Syndicalisme

Femmes de chambre : l’hôtel Ibis Batignolles, épine tenace au pied d’Accor




Déjà quatorze mois de lutte pour les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles. En plus de la grève, elles intentent un procès pour « discrimination raciale et systémique », une notion juridique qui a obtenu un début de reconnaissance aux prud’hommes.

Lors de la réouverture, le 1er septembre, de l’hôtel Ibis Batignolles, les femmes de chambre, en chômage partiel, ont réaffirmé les revendications portées depuis quatorze mois de lutte. Plutôt que par le sous-­traitant STN qui leur inflige travail dissimulé et cadences infernales (17 minutes par chambre), elles exigent d’être embauchées directement par le groupe Accor. « On ne reprendra pas le travail tant que nos revendications n’auront pas été entendues, lance Rachel Keke. Comment peut-on retourner travailler si on ne gagne pas ? Ce sera la même maltraitance et nous n’accepterons pas cela. »

Pour Tiziri Kandi, de la CGT-HPE, l’hôtellerie est un laboratoire du dumping social. Les femmes de chambre sont en bas de l’échelle des qualifications, et la sous-traitance leur interdit toute évolution professionnelle. Le seul autre poste accessible est celui de gouvernante (qui supervise le travail sur tout un étage). Ainsi, en cas de maladie professionnelle, la requalification est impossible, et celles qui en sont victimes finissent souvent licenciées.

« On est traitées comme des esclaves. On n’a pas notre mot à dire : si on s’exprime, la direction nous dit que nous n’avons qu’à partir mais ils savent que nous n’avons pas le choix, explique Rachel. Ils savent que nous sommes venues en Europe dans des conditions difficiles, qu’on ne connaît pas nos droits, et ils en profitent pour nous exploiter ».

Photothèque Rouge /Martin Noda / Hans Lucas
Photothèque Rouge /Martin Noda / Hans Lucas

Pour Tziri, « c’est tout un système qui est mis en place, de la préfecture à l’emploi. » La préfecture les maintient dans une situation administrative précaire : uniquement des titres de séjour annuels, malgré leur CDI ou leurs années de résidence en France. Et sans emploi, plus de carte de séjour. Cette vulnérabilité facilite leur exploitation par des entreprises qui les assignent toujours aux mêmes tâches, selon une division sexiste et raciste du travail.

Quatorze mois de lutte

« Moralement, quatorze mois, c’est fatigant, témoigne Rachel. Ils utilisent le coronavirus pour éviter la confrontation. Quand le groupe Accor va-t-il répondre à nos revendications  ? » Depuis l’annulation d’une négociation le 19 mars, aucun autre rendez-vous n’a en effet été proposé aux grévistes. Accor et STN continuent de les ignorer ou de leur faire des propositions inacceptables : un panier repas à 2,5 euros et une canette ! Quant à la pointeuse, elle est tombée en désuétude.

La demande de requalification des grévistes a été refusée par les pru­d’hommes mais la CGT-HPE va faire appel. Une autre plainte est en cours, visant Accor et STN pour « discrimination raciale et systémique », une notion qui a été reconnue pour la première fois par les prud’hommes de Paris en décembre 2019, dans un procès visant une entreprise de BTP.

Récemment encore, les grévistes ont fait une action avec les Rosies, un groupe féministe. « On a des soutiens, déclare Rachel, mais on a toujours besoin de plus. »

Akina (Montreuil)

 
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