Écologie

Golfs sabotés : Rayonnement médiatique, limites stratégiques




Cet été plusieurs métropoles ont été le théâtre d’actions militantes écolo très médiatiques  : le bétonnage de trous de golf. Retour sur la pertinence d’une telle action.

En pleine sécheresse, le gouvernement annonçait cet été une restriction d’eau pour tous les équipements sportifs sauf… les golfs. Il n’en fallait pas plus pour provoquer les militants et militantes écologistes. À Toulouse c’est le collectif Kirikou, issu principalement d’Extinction Rébellion (XR) qui se charge de réagir. La nuit du 10 au 11 août, les activistes s’introduisent dans le club de Vieille-Toulouse et le golf Garonne des Sept Deniers avec truelle et pancartes pour en bétonner les trous.

La cible est peu défendable. Archétype du sport bourgeois, le golf est coûteux, met en avant l’élégance et la précision et utilise fréquemment des mécanismes de ségrégation de genre et de classe comme la cooptation. Son traitement de faveur dénote et illustre le sens des priorités des sphères dirigeantes : alors que dans les champs, l’irrigation est drastiquement réduite, le droit d’arroser copieusement les greens est accordé. L’action s’inscrit donc pleinement dans une perspective d’écologie sociale pour dénoncer la responsabilité des plus riches et de l’État dans la crise écologique.

Ces dernières années en France, XR fait partie des organisations qui attirent de nombreuses primo-militantes et militants. Souvent très jeunes, ils et elles constituent la base du mouvement. Ce qui ressort lors des accueils c’est l’envie d’agir concrètement et hors du répertoire militant plan-plan (tractages, manifestations, piquet de grève, etc.). Les groupes locaux répondent à cette demande par une hyperactivité de désobéissance civile qui manque de réflexion sur le long terme. L’attaque des golfs est donc particulièrement représentative de la méthode XR pour le meilleur et pour le pire. Une action cathartique mais sans résultats durables. L’enjeu de construire un mouvement social solide pour vaincre la société capitaliste est mis en concurrence avec le sentiment d’urgence à agir.

défrayer la chronique pour attiser le débat public

Comme la grande majorité des actions XR, le sabotage des trous de golf s’inscrit dans une stratégie un peu faible : s’attaquer à un symbole et défrayer la chronique pour attiser le débat public. C’est en soi un véritable succès : plusieurs journaux se sont emparés du sujet et l’action a fait une petite déflagration sur les réseaux sociaux. En revanche, les golfs ont remis en état leurs parcours en une journée et le gouvernement n’a pas daigné s’intéresser aux revendications. Ces actions éclairs s’effaceront rapidement de la mémoire de l’opinion publique et n’auront pas permis d’instituer un réel rapport de force, crucial pour espérer un changement.

Pourtant, dans une période où les organisations politiques peinent à mobiliser et à construire un mouvement social, XR brille par son dynamisme. Si ce genre d’action ne permet pas ou peu de changement structurel, cela a des répercussions très claires en termes de rayonnement de l’organisation. Une sympathisante ou sympathisant qui voit passer l’information sur les réseaux me semble plus susceptible de rejoindre le mouvement que suite à une simple distribution de tracts à la sortie de la fac.

La méthode XR s’inscrit dans un paysage politique divers. Elle présente des faiblesses stratégiques et en premier lieu son manque d’impacts durables et structurels. En revanche, elle offre une porte d’entrée au militantisme à beaucoup de jeunes. Si certains et certaines restent à XR, d’autres continuent d’explorer un monde politique moins accessible spontanément. Face à ces nouvelles formes de militantisme, nous devons rester à l’écoute, porter une critique constructive en termes de stratégie et nous inspirer de leur communication dynamique.

Mégabé (sympathisant UCL Toulouse)

cc by 2.0 becker1999

 
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