Éleveuses, éleveurs : Y’en a assez d’être des vaches à lait




En septembre, les producteurs de lait européens ont refusé de livrer les industriels et ont manifesté. La crise d’ampleur qui affecte cette filière reflète bien les contradictions des politiques française et européenne.

Le 10 septembre, les éleveuses et les éleveurs français entamaient une « grève du lait » qui devait durer quinze jours, en refusant de livrer leur production aux industriels pour protester contre la baisse vertigineuse des cours. Manifestations et distributions gratuites se sont succédées ; plusieurs milliards de litres de lait ont aussi été détruits. Des actions radicales, qu’expliquent les difficultés des exploitants. Depuis 2008, le prix du lait a chuté de 30 %. Pendant ce temps, les intermédiaires de la filière laitière réalisent des profits juteux. En 2009, un litre de lait de grande marque, acheté 35 centimes au producteur, est revendu 60 centimes aux distributeurs [1]. Les transformateurs empochent l’essentiel de la (confortable) différence.

De quoi comprendre la colère des paysannes et des paysans. Ce d’autant que l’évolution des cours reflète surtout des choix politiques. En 2003, la réforme de la Politique agricole commune (PAC) avait remis en cause les quotas laitiers et fait baisser les prix institutionnels de la poudre de lait et du beurre, qui ont servi à légitimer la baisse du prix du lait acheté aux producteurs. Elle avait également conduit au découplage des aides aux revenus agricoles. Le découplage permet de dissocier les aides de la production et de l’échange des produits. Ce qui revient à transformer les subventions variables (par tonne produite) en subventions fixes (par hectare possédé), en se rangeant sous la sacro-sainte loi du marché. Conséquence : les revenus des éleveurs ont rapidement baissé et de nombreuses petites et moyennes exploitations ont été fragilisées ou détruites.

Quelle politique agricole ?

D’emblée, le principal syndicat agricole, la FNSEA, n’a pas caché son hostilité à l’égard des manifestations, soutenues par plusieurs syndicats minoritaires, dont la Confédération paysanne. Certes, la grève n’a eu qu’un faible impact sur les intérêts des industriels, qui disposaient de réserves et d’autres sources d’approvisionnement, mais elle s’est étendue à plusieurs pays européens et a conduit à l’organisation d’une réunion extraordinaire des ministres de l’Union, le 5 octobre [2].

Cependant, aucune alternative crédible ne se dessine, même si la grève a été suspendue le 24 septembre. Les aides financières promises n’auront qu’un effet limité. À terme, le système des quotas n’est pas soutenable, mais la dérégulation n’apporte aucune amélioration – au contraire. Une baisse drastique des subventions, dont les consommatrices et les consommateurs paieraient le prix, n’est guère envisageable non plus. Seule une rupture avec les modèles capitaliste et productiviste concilierait maîtrise de la production, équilibre des prix et enjeux écologiques. Pourtant, les décideurs s’entêtent, obsédés par « l’adaptation à la concurrence » [3]. Un immobilisme lourd de conséquences.

Boris (AL Paris-Sud)

[1 Le Monde du 24 juin 2009.

[2Le Monde du 23 septembre 2009.

[3Fischer Boel dans Le Figaro du 23 septembre 2009.

 
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