Gauche radicale : Faire le choix de la rue




Ayrault, Hollande et Gattaz méritent l’opposition résolue de celles et ceux qui combattent le capitalisme au quotidien. Pourtant, reste à savoir laquelle construire, avec qui et comment. Alors que le mouvement social est frappé d’atonie, la question centrale est bien celle de la remobilisation : le choix de la rue s’impose.

Un grand mouvement anticapitaliste et autogestionnaire : voilà ce que, pour Alternative libertaire, il est urgent de mettre sur les rails. Et, soyons clairs, ça n’est pas chose aisée. Pourtant, les raisons qui plaident en faveur de cette perspective ne manquent pas.

Il y a d’abord, bien sûr, l’inacceptable politique antisociale menée tambour battant par le gouvernement Hollande-Ayrault-Gattaz : expulsions de sans-papiers, stigmatisation des Roms, matraquages à Notre-Dame-des-Landes et recul intolérable devant les manifs réactionnaires… Quant au dernier des cadeaux en date au Medef, le « pacte de responsabilité » (soutenu qui plus est par les syndicats réformistes, CFDT, CFTC et CGC), il va permettre au patronat d’empocher 30 milliards d’euros alors que les licenciements se multiplient et que la précarité ne cesse de se développer. Le PS, aux manettes aujourd’hui comme il l’a été de 1981 à 1993 et de 1997 à 2002, n’a pas « renoncé » à ses promesses : il s’est depuis longtemps véritablement rallié, corps et âme, au camp des dominants !

De cette politique antisociale, c’est malheureusement l’extrême droite qui se repaît. Si l’on y ajoute le succès des « manifs pour tous », les « jours de colère », la posture « antisystème » de Dieudonné… on obtient le cocktail brun qui permet au F-Haine de déborder des urnes.

C’est quoi « l’espoir à gauche » ?

Face à cela, le camp des exploité-e-s et des opprimé-e-s est, pour l’instant, encore marqué par l’attentisme. La grève interprofessionnelle du 18 mars dernier était loin d’être un raz de marée. Elle peut pourtant annoncer un retour de combativité. Pour Alternative libertaire, qui a fait le choix d’y participer activement, la manifestation nationale du 12 avril contre l’austérité, pour l’égalité et le partage des richesses (voir ci-contre), peut être un élément de cette remobilisation et faire figure de pont entre le 18 mars et la préparation d’un 1er mai de lutte. Mais le 12 avril, au-delà de la nécessité de reprendre la rue, pose une fois de plus la question des stratégies déployées pour changer la société. De fait, deux pôles vont s’y déployer : l’un polarisé par le Front de gauche, l’autre, anticapitaliste, porteur d’une dynamique de rupture.

Que nous disent aujourd’hui les partis du Front de gauche ? À quelques nuances près, la même chose : il faut enfin une « vraie » politique de gauche. S’il s’agit d’attendre ça d’Hollande, il y a là une indécrottable et manifeste absence de lucidité sur la nature réelle du PS, parti qui n’a pas d’autre vocation que de se vautrer dans la collaboration de classe. Mais, pour tout de même lui donner corps, les partis du Front de gauche appuient cet improbable « vrai changement » sur un autodépassement du régime dans « la » solution miracle : une VIe République. Rien que de savoir que Montebourg en était un ardent promoteur devrait naturellement incliner à la défiance. Sur le fond, c’est croire (et faire croire) qu’il y aurait une République idéale, flottant au-dessus des intérêts de classe. Alors que, bien au contraire, parce qu’ils accaparent les moyens de production, les capitalistes détiennent les clés du pouvoir d’État… et ce depuis que la République bourgeoise existe.

« gouvernement anti-austérité »

Du côté des anticapitalistes et des révolutionnaires, les propositions stratégiques sont variées. Doctrinaires pour LO qui ne pense et n’agit que dans « l’intérêt du Parti », elles sont parfois contradictoires pour ce qui est du NPA. Ce dernier a bien changé depuis sa création en 2009. Le NPA voulait alors être le seul et unique endroit où devait se rassembler toutes et tous les anticapitalistes. Dans le même temps, il gambergeait encore sur l’orientation « 100 % à gauche » qui avait abouti au « succès » de la candidature Besancenot. Depuis, celles et ceux qui avaient le plus investi cette orientation électoraliste ont fondé la Gauche anticapitaliste (GA) et quitté le navire pour rejoindre le Front de gauche.

Aujourd’hui, le NPA est tenant d’une ligne « d’opposition de gauche » au gouvernement. On notera la drague ouverte du Parti de gauche (PG) qui s’est branché ces temps-ci sur le même mot d’ordre. Mais en novembre dernier, le NPA évoquait aussi la perspective d’un « gouvernement anti-austérité »… dont on serait bien en peine de distinguer les éventuels contours. S’agissait-il de rebondir sur la plaisanterie de Mélenchon qui se proposait comme Premier ministre ? Le NPA a-t-il réellement cru à un scénario « à la Tsipras » [1] ? En tous les cas, tout comme l’avènement d’une VIe République, ce « gouvernement anti-austérité » est loin d’être à l’ordre du jour et on ne voit vraiment pas l’intérêt, pour des révolutionnaires, d’en faire la promotion. Reste cette question : quelle opposition de classe construire ?

Construire des contre-pouvoirs !

Pour les communistes libertaires, il ne s’agit sûrement pas de jouer sur le terrain institutionnel. Pour nous, s’il y a une gauche à mobiliser, c’est celle de la rue, celle qui a défilé le 18 mars, qui va défiler le 12 avril et défilera le 1er mai. Notre priorité va aux luttes sociales, les plus massives et auto-organisées possible. À nous d’y populariser des revendications de rupture comme, par exemple, le droit de véto des travailleurs et travailleuses, sur les licenciements qui remet en cause le pouvoir capitaliste dans l’entreprise.
En 2007, Alternative libertaire avançait l’objectif de constituer des fronts anticapitalistes : si la création du NPA et du Front de gauche ont pu alors rendre difficilement attractive cette proposition, aujourd’hui les cartes sont rebattues. Dans plusieurs villes (Nantes, Toulouse, Orléans…) de tels regroupements anticapitalistes ont éclos. S’ils permettent d’agir ensemble (ce qui n’est déjà pas rien), il s’agit désormais d’en faire non seulement, et sans se substituer au mouvement social, des lieux d’échanges mais aussi d’élaboration de pratiques sociales extraparlementaires, autogestionnaires. Parce qu’ils rendront d’autant plus crédible notre volonté de rompre avec le capitalisme, c’est bien la construction de tels contre-pouvoirs qu’il faut maintenant mettre en chantier.

Théo Rival (AL Orléans)

[1Alex Tsipras est le nouveau héros de la « gauche de la gauche », chef de la coalition Syriza en Grèce, première force de gauche au parlement, il est la tête de liste du Parti de la Gauche européenne (auquel adhèrent PCF et PG) pour les prochaines européennes.

 
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