Fascismes : Même combat, sauf pour les médias




La manière très différente dont ont été traités les crimes horribles de Merah à Toulouse et de Breivik à Oslo n’est pas anodine. Une affaire de plus qui exacerbe le racisme antimusulman en Europe dans le contexte plus général des guerres impérialistes.

Un évènement émotionnel majeur permet à nouveau de faire de tous les musulmans ou assimilés musulmans des terroristes potentiels, des menaces de l’intérieur ! Avec les crimes de Toulouse et Montauban, l’atmosphère post-11 septembre est de retour. Dès le lendemain des crimes, campagne électoral oblige, les opportunistes politiques ont profité de ces événements tragiques, et rapidement des mesures sécuritaires furent annoncées. Mais à aucun moment ne furent évoquées certaines racines des crimes de Toulouse : l’impérialisme et le pillage de richesses dans les pays occupés ou exploités, les injustices sociales et le racisme néocolonial en Occident.

[*Mêmes assassins, traitements différents*]

L’affaire Merah, comme l’affaire Breivik, le tueur d’Oslo de cet été, sont un seul et même symptôme de la poussé des haines qu’ont provoqué les guerres étasuniennes, auréolées par la théorie erronée de Huntington du choc des civilisations : elles sont toutes deux des formes de radicalisation individuelle fasciste de chacun des deux camps définis par Huntington. Breivik se dit islamophobe, « commandant militaire du mouvement de résistance norvégien et des Templiers de Norvège » [1] et considère Israël comme la ligne de front de « la civilisation occidentale contre la barbarie musulmane ». Merah dit vouloir agir pour venger les enfants palestiniens ou encore contre l’occupation de l’Afghanistan. Les deux affaires, finalement semblables, ne seront pourtant pas traitées de la même façon par les medias et les politiciens. Après le massacre commis froidement par Breivik, on ne s’est pas tant scandalisé de voir ces crimes racistes se reproduire comme lors de la découverte en Allemagne des assassins néonazis d’immigrants turcs à la mi-novembre, ou du meurtre en décembre de deux vendeurs ambulants sénégalais par un militant d’extrême droite en Italie. Breivik est présenté comme un malade, et sera mis à part du reste de la société, histoire de faire comprendre que ces actes sont des exceptions. Au pire, ils seront mis sur le compte d’un discours raciste très spécifique de l’extrême droite, dont la montée et la prolifération actuelle ne devraient surtout pas être attribuées à l’inégalitarisme fondamentale de la société européenne.

Dans le cas Merah, c’est exactement l’inverse : les médias ne cessent d’insister sur la dérive extrémiste de ce jeune de cité. Des pseudo-intellectuels tel Zemmour aux politiciens comme Le Pen, tous ne cessent de répéter qu’ils avertissent depuis longtemps du péril islamique et communautariste issu de la non-assimilation des enfants d’immigrés. Surtout, plein de Mohamed Merah potentiels existeraient parmi les Français de religion musulmane ! Il est frappant de constater la différence de traitement : Breivik serait un cas à part dans la société, un malade mental isolé au sein de la société européenne chrétienne, Merah est en revanche essentialisé par sa religion, l’islam, qui serait par nature la cause exclusive des atrocités racistes qu’il a commises [2]. Cette analyse entraîne de facto la culpabilité a priori de tous les jeunes musulmans de France. Dans les deux cas, la société entière s’en lave les mains ! Pourtant, Breivik et Merah sont bien le résultat d’une même civilisation européenne.

[*Le retour de bâton des guerres impérialistes*]

Les Merah et consorts ne naissent pas de nulle part, ils sont le fruit des guerres impérialistes en Irak et en Afghanistan qui accueillent dès les années 1980 de nombreux combattants encouragés à se battre contre l’occupation soviétique. Mais dans le même temps, nombreux sont les jeunes soldats engagés dans les rangs des forces impérialistes, qui intègrent ensuite les armées et milices privées et deviennent des mercenaires expérimentés, prêts à servir dans d’autres conflits ou à faire usage de leurs talents une fois retournés dans leur « mère patrie ». Combien en retrouverons-nous dans les rangs des organisations d’extrême droite où pullulent les anciens mercenaires ? Et lorsque certains s’imagineront une nouvelle mission meurtrière comme le firent les deux fascistes Breivik et Merah, qui sera visé cette fois ?

Le retour de bâton provoqué par les guerres impérialistes, menées pourtant dans des endroits fort éloignés de nos contrées, est inévitable. Mettre un terme aux occupations des puissances capitalistes est un préalable indispensable et se construit avant tout grâce à la solidarité internationale. Quand l’émotion légitime et naturelle provoquée par le massacre de Toulouse sera la même pour les milliers d’enfants afghans que l’Otan tue impunément et sans que personne ne s’en indigne ? La vie des soldats « morts pour la France ! » vaut-elle davantage que ceux morts « à cause de la France » ?

Nicolas Pasadena (AL Montreuil)

[*Merah et consorts : idiots utiles des sionistes*]

Un des prétextes revendiqués par Merah était de vouloir venger les enfants palestiniens. Ceci n’est pas anodin et fait la joie des nervis d’Israël, tous disposés à imputer aux militants pro-palestiniens la responsabilité de ces crimes en raison de leur engagement. Merah, ainsi que tous les mouvements politiques, organisations et actions antisémites, ne sont que les idiots utiles des sionistes. Ces derniers profitent de l’antisémitisme pour légitimer leur propagande faisant d’Israël le seul pays où les Juifs seraient en sécurité afin d’encourager leur immigration dans l’Etat hébreu. C’est une question de survie aujourd’hui pour Israël, effrayé par la forte démographie des Palestiniens qui pourrait à terme remettre en cause leur domination identitaire raciste sur le territoire de la Palestine historique. Ainsi, Mohamed Merah se fait le meilleur allié du sionisme en l’aidant à perpétuer pour encore longtemps sa domination coloniale ! Voici le meilleur argument à utiliser contre tous ceux, dangereux, naïfs ou peu politisés, influencés par des discours haineux et antisémites, qui seraient tentés de faire de Merah un martyr de la cause palestinienne !

Nicolas Pasadena (AL Montreuil)

[1Luk Vervaet, Le Making-of d’Anders B. Breivik, Egalité éditions, 2012.

[2Adenour Bidar, « Merah, un monstre issu de la maladie de l’islam » dans Le Monde du 23 mars 2012.

 
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