Numérique

Géants du web : pas d’euro GAFAM à la place des GAFAM




La critique des Gafam devenant de plus en plus facile et populaire, l’Union européenne affiche désormais sa volonté d’alternatives. Mais sans aucune remise en cause du modèle qui a conduit à la situation actuelle.

Cédric O, le secrétaire d’État au numérique, a lancé jeudi 4 mars l’initiative «  Scale Up Europe  » (qu’on pourrait traduire par «  Hisser l’Europe  »), lors d’une conférence en ligne avec son homologue allemande et la commissaire européenne à l’Innovation. Comme le rapportent le Figaro et d’autres journaux de droite, il s’agit de «  faire émerger des champions européens du numérique et des nouveaux leaders technologiques  ». «  Il faut modifier la psychologie et la perception du continent. L’Europe n’est pas qu’une terre de régulation. Il n’y a pas les GAFA, les BATX (chinois) d’un côté et de l’autre, le RGPD.  »

Les lectrices et lecteurs réguliers de la rubrique Numérique d’Alternative libertaire le savent  : nous défendons avec ferveur le développement d’alternatives aux plateformes géantes du capitalisme de surveillance. Mais pas de n’importe quelles alternatives  ! Nos alternatives sont libres, décentralisées, autogérées, avec une mission de service public aux usagers et usagères.

Baratin-bonne conscience

Les alternatives de Cédric O n’ont – sans surprise – rien à voir avec les nôtres. En présentant le RGPD (Règlement général à la protection des données) comme un frein à l’innovation – la protection des données personnelles est une mauvaise chose, c’est bien connu –, en confiant Scale Up Europe à un consortium de 150 acteurs privés, startups, investisseurs, grandes entreprises, et en misant sur le «  non-législatif  », Cédric O nous promet des «  alternatives  » aux Gafam qui n’auraient d’alternatif que l’emplacement géographique de leur siège social. Elles seraient développées dans l’Union européenne, mais seraient elles aussi, des cham­pionnes du capitalisme de surveillance, des géantes à tendance monopolistique, ne se préoccupant que de profits et certainement pas du bien-être des internautes et avec un encadrement minimal de la part des États, dans la plus pure veine néolibérale.

Nous ne commenterons pas la désormais habituelle dose de baratin-bonne conscience  : pour les membres de Scale Up Europe s’étant exprimés lors de la conférence, «  il faut davantage de femmes créatrices d’entreprises  », il faut travailler à «  l’inclusion des profils issus des milieux défavorisés  », «  pour que tous les entrepreneurs ne soient pas de jeunes hommes blancs, sortis des grandes écoles  ». Mais voyons. Ah, et il faut promouvoir «  les biens communs, tels que l’environnement, le social ou la santé  ». Pour les patrons, c’est ça, le monde d’après  : il ne suffit plus d’éco-blanchir (greenwashing), il faut désormais social-blanchir et santé-blanchir  !

Pourtant, un écosystème autour du logiciel libre, de la dégooglisation et de la protection des données personnelles existe en Europe. Au niveau associatif, on pense par exemple à la Quadrature du Net, Framasoft, TeDomum, la mère Zaclys, les CHATONS en France, Disroot aux Pays-Bas. Si tous les milliards que Macron et ses acolytes dépensent en startup nation et partenariats public-privé étaient redirigés vers cet écosystème, combien de temps faudrait-il avant que des alternatives réellement vertueuses émergent  ?

Léo (UCL Lyon)

 
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