Antipatriarcat

Éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle : Les offensives réactionnaires face au programme EVARS




Il aura fallu attendre 24 ans pour que s’applique enfin la loi de 2001 instaurant 3 séances d’éducation à la sexualité par an pour chaque élève tout au long de sa scolarité.

Fin janvier 2025, le Conseil supérieur de l’éducation a émis un avis favorable au programme EVARS. De l’avis majoritaire des syndicats de lutte de l’éducation nationale, ce programme propose un contenu adapté à l’âge des élèves [1]. Il part des apprentissages liés au corps et aux émotions, pour protéger son intimité, jusqu’à la santé sexuelle, la notion de consentement, la prévention des risques pour les élèves les plus âgées. Les questions de l’estime de soi, de la relation aux autres, de l’acceptation de la différence, comme la déconstruction des stéréotypes et des schémas toxiques, y sont abordées. Les sujets liés à l’identité de genre, l’homophobie ou la transphobie figurent au programme mais parfois tardivement. Les LGBTIphobies n’apparaissent par exemple qu’en terminale.

160 000 enfants victimes de violences sexuelles par an

Pour celles et ceux qui souhaitent construire un projet de société égalitaire et émancipateur, ce programme est un minimum et un préalable, notamment parce qu’il fournit aussi un outil nécessaire dans la prévention des violences et pour le repérage de l’inceste. Selon la CIVIISE, 1 enfant sur 10 (dès son plus jeune âge) est victime de violences sexuelles, et ces violences sont non seulement sous-estimées, mais aussi en constante augmentation [2]. Il y a urgence à protéger les enfants, surtout lorsqu’il est avéré que le lieu privilégié de l’exercice et de la reproduction de ces violences est la famille.

Tous les réactionnaires, de la droite à l’extrême droite, se mobilisent contre ces programmes, entretenant confusions et mensonges sur une menace fantasmée des personnes LGBTI et des « wokistes » qui tenteraient de pervertir les enfants et les jeunes. Aveuglés par leur haine et la peur de perdre leur main mise sur leur famille et leurs enfants, obsédés par les « valeurs familiales traditionnelles », ils délaissent la nécessité de protéger les mineurs des violences sexistes et sexuelles, de leur apporter des outils pour comprendre leurs émotions, leur corps, leur intimité.

Des enseignants et enseignantes subissent menaces et intimidations, parfois directement dans leur établissement scolaire ou sur les réseaux sociaux. À la manœuvre, des groupes se présentant comme des collectifs de parents d’élèves « sans confession, ni parti » ou comme des associations « œuvrant en toute indépendance » pour la protection des enfants. En réalité, ce sont des réactionnaires, confusionnistes, proches de l’extrême droite et des sphères complotistes. Depuis la publication du programme, les initiatives hostiles se sont multipliées : distribution de tracts mensongers, diffusion de vidéos virales distillant de fausses informations sur les réseaux sociaux, pressions de certains parents pour assister aux séances ou retirer leurs enfants de l’école lors de ces séances, et appels à mobilisation spécifiques comme le 7 février devant les rectorats ou le 10 mars en appelant les parents à ne pas envoyer leurs enfants en cours [3].

Anne (UCL Montpellier)


QUELQUES GROUPES RÉACTIONNAIRES OPPOSÉS AU PROGRAMME :

Ce recensement et bien d’autres travaux ont été élaborés par le collectif Montpellier contre l’extrême droite.

Parents en colère est un groupe qui se présente comme des « collectifs » œuvrant à travers toute la France, pour lutter contre : « toutes les formes de discrimination, de violence, d’injustice, un combat pour l’avenir de tous et le monde que nous laisserons à nos enfants ». Leur campagne en cours est celle contre l’EVARS, elle est présentée comme campagne nationale d’affichage et d’information, avec un kit d’action à la clé.

Mamans louves est une association créée en novembre 2021 par Roxane Chafei, dont les liens avec la sphère complotiste ont été mis en évidence. D’abord composée de parents contre le port du masque à l’école et la vaccination qu’elle considère comme des violences exercées à l’égard des enfants, son combat s’est orienté vers le droit à l’instruction en famille. Sa demande d’un débat sur les mesures qui touchent les enfants, dissimule en fait des théories défendues notamment par une ultra-droite conservatrice réfractaire à toute action de l’État en matière de santé et d’éducation.

Créée en 2001, SOS éducation se présente comme « une association militante qui rassemble 50 000 parents d’élèves et professeures œuvrant en toute indépendance pour que l’école transmette à chaque élève les savoirs fondamentaux et le goût de l’excellence ». Association proche de l’extrême droite et des milieux réactionnaires. Son credo : appeler au don grâce à des envois massifs de courriers en alertant sur les défaillances de l’Éducation nationale avec un discours très catastrophiste, sur le thème : « l’école va mourir », l’État ne fait pas correctement son travail et manipule les enfants. Leur pétition « À l’école, enseignez-moi les divisions, pas l’éjaculation ! » a été signée par plus de 70 000 personnes. Un reportage sur France inter leur a été consacré : « Les étranges pratiques de SOS Éducation pour récolter des dons épinglées par la Cour des comptes ».

En septembre 2022, Éric Zemmour lançait le mouvement Protégeons nos enfants qui a depuis donné naissance au collectif Parents vigilants. Ce mouvement est une offensive contre l’école publique « au cœur du grand endoctrinement » de ce que l’ex-candidat à la présidentielle nomme « l’idéologie woke, antiraciste ou LGBT ». Eric Zemmour a invité ses partisans et partisanes à dénoncer sans relâche « les aberrations dont sont victimes les enfants » (tracts et campagnes sur les réseaux sociaux). À la rentrée 2023, il a invité ses militantes et militants à infiltrer les conseils de parents d’élèves via son réseau Parents Vigilants. Il est intéressant de regarder sur la RTBF, le reportage « Complotistes, extrême droite et adeptes de théories pédocriminelles : voici le réseau des désinformateurs sur l’EVRAS en Belgique », et l’enquête de France info : « La plupart des collègues s’autocensurent : comment les “Parents vigilants” mettent sous pression des professeurs ».

L’Organisation nationale éthique santé et transparence (ONEST) se présente comme « un collectif de professionnels de la santé mentale de l’enfant et du droit soucieux de leur protection ». Ses représentantes sont Virginie de Araujo-Recchia (avocate et présidente), Ariane Bilheran (Psychologue, Vice-Présidente) et Laurence Kayser (médecin, vice-Présidente). Toutes ont produit des écrits dans le champs du complotisme. Comme elles trois, cette association fait l’objet d’une observation par Conspiracy Watch.

Ludivine de la Rochère est la présidente du Syndicat de la famille. Leurs terrains d’action sont contre la GPA, le programme EVARS et sont à l’origine d’actions devant les rectorats. Cet article du Monde situe bien d’où ils viennent : « Dix ans du mariage pour tous : qu’est devenue la génération d’activistes née de l’opposition à la loi ? ».

[1Se reporter aux programmes détaillés (maternelle, élémentaire, collège, lycée) figurant sur le site Education.gouv.fr.

[2De nombreuses données sont aujourd’hui collectées sur ces questions, d’autres tardent encore trop à arriver. On peut trouver un état des connaissances sur le sujet sur les sites de certains CHU comme à Montpellier par exemple : UAPED, CRIAVS, etc.

[3Il s’agit du même type de pratiques que celles employées contre l’ABC de l’égalité avec les journées de retrait de l’école en 2014.

 
☰ Accès rapide
Retour en haut