Énergies alternatives : L’hydrogène est-il vraiment l’énergie du futur ?




Nous inaugurons ici une série d’article décortiquant les différentes
alternatives techniques qui sont proposées face aux
énergies fossiles. L’hydrogène – dont l’utilisation en tant que
carburant semble prometteuse, du moins sur le papier – est un
bon candidat pour lancer ce débat : près de 10 000 véhicules
roulent dans le monde à l’hydrogène et ne rejettent dans l’environnement
que de l’eau pure !

Les véhicules à hydrogène qui fonctionnent aujourd’hui utilisent des conteneurs pressurisés et une pile à combustible. Ils disposent d’une bonne autonomie et d’une rapidité de réapprovisionnement de carburant. Un réseau de stations de distribution d’hydrogène – relativement coûteuses à l’installation – sera nécessaire à un tel mode de fonctionnement.

Le Japon affirme vouloir devenir une «  société de l’hydrogène  ». Il veut faire des Jeux olympiques de Tokyo 2020 une vitrine de cette technologie  : « Les six mille logements du village olympique construit sur un polder dans la baie de la capitale et une centaine de bus utilisés pour les compétitions seront alimentés ou fonctionneront entièrement grâce à des piles à combustible, qui produisent de l’électricité à partir d’hydrogène  ». [1] Toyota anticipe un parc d’un million de véhicules en 2030 et plusieurs milliers de stations. En Allemagne, un nombre croissant de projets de conversion à l’hydrogène est développé pour des lignes ferroviaires régionales et le gouvernement ambitionne de voir installer quatre cents stations hydrogène.

«  Le 1er juin, Nicolas Hulot a annoncé un plan de 100 millions d’euros pour aider au déploiement de cette technologie et faire de la France un leader de ce marché naissant  ». [2] La France qui compte vingt stations «  hydrogène  » aujourd’hui, en vise une centaine à l’horizon 2023.

Les modes de production de l’hydrogène

Le secteur de l’énergie s’intéresse également à l’hydrogène. Ainsi un mélange de méthane et d’hydrogène pourrait remplacer le gaz naturel. De leur coté les usines émettrices de CO², pourraient utiliser l’hydrogène pour décarboner leur production. Une usine de traitement des eaux à Copenhague produit aujourd’hui du méthane au lieu de rejeter du CO². En conclusion, citons l’étude du cabinet de conseil McKinsey qui prévoit qu’à l’horizon 2050, 20 % de la consommation d’énergie finale sera issue de l’hydrogène, contre 2 % aujourd’hui.

L’hydrogène n’existe pas à l’état pur. Pour le produire, il faut séparer l’hydrogène des éléments auxquels il est associé, ce qui nécessite une source d’énergie. L’hydrogène – qui ne représente que 2 % de la consommation mondiale de l’énergie – est aujourd’hui fabriqué à 96 % à partir d’énergies fossiles. Mais il peut aussi être produit par électrolyse de l’eau à partir d’électricité ou encore par des procédés biologiques à partir d’algues ou de bactéries. [3]

De plus, des avancées importantes sont en cours de développement pour un stockage facile et sans danger de l’hydrogène énergie. Un exemple est le procédé permettant de transformer de façon réversible l’hydrogène gazeux en acide formique. [4] De petites stations pourraient ainsi produire de l’hydrogène par électrolyse à partir de l’électricité de panneaux photovoltaïques, le gaz serait transformé et stocké sous forme d’acide formique, puis de nouveau transformé à la volée en hydrogène, qui dans une pile à combustible produirait l’électricité au moment adéquate. [5] La simplicité et la sécurité de ce procédé permettraient d’utiliser l’hydrogène à l’échelle domestique, de façon autogérable. Un projet de «  générateur de secours  » utilisant cette technique est déjà sur les rails.

Une solutionà la crise climatique ?

Alors, l’hydrogène est-il la solution à la crise climatique  ? La réponse à cette question naïve est non  ! Il suffit de faire le bilan des émissions mondiales de CO2 dans l’atmosphère depuis une décennie. Au mieux, certaines années la croissance des émissions stagne. Ainsi Le Monde du 14 novembre 2016, écrivait  : «  Bonne nouvelle sur le front du climat  : les émissions mondiales de CO² [...] ont stagné en 2015, et devraient rester quasiment stables en 2016  ». Mais une petite précision tempérait cet optimisme  : «  Ce bilan ne prend toutefois pas en compte les émissions dues aux changements d’affectation des sols, en particulier à la déforestation. Ce sont ainsi 4,8 gigatonnes de CO² (soit 1 gigatonne de plus que la moyenne annuelle de la précédente décennie) qu’il faut ajouter au total  ».

La réalité, c’est que l’accélération de la mise en œuvre des énergies renouvelables parvient difficilement à stabiliser les émissions de CO& et, comme l’écrivait Le Monde dans l’article déjà cité «  le climat continue de s’emballer  ». L’urgence c’est une rupture avec la société productiviste, c’est l’émergence d’une société égalitaire, fondée sur une démocratie directe, sobre en énergie et bannissant toutes les activités économiques qui ne servent pas à satisfaire les besoins des populations.

Dans une telle société, qui ne reniera ni les sciences ni les techniques, l’hydrogène permettra de stocker l’électricité issue des énergies renouvelables, dans de petites unités de production décentralisées. Et là oui, il pourra faire partie de l’arsenal humain, pour disposer de sources d’énergie non polluantes. Mais la solution à la crise climatique ne sera pas technique. Elle ne peut qu’être politique.

Jacques Dubart (AL Nantes)

[1Le Monde du 10 juin 2018.

[2Le Monde Économie du 10 juin 2018.

[4Procédé mis au point par les équipes de l’École polytechnique
fédérale de Lausanne et du Leibniz-Institut für Katalyse

 
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