Ecosocialisme : Voir la révolution en vert




Loin de l’exotisme de la misère volontaire, le projet écosocialiste promeut une gestion raisonnée et collective de la
production pour garantir une utilisation des ressources en accord avec les capacités de la planète.

La réalité du dérèglement climatique, conséquence de l’activité humaine, n’est plus contestée. Et déjà les conséquences sont importantes. Depuis 1980 le nombre d’événements extrêmes a quintuplé dans le monde et doublé en Europe. En Amérique du Nord plus de 30 000 personnes en sont mortes et 1 060 milliards de dollars ont été nécessaires pour en réparer les dégâts  [1].

La FAO pronostique «  une réduction significative des stocks céréaliers mondiaux à la clôture des campagnes en 2013 (…). La production a été affectée par la sécheresse dans les principales régions productrices, notamment les États-Unis, l’Europe et l’Asie centrale  » [2] . Enfin une étude de 2004 prévoit la perte de 15 % à 37 % des espèces végétales et animales d’ici 2050 
 [3]… L’effondrement de la biodiversité pèsera sur la capacité de l’humanité à vivre et à se nourrir sur une planète dégradée.

La crise écologique conjugue empoisonnement des terres par les pesticides, déforestations massives, sur-pêche qui vide les océans et dérèglement climatique entraînant événements extrêmes, fonte des calottes polaires, hausse du niveau de la mer, extension des zones désertiques...

Au mieux, les décisions prises par les gouvernements ont été définies sur la base du protocole de Kyoto de décembre 1997 dont la mesure phare a été d’instituer un marché de «  permis de polluer  ».

Il n’y a pas de solution capitaliste à la crise

Elles ont surtout créé de nouvelles opportunités de profits. Dans cette logique, le développement des énergies renouvelables ou le recyclage des déchets n’ont que freiné la croissance de la consommation des énergies fossiles. Le bilan est sans appel  : en 2010, il a été relâché 50,1 gigatonnes d’équivalent CO2 dans l’atmosphère, soit 20 % de plus qu’en 2000. Jamais ces politiques «  écolo-libérales  » ne feront évoluer les sociétés capitalistes vers une transformation sociale et écologiste.

L’idéologie capitaliste, le conditionnement qu’elle impose à la conscience humaine (frustrations et violences provoquées par l’appropriation des richesses par une minorité, absence de solidarité, besoin de consommation sans limite, irresponsabilité individuelle...), tout comme la nécessité d’une croissance exponentielle pour conserver un semblant de stabilité, rendent impossible une solution capitaliste à la crise écologique.

Les projets révolutionnaires du XIXe siècle décrivaient déjà des processus de rupture avec le capitalisme  : socialisation des moyens de production, abolition du salariat, égalité économique, démocratie directe… Tout cela reste d’actualité et est même indispensable à la transition vers une société écologique. Mais les révolutionnaires ne pouvaient anticiper la gravité de la situation écologique, ni que chaque année nous consommerions davantage de ressources naturelles que n’en produit la planète, en puisant dans «  le capital naturel de la Terre  ».

La question du modèle de développement est au cœur du concept d’écosocialisme  : concilier sobriété en énergie, économie des ressources naturelles et capacité à nourrir, loger, habiller, soigner, éduquer l’ensemble des êtres humains, implique une rupture avec la croissance capitaliste et la consommation de masse.

Autonomie productive de chaque région

La première étape est de parvenir à une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre. L’exemple de la France (en 2011), où les transports en émettaient à eux seuls 28,1 % des gaz à effet de serre, l’agriculture 21 %, l’habitat et le secteur tertiaire 17,5 %, l’industrie manufacturière 18,6 %, l’industrie de l’énergie 11,7 %, indique le chemin à suivre.

C’est en premier lieu à la question des transports qu’il convient de s’intéresser  : par la relocalisation des productions, par l’autonomie productive de chaque région, le transport des marchandises sera réduit à sa portion congrue. Le transport des personnes doit aussi être complètement repensé. Les transports du quotidien peuvent être régulés en mettant en place des transports collectifs gratuits et généralisés, qui mettront fin au règne de la bagnole, et par une autre logique d’aménagement du territoire, combattant la concentration des populations au sein de mégapoles toujours plus dominantes.
Concernant l’agriculture, ses dépenses énergétiques sont d’abord la conséquence de la production des «  intrants  » de l’agrochimie. La généralisation
d’une agriculture biologique et paysanne sera la base de cette nécessaire révolution agricole.

Les économie d’énergie alliées aux énergies renouvelables permettent de rendre les bâtiments producteurs nets d’énergie. Les grands travaux de rénovation du parc immobilier s’inscriront dans la nouvelle logique d’aménagement du territoire. Ils intégreront les nouvelles formes de sociabilité qui se construiront au sein d’une société égalitaire  : le gaspillage lié à la propriété par chaque «  famille  » de sa machine à laver, de son «  home-vidéo  », de son ordinateur, … peut être corrigé par la mise en place de services collectifs proposés au sein de chaque groupe d’habitation.

Ces équipements respecteront les nouvelles normes de production  : production correspondant à la satisfaction des besoins exprimés par la population et abandon de la logique de l’obsolescence programmée  [4]
. La durabilité, la sobriété énergétique et le recours aux énergies renouvelables sera une obligation imposée aux producteurs. Enfin, tous les secteurs économiques néfastes (publicités, emballages…) ou ne correspondant pas aux besoins présentés par les organes d’autogestion de la société, seront abandonnés, pour économiser les ressources naturelles et pour réduire le temps de travail.

Abandon des secteurs économiques néfastes

Nous n’avons aucun penchant pour l’exotisme qui voit dans le dénuement et la pauvreté un «  supplément d’âme  » à ce monde sans pitié. Dès aujourd’hui nous entendons nous battre pour que les «  riches  » consomment moins afin que les «  pauvres  » vivent mieux. Mais la solution à la crise écologique signifie un bouleversement qui ne pourra s’achever tant que les capitalistes dirigeront la société.

Notre objectif est une révolution dans les modes de vie : une baisse drastique de la consommation et un enrichissement de la vie sociale et culturelle, un développement des relations sociales, de la culture, de l’art, de la connaissance. La société communiste libertaire que nous appelons de nos vœux devra atteindre le point d’équilibre entre les capacités productives, les besoins des populations, et les capacités de la biosphère. Il s’inscrira dans une prise de conscience que notre existence est liée à l’ensemble du monde vivant et que notre avenir ne pourra pas se construire contre lui. L’idéologie de la domination doit être brisée pour que l’humanité retrouve un avenir.

Jacques Dubart (AL Agen)

[1Rapport du réassureur Munich Re du 17 octobre 2012 (sur la période 1980 à 2011).

[3Voir l’article « Extinction risk from climate change », Nature n°427, janvier 2004.

[4Les biens de consommation sont aujourd’hui programmés pour une certaine durée de vie, ce qui implique leur remplacement régulier.

 
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