Éducation nationale : Des stagiaires sur les rotules




Depuis 2010, la réforme dite de la masterisation est rentrée en application dans l’Éducation nationale. Cette année encore, les conséquences destructrices du nouveau système de recrutement et de formation apparaissent pleinement.

La rentrée scolaire 2011 a été l’occasion d’observer les effets concrets de la réforme concernant la titularisation des nouveaux enseignants. Après avoir réussi des concours de plus en plus sélectifs, les heureux lauréats et lauréates ont désormais la chance de goûter à des stages d’au moins 18 heures par semaine devant les élèves [1] – soit le même volume horaire que des enseignants titulaires – auxquels se surajoutent des séances hebdomadaires de formation. Ce qui ne laisse guère de temps pour s’occuper consciencieusement des corrections, des préparations de cours et d’un suivi attentif des élèves, surtout pour des professeurs qui commencent tout juste leur carrière.

Le gouvernement proclame que le but de la réforme est « une meilleure qualité de la formation des futurs enseignants, une meilleure qualité de l’enseignement délivré aux élèves et la meilleure utilisation du potentiel de formation des universités » [2]. Mais comment améliorer la préparation des professeurs ? Est-ce en réduisant les douze heures de formation à une seule journée par semaine ? Comment rendre l’enseignement délivré aux élèves plus efficace ? En jetant directement dans le bain des stagiaires qui n’ont pour la plupart presque aucune expérience pratique ? Où trouver par ailleurs le temps nécessaire à un suivi personnalisé des élèves, quand on est, dès le départ, confronté à des situations plus ou moins difficiles, devant des classes d’une trentaine de collégiens ou de lycéens ?

[*De multiples mobilisations*]

Les réactions n’ont d’ailleurs pas manqué. Le collectif « Stagiaire impossible » (crée en 2010) avait déjà publié plusieurs documents concernant la réforme – en particulier un ensemble de témoignages consultables en ligne [3]. Le collectif a organisé en septembre-octobre plusieurs assemblées et réunions d’information. Les revendications des stagiaires ont aussi été relayées au sein de Sud-Éducation, de la CGT-Éduc’action ou du Snes-FSU. Les stagiaires ne cessent de réclamer une formation rémunérée, identique dans toutes les académies et adaptée à leurs besoins, impliquant une réduction du temps de présence devant les élèves de 18 à 6 heures.

[*Casser le système éducatif*]

Cependant, la coordination du mouvement demeure encore imparfaite : il faut préciser que les enseignants et les enseignantes stagiaires se trouvent dans une situation plus fragile que des titulaires. Du reste, les rectorats et certains responsables de la formation en IUFM, ne se privent pas d’exercer des pressions, voire des formes de chantage à la titularisation. En octobre dernier, des non-titulaires ont par exemple été incités à ne pas participer aux mouvements de grève appuyés par l’intersyndicale, sous prétexte que leur implication serait du plus mauvais effet pour leur avenir professionnel.

En réalité, le cœur de la réforme se situe à mille lieux des objectifs affichés : en définitive, le nouveau système de recrutement présente surtout l’intérêt de favoriser la réduction du nombre de postes (puisque les stagiaires assument une partie du travail réservé naguère à des titulaires) tout en réalisant des économies, dans la mesure où la formation ne donne plus lieu à une rémunération en soi – les stagiaires n’étant pas payés en fonction des séances auxquelles ils sont tenus d’assister et dont le nombre varie d’ailleurs selon les académies. Les enseignants et la plupart des élèves sont les grands perdants de cette réforme. Mais qu’importe ? Tant que la bonne bourgeoisie française a les moyens d’assurer la formation de ses propres enfants, dans de coûteuses institutions privées ou dans quelques rares établissements privilégiés, pas de péril en la demeure.

Boris (AL Paris Sud)

[1En plus de leur stage, les stagiaires doivent quelquefois effectuer des heures supplémentaires, dont le nombre varie fortement d’un établissement à l’autre.

[2Cf. le site du gouvernement : www.gouvernement.fr

 
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