Essai : Symptômes contemporains du capitalisme spectaculaire




N’en déplaise à certaines personnes, avoir une analyse marxienne de la société, ce n’est pas se limiter à des discours économiques ennuyeux. Le capitalisme et la marchandise ont pénétré toutes les sphères de la vie sociale, monétisant tout (ou presque) afin d’en faire des marchandises.

La littérature, le cinéma, la télévision, les réseaux sociaux sont devenus des terrains de chasse pour de peu scrupuleux capitalistes de la culture. Il n’est donc pas surprenant que nombre de produits culturels à succès soient du prêt-à-penser et reflètent l’aliénation liée à la marchandisation de l’ensemble de la vie sociale.

C’est ce que nous montre Benoit-Bohy Bunel, théoricien critique et militant communiste libertaire. Souvent, la philosophie est peu accessible. Ici l’auteur, essaye de casser le cliché du philosophe dans sa tour d’ivoire. C’est à partir de l’analyse d’auteurs à succès que va commencer sa critique du capitalisme spectaculaire. Aucun domaine n’est épargné. En premier lieu, il montre le vide intellectuel d’auteurs tels que Marc Lévy qui met en scène des bourgeois qui ne font que symboliser le visage de la domination capitaliste.

Il s’intéresse ensuite au cinéma. Par exemple, il explique de manière subtile que des films tels qu’Inception, qui peuvent sembler intéressants au premier abord, ne sont que la mise en scène de la marchandisation des tréfonds de l’inconscient. S’il passe à côté du film Fight Club, dont il n’analyse pas tous les aspects, il se rattrape amplement dans les pages consacrées à Michel Houellebecq. Cet auteur, pourtant encensé par la critique, n’est que l’apôtre de la vacuité du capitalisme européen : il livre les affres moraux d’un homme réactionnaire européen, qui se sent menacé par les femmes et les personnes étrangères…

Il décrit ensuite les mécanismes de la publicité télévisuelle et l’aliénation profonde des logiques des réseaux sociaux tels que Facebook, Instagram, Twitter, etc. Dans la lignée de Guy Debord et du situationnisme, il essaye de montrer que l’ensemble de l’industrie culturelle est une machine à générer du consentement et de l’aliénation à tous les niveaux de l’existence. À partir de ces éléments, et en particulier d’une critique de Leonardo Di Caprio, il montre aussi que ce spectacle est l’occasion de mettre en scène un capitalisme vert  : afficher des bonnes intentions, couper l’eau en se brossant les dents et trier ses déchets devient alors l’horizon indépassable de la bonne conscience écologique pendant que les multinationales et les États ravagent allègrement la planète.

Somme toute, c’est un livre intéressant, qui peut se lire par petites touches, chaque partie étant relativement autonome. Seule petite limite à notre sens, il est dommage qu’il ne parle que peu des résistances à cette industrie culturelle capitaliste, qui pourtant existent…

Matt (UCL Montpellier)

  • Benoit Bohy-Bunel, Symptômes contemporains du capitalisme spectaculaire, l’Harmattan, 2019, 208 pages, 21 euros
 
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