Géorgie-Russie : Saakachvili à la roulette russe




C’est la première fois depuis la fin de la Guerre froide que Washington pousse un de ses pions contre Moscou. Bilan : des centaines de morts. Pour quel résultat ?

Ça y est Saakachvili a eu sa guerre. Si toutefois il faut appeler guerre la piteuse aventure qu’il a tenté en août contre l’Ossétie du Sud, région en état de sécession depuis 1991.

Le président géorgien est arrivé au pouvoir en 2002, porté par une révolte populaire. Les habitantes et les habitants du pays en avaient eu assez de l’autocrate précédent. La « révolution des Roses » – appelée ainsi à cause de la fleur symbole de l’opposition de l’époque – avait permis à la Maison Blanche de se doter d’un nouvel allié dans le Caucase. Quand, le 8 août, Saakachvili a lancé ses troupes armées et entraînées par les États-Unis à l’assaut de l’Ossétie du Sud, c’est sur fond de drapeau national et du drapeau de l’Union européenne qu’il a fait solennellement sa première déclaration télévisée.

Les Ossètes s’étaient révolté-e-s en 1990 contre le président géorgien Zviad Gamsakhourdia. Celui-ci, nationaliste forcené (et déjà ami de l’Occident) avait violemment attaqué les droits de la minorité ossète. La courte guerre civile qui s’en était suivie avait opportunément permis à la Russie d’envoyer des forces de « maintien de la paix » sous casque bleu (eh oui ce privilège n’est pas réservé à l’Otan !).

Dix-sept ans plus tard, elles étaient toujours stationnées en Ossétie et garantissaient avec bienveillance le pouvoir d’un gouvernement ossète indépendantiste.

Rouleau compresseur

Saakachvili savait parfaitement que le Kremlin ne pouvait pas ne pas réagir. Il allait de soi que la petite armée géorgienne forte de 8 000 hommes – dont 2 000 en Irak – ne pourrait rien contre le rouleau compresseur russe.

Alors pourquoi a-t-il tenté l’aventure, et pourquoi cet été ? Primo, il lui fallait souder derrière lui une nation désenchantée par une révolution des Roses qui n’a pas tenu ses promesses. Secundo, il lui fallait agir avant que l’administration Bush plie bagage, et soit remplacé par une équipe peut être moins imprudente. Tertio, il s’agissait moins de vaincre militairement que d’attirer contre le Kremlin la réprobation mondiale que ne manquerait pas de susciter le déferlement des chars russes dans la région, et d’obtenir un règlement international de la question ossète dans lequel la diplomatie russe serait isolée.

L’opération peut-elle réussir ? Nicolas Sarkozy, qui assure pour six mois la présidence de l’UE, va convoquer un sommet de l’Union ou la question des rapports avec la Russie sera examinée. Les « intellectuels » atlantistes de service, BHL et Glucksmann, ont commis dès le 14 août dans Libération une de leur fameuse tribune : « Qu’attendent l’Union européenne et les États-Unis pour bloquer l’invasion de la Géorgie, leur ami ? Verra t-on Mikhaïl Saakachvili, leader pro-occidental, démocratiquement élu, viré, exilé, remplacé par un fantoche, ou pendre au bout d’une corde ? ». Même lorsqu’un satellite des États-Unis, qui n’a agi qu’avec leur feu vert, prend la responsabilité d’une agression armée caractérisée, ces pitres trouvent encore le moyen de s’aligner sans réserve sur le discours du Pentagone ! Pire encore, ils encouragent l’escalade : « L’Europe, si elle trouve l’audace et la lucidité, de relever le défi, est forte. Sinon, elle est morte. »

Quoi qu’en pensent nos stratèges en chambre, le problème actuel dans le Caucase ce n’est pas tant l’« ogre russe » que les rivalités impérialistes entre Washington et Moscou, dans les mains desquels les peuples ne sont que des jouets.

Contre les fauteurs de guerre

La guerre est aujourd’hui finie. Le peuple géorgien n’a pas à subir une occupation armée étrangère parce que ses dirigeants ont joué avec le feu. Le peuple Ossète n’a pas à subir les agressions et les menaces de Tbilissi. Ce sont les travailleuses et les travailleurs du Caucase qui imposeront la paix. Qu’ils soient russes, abkhazes, ossètes, tchétchènes, géorgiens, azéris ou arméniens, ils ont tout à gagner à s’émanciper des gouvernements qui les dressent les uns contre les autres pour des intérêts auxquels ils sont étrangers.

Guillaume Davranche (AL Paris-Sud)

 
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