourquoi seulement à cet instant ? Ras le bol…

Pourquoi rien n’émergea lorsqu’ils annoncèrent que 10 000 d’entre nous passaient à la trappe ? Et pourquoi notre colère n’a jailli que lorsqu’on nous jeta à la gueule 2,88 euros de prime pour bons et loyaux services ? Ras le bol…

Les syndicats nous promettaient sans arrêt des actions et il ne se passait jamais rien. Prenez-nous pour des cons, prenez-nous pour des chiens…

Trouver la force de dire non

Alors il a fallu faire nous-mêmes quelque chose. Reprendre une parole débarrassée des lieux communs et des réflexes de soumission pour trouver la force de dire non, pour aspirer à autre chose qu’un monde de l’exploitation et de la négation. Pour rester dignes et vivants.

Tour des ateliers, convergence des points de vue. Nous nous sommes mis en grève, hors de tout cadre, hors de tout compromis, hors de toute manipulation. En autogestion.

En face, la peur de la contagion à tous les sites et d’un face-à-face avec un adversaire insaisissable car inconnu nous montra un curieux manège de foire. La direction exhorta les syndicats à reprendre en main leurs troupes ouvrières. Ces mêmes syndicats tentèrent de nous expliquer que la négociation n’était plus possible tant que la grève perdurait. Prenez nous pour des cons, prenez-nous pour des chiens…

Regardez, camarades, regardez autour de vous. Un cortège se met en route, ils marchent, ils avancent, ils signent leur projet pour le siècle, qu’on lira la gueule ouverte et les yeux crevés.

Alors nous sommes restés entre nous, rejetant ces tentatives de déstabilisation, nous les sales gauchistes, les agitateurs de l’extrême qui refusions les accords signés par nos « représentant-e-s » après plusieurs semaines de négociations sans vague.

Ils ont cédé. Victoire à Airbus Nantes… Victoire à Airbus Saint-Nazaire... Maintenant au tour de Sogerma Rochefort… Pas grand-chose : 800 euros et 2,5 % d’augmentation. Rien en regard de ce qui nous attend en retour…

Surexploité-e-s, vidé-e-s, méprisé-e-s, licencié-e-s…
Rien ? Qu’importe la victoire ou la défaite car nous avons enfin repris confiance en notre valeur et en nos capacités à nous organiser collectivement. Nous apprenons dans la douleur à nous réapproprier notre existence et notre combat. Sans leader, sans intermédiaire, sans procuration. Nous n’avions fait que fuir et courber l’échine dans l’espoir de meilleurs lendemains maintes fois promis par d’autres que nous. Regardez-nous, regardez bien maintenant : car c’est la fierté et la vie que nous avons regagnées. Un feu s’allume enfin sur la mer bleue.
Prenons-nous pour des êtres humains, prenons-nous pour ce que nous sommes ! Sans dieu ni maître ! Hasta la victoria !

Johann (AL Mantes-la-Jolie, militant CGT-EADS)

 
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