Mémoire

1974 : l’Etat franquiste assassine Puig Antich




Le 25 septembre 1973, l’anarchiste Salvador Puig Antich est pris dans un traquenard monté par la Guardia civil, la police du régime franquiste. L’arme au poing, il tente de se défendre. Il sera supplicié, garroté, et mourra le samedi 2 mars 1974. Le fascisme espagnol a tué une fois de plus, une fois de trop.

Jeune libertaire, né en mai 1948 à Barcelone, il allait avoir 26 ans et militait dans les rangs du Mouvement ibérique de libération, le MIL, « groupe de soutien aux luttes radicales du mouvement ouvrier révolutionnaire de Barcelone ».

On peut lire dans le deuxième tome des mémoires de Jann-Marc Rouillan, Le deuil de l’innocence : un jour de septembre 1973, un récit des dernières semaines du MIL marqué par la mort et l’emprisonnement de leurs camarades José Luis Pons Llobet et Oriol Sole Sugranyes.

En 1974, en France, c’est l’Organisation révolutionnaire anarchiste, l’ORA, ancêtre d’Alternative libertaire, qui est en première ligne aux côtés des emprisonnés de l’ex-MIL.

Nous mettons à disposition ci-dessous deux articles publiés dans la presse communiste libertaire de l’époque, ainsi que la brochure La Vérité sur les emprisonnés de Barcelone publiée par l’ORA [1] et l’affiche de solidarité éditée alors [Issue du site Placard.ficedl.info.]].

Un souvenir personnel

En 2005, un camarade d’Alternative libertaire, ancien de l’ORA, témoignait :
« Je me souviendrai toujours de la nuit où nous attendions la sentence pour Puig Antich. Il risquait le garrot. Les vieux de la CNT nous avaient copieusement expliqué en quoi consistait le supplice du garrot.

Il y avait une veillée Rue des Vignoles, pour attendre le verdict du procès. Et lorsque la condamnation à mort a été prononcée – je m’en souviendrai toujours – tous ces vieux Espagnols étaient debout, raides, silencieux, avec les larmes qui coulaient. L’atmosphère était électrique. À ce moment-là, un des cénétistes a sorti de la réserve une vieille machine à écrire et nous a dit : “Celle-là camarades, elle n’a jamais été numérotée.” On pouvait y taper un communiqué de presse sans traçabilité.

Tout était dit. Dans les jours qui ont suivi, en représailles à l’exécution de Puig Antich, l’ORA a organisé des attentats contre les intérêts espagnols en France – on peut le dire à présent, car il y a prescription. Et donc, la même nuit, cinq banques espagnoles ont flambé à Paris. L’opération avait été bien montée, et l’ORA n’a jamais été inquiétée. »

Le FN félicite Franco

On peut aussi rappeler ici que, cette année-là, un parti tout juste créé, le FN de Jean-Marie Le Pen, crie avec les loups et félicite le régime fasciste de Franco pour sa « sévérité ».

C’est le même FN qui, aujourd’hui, entretient des liens avec la Phalange espagnole, groupe fasciste toujours en activité, comme en témoigne la présence à la fête BBR de 2006 d’un stand phalangiste, ainsi que le défilé d’une délégation lors de la manifestation frontiste du 1er mai 2008.

Puig Antich est mort en mars 1974.

Quarante ans après, les héritiers de ses assassins paradent dans les rues et sur les plateaux de télévisions. La peste brune déborde des urnes. Nous sommes, nous, les héritiers des luttes et des combats de Salvador Puig Antich. Hier comme aujourd’hui, derrière le fascisme, se cache le capital ; hier comme aujourd’hui : no pasaran !

Théo Rival (AL Orléans)

La Une de Front libertaire de mars 1974

En haut, à gauche, la Une est marqué d’un bandeau noir en signe de deuil.


LE FASCISME C’EST LA MORT : MORT AU FASCISME

Communiqué publié dans Front libertaire des luttes de classes, journal de l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA), dans son n°32 de mars 1974

« Aujourd’hui, samedi 2 mars, à 9h40, dans la cour de la prison provinciale de Barcelone, le jeune militant libertaire catalan, le camarade Salvador Puig Antich, a été lâchement assassiné par le garrot des chacals fascistes qui depuis plus de trente ans exercent leur terrorisme sanglant contre le peuple espagnol.

L’Espagne, ensanglantée par le criminel Franco et sa clique d’assassin et de bourreaux fascistes, pleure aujourd’hui une nouvelle victime, une nouvelle vie tronquée. Ce crime horrible et sauvage par la bassesse de ses motivation criminelles, par la volonté de terreur avec laquelle il espère, inutilement, intimider tous ceux qui luttent pour la liberté et la dignité du peuple espagnol, et par le sadisme bestial avec lequel il a été préparé, mis en place et monté sans même tenir compte des plus élémentaires normes de la « légalité »bourgeoise, y compris dans sa version franquiste, […] et, à la fin, exécuté sciemment et contre la vaste et vigoureuse indignation d’une grande partie du peuple espagnol et de l’opinion publique internationale, ce crime constitue la preuve la plus évidente que dans notre pays la guerre civile continue, qu’entre la liberté et l’oppression, il n’y a pas de compromis possible, mais uniquement une guerre totale, jusqu’à la destruction de la dernière pierre de l’immense prison franquiste. […]

Les malédictions, la douleur, les larmes, le sang et la rage du peuple finiront bien par abattre les tyrans. Ils se trompent les assassins et la momie sanglante qui les inspire, s’ils espèrent profiter du sacrifice du camarade Puig Antich pour leur stratégie de survie. Ils se trompent s’ils comptent intimider, avec cet assassinat, ceux qui luttent contre la tyrannie et l’exploitation. […] Ils se trompent enfin, si sur ces fragiles illusions, ils fondent l’espoir de pouvoir mettre un terme à la conscience révolutionnaire croissante des exploités et des opprimés, et à la constante radicalisation des luttes ouvrières et populaires pour la liberté et la survie. […]

Et quant à toi, camarade Puig Antich, on veut te dire seulement que l’évocation de ton nom sera pour nous, à chaque moment de notre lutte, un puissant stimulant pour qu’approche le moment où sera détruit le fascisme et où se réaliseront ces idées qui étaient les tiennes et qui sont les nôtres. »

Groupe anarcho-syndicaliste « Accíon directa », le 2 mars 1974


PUIG ANTICH ASSASSINÉ PAR L’ÉTAT ESPAGNOL

Article publié dans Le Postier affranchi, bulletin des travailleurs ORA des PTT, dans son n°2 de mars 1974

« Le samedi 2 mars, à 9h40, notre camarade Puig Antich a été garroté par l’État espagnol. Par cet assassinat, Franco essaye de briser le mouvement révolutionnaire. Le mouvement de solidarité qui s’est développé en Espagne en faveur des militants de l’ex-MIL (Mouvement ibérique de libération) montre que la lutte contre le capitalisme espagnol n’est pas un fait minoritaire.

La soi-disant « libéralisation » dévoile son vrai visage et il est clair que l’État espagnol d’aujourd’hui est le même que celui qui assassinait aux côtés d’Hitler et de Mussolini. C’est avec cet État que l’État français entretient des liens privilégiés. […]

C’est aussi parce qu’il était anarchiste et à cause de la pratique du MIL que Puig Antich est mort dans une indifférence quasi-générale. Il est bien temps maintenant d’envoyer des télégrammes de protestations, de faire des défilés et des communiqués en criant au scandale. C’est avant qu’il fallait agir.

Deux autres militants de l’ex-MIL, José Luis Llobet et Oriol Sole, risquent également la peine de mort. Il est trop tard pour se lever contre le meurtre de Puig Antich, il s’agit aujourd’hui de sauver ses camarades. Nous appelons tous les travailleurs à se mobiliser pour éviter un nouveau meurtre.
Sauvons José Luis Pons Llobet et Oriol Sugranyes !
Contre le fascisme : guerre de classes ! »

L’affiche éditée par l’ORA :


ESPAGNE LIBERTAIRE : LA VÉRITÉ SUR LES EMPRISONNÉS DE L’EX-MIL

La brochure publiée par l’ORA (cliquez sur l’image pour lancer le téléchargement) :

[1Glanée sur le site Mil-gac.info.

 
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