Europe forteresse : Chasse aux migrants en Hongrie




La chasse aux migrants mise en œuvre par le gouvernement hongrois est une aubaine pour le parti au pouvoir, le Fidesz. Concurrencé par sa propre extrême droite, le parti au pouvoir y puise un surcroît de légitimité et poursuit sa construction d’un État fasciste. L’Union européenne se ridiculise en donnant des leçons de morale.

Le gouvernement hongrois avait préparé le terrain. Fin avril, il lançait une « consultation » nationale sur le thème de l’immigration, avec des questions comme : « Selon certains, l’immigration, qui est mal gérée par Bruxelles, et le développement du terrorisme ont un lien. Êtes-vous d’accord avec cela ? » L’enjeu était la légitimation par avance d’une position de fermeté outrancière du gouvernement : « Soutiendriez-vous des mesures plus strictes du gouvernement hongrois contre la politique permissive de Bruxelles ? »

Et de fait, à la fin du printemps, le gouvernement annonçait le projet de construction d’un mur de 175 km à la frontière avec la Serbie, par lequel passaient la majorité des migrants entrant en Hongrie, achevé le 29 août. La Commission européenne s’empressait de gesticuler : « Nous n’avons abattu que récemment des murs en Europe, nous ne devrions pas nous mettre à en construire de nouveaux », déclarait une porte-parole le 18 juin. Ben voyons.

No man’s land

Venait ensuite le volet juridique. Le 4 septembre était votée une loi requalifiant en crime l’immigration illégale, jusque alors considérée comme un délit. Le processus de traitement des demandes d’asiles est accéléré : les autorités étaient invitées mi-septembre à traiter les demandes d’asiles de migrants provenant de Serbie en quelques heures, c’est-à-dire à les refuser. Pour gérer ces demandes et faciliter le refoulement en Serbie, la loi prévoyait de mettre en place des « zones de transit », sortes de no man’s land échappant juridiquement au territoire hongrois, à l’image des zones d’attente des aéroports. La loi du 4 septembre, comme le soulignent les bonnes âmes européennes, viole la Convention de Genève – mais pas les accords de Schengen.

Un dispositif militaire d’envergure rend tout cela possible, avec un redéploiement de forces armées à la frontière et une loi, devant entrer en vigueur au 1er octobre, permettant au gouvernement de décréter un « état de crise » donnant quasiment tous les droits aux policiers et aux militaires postés à la frontière. Violation du droit international, état d’exception, le tout voté au Parlement : le droit bourgeois est bien un outil malléable entre les mains d’un gouvernement protofasciste (Voir Hongrie : Construction d’un État fasciste).

La mise en avant de la « crise » migratoire au printemps était une aubaine pour le Fidesz, empêtré alors dans un scandale de corruption compliqué, le « Quaestorgate », dont bien évidemment plus personne ne parle aujourd’hui. De manière plus structurelle, la violence d’Orbàn envers les migrants est une manière de se redonner une légitimité face à l’ascension de son concurrent à droite, le Jobbik. Pour rassurer les troupes fascistes, le gouvernement envoie ses porte-flingue médiatiques. Ainsi Zsolt Mayer, chroniqueur dans le quotidien progouvernemental Magyar Hirlap écrivait le 15 août que « l’Europe doit être libérée de cette horreur. Si besoin par les armes » et que « ce n’est pas seulement leur culture qui est différente, mais aussi leur instinct et leur patrimoine génétique ». Pour l’instant, les milices qui rôdent sur la frontière serbe et près des gares de Budapest sont tenues en laisse par leur maître. Frustrés et ingrats, les miliciens se plaignent même d’être empêchés par les policiers de « faire le boulot », comme le déclarait un dirigeant du HVIM à l’occasion d’une manifestation à Budapest à la mi-juillet.


Gyula (ami d’AL)

 
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