Ecologie

Grenoble : Une écologie de lutte face à l’urgence climatique




Le 21 janvier, le groupe local de Grenoble a organisé une réunion publique sur une journée entière autour de la question suivante : quelle stratégie pour une écologie de lutte  ? Ce sont environ cent-cinquante personnes qui furent présentes sur la journée. Voici un résumé de l’analyse portée par l’Union communiste libertaire et un retour sur cet événement.

L’organisation de cet événement part d’un constat : l’écologie a fait son trou, qui ressemble bigrement à un enterrement. La pensée libérale s’est insérée insidieusement dans la « lutte » grâce au développement personnel, au do it yourself et autres pratiques qui individualisent et rejettent la responsabilité sur l’individu. Ces replis sur soi amènent à des raisonnements potentiellement fascisants, tel que le démontre Antoine Dubiau dans son livre Écofascismes [1].

Notre objectif en tant qu’organisation communiste libertaire est d’apporter une grille de lecture marxiste qui analyse les dominations en tant que classes et non en tant que de simples interactions entre individus. Aujourd’hui, les 1% les plus riches (la classe bourgeoise) consomment et polluent le double des 50% les plus pauvres (la classe prolétaire). Aujourd’hui, les 1% les plus riches (la classe bourgeoise) détériorent plus le climat que les 50% les plus pauvres (la classe prolétaire) [2].

La journée s’est ouverte par une présentation des positionnements de l’UCL sur l’écologie, lors d’une conférence de deux heures.
Photo : UCL Grenoble

De plus, il est essentiel d’analyser également les autres dominations qui entretiennent et accentuent la crise écologique. C’est le cas, par exemple, de l’impérialisme qui asservit d’autres peuples afin de dominer et de détruire la nature pour étendre le capitalisme, en pratiquant des formes de néocolonialisme [3], comme l’extractivisme, qui permettent de nourrir la course à la croissance.

Organisons-nous pour une écologie anticapitaliste

Pour les lecteurs et les lectrices les plus assidues, vous avez dû remarquer que nous parlons de crises écologiques et non climatiques. Nous pensons que ne regarder que la question du changement climatique ne fait pas sens car elle occulte la crise de la biodiversité, du cycle de l’eau, de l’azote… ce que l’on nomme les limites planétaires [4]. Aujourd’hui la plupart de ces limites planétaires sont dépassées et nous sommes dans un changement profond de l’équilibre de la vie sur Terre.

Photo : UCL Grenoble

Malgré des effets bien documentés, le monde capitaliste continue de tourner et de détruire la planète se souciant peu des conséquences, en mettant des œillères et en ignorant les différents signaux d’alertes lancés par la population, ou encore des experts et expertes du domaine. La classe capitaliste a besoin de piller l’environnement pour produire toujours plus. L’inaction des gouvernements face à cette destruction n’est pas anodine. Ce sont les mêmes qui bénéficient des profits de la production et qui décident de la politique du pays.

Cette analyse, certes anxiogène, nous oblige au réalisme. Cependant, il nous semble important de ne pas succomber à la panique de l’urgence. Le projet révolutionnaire que nous défendons est démocratique et nous (en tant que classe sociale) devons prendre le temps de le construire et de nous approprier cette lutte pour que cela ne devienne pas une niche pour quelques personnes.

Pour cela, nous devons nous impliquer au sein des contre-pouvoirs (syndicats, associations...) afin d’y porter des outils autogestionnaires mais également pour amener une vision écologiste anticapitaliste.

Une double besogne écologique  ?

Comme la CGT l’introduit avec la charte d’Amiens, notre rôle en tant que révolutionnaires et syndicalistes est double : d’abord prendre tout ce qu’on peut au capital, afin d’améliorer nos conditions de vie (meilleurs salaires, sécurité sociale, chômage, retraite). Il s’agit également de participer à la construction d’un monde où les moyens de production sont gérés par notre classe sociale, afin de préparer à une révolution complète du système de production. C’est la double besogne.

Photo : UCL Grenoble

Cette vision sociale de l’investissement militant peut être transposé aux luttes écologistes. Dans un premier temps, faire tout ce que l’on peut pour limiter les dégâts, produire mieux en poussant les questions écologistes dans les syndicats, par exemple. Dans un second temps, construire la révolution, pour abattre le capitalisme, et organiser démocratiquement la production afin de répondre à des besoins réels et non pour accroître les profits qui ne bénéficient qu’aux plus riches.

Le système de production capitaliste étant fondé sur la domination impérialiste, il est d’autant plus important qu’en tant que communistes libertaires, nous clamions haut et fort notre internationalisme.

Retour sur la journée du 21 janvier

Durant la journée, afin de visibiliser les contres-pouvoirs et les luttes locales, quatre organisations (le Droit Au Logement, l’Atelier Paysan, l’Assemblée Générale écolo anticapitaliste de Grenoble et le collectif Stop Métrocâble) furent invitées à prendre la parole.

Le DAL lutte contre la précarité et le mal-logement. Le collectif milite pour la rénovation des bâtiments et dénonce la destruction puis la reconstruction de bâtiments neufs, une approche coûteuse et anti-écologique. Le DAL dénonce l’urbanisation, l’artificialisation des sols, mais également les dépenses d’énergie. En effet, l’impact énergétique pour la construction de nouveaux bâtiments est supérieur à celui d’une rénovation. La spéculation capitaliste autour des logements mène à la précarité, à la construction de nouveaux immeubles inutiles, dans l’unique but d’enrichir les investisseurs. Le projet du DAL est donc anticapitaliste, écologique et social.

L’Atelier Paysan est une coopérative qui accompagne les agriculteurs et agricultrices dans la conception et la fabrication de machines et de bâtiments adaptés à une agroécologie paysanne [5].

L’AG écolo anticapitaliste de Grenoble est le cadre unitaire créé suite à l’annonce de « Grenoble Capitale Verte » [6]. Elle traite des questions écologiques de la métropole en portant des revendications anticapitalistes et sociales.

Enfin, le collectif de lutte contre le Métrocâble s’oppose au projet d’un axe de transport par câble dans l’agglomération. Cette solution de transport en commun ne répond en réalité à aucun besoin, et mène à l’artificialisation des dernières terres agricoles locales.

Durant l’après-midi, la projection du documentaire Barrages, l’eau sous haute tension, réalisé par SUD-Énergie fut accompagnée d’un débat avec un camarade du syndicat. Ensuite, nous avons accueilli Antoine Dubiau qui a pu faire une présentation de son livre Écofascimes. Enfin, la journée s’est terminée autour d’une table ronde sur l’écologie et le syndicalisme, animée par l’UCL, avec la présence de la CGT, de SUD et la Confédération Paysanne.

Cette journée a été une énorme réussite de par le nombre de personnes présentes, leur diversité (une moitié de personnes non-militantes) et la qualité des échanges ainsi que par la bonne organisation de la journée (garderie, repas végan, plusieurs tables de presse). Les retours très positifs de personnes venues à la journée montrent l’importance de la lutte pour une écologie sociale et populaire et cela nous motive encore plus à nous mobiliser pour défendre l’écologie révolutionnaire  !

UCL Grenoble

Photo : UCL Grenoble

[1Antoine Dubiau, Écofascismes, éditions Grevis, 2022.

[2Voir le Rapport du laboratoire sur les inégalités mondiales, chapitre VI, sur le lien entre richesse et émissions de gaz à effet de serre, 2022, accessible en ligne sur wid.world -World Inequality Database-.

[3Malcolm Ferdinand, Une écologie décoloniale. Penser l’écologie depuis le monde caribéen, Seuil, « anthropocène », 2019.

[4Aurélien Boutaud et Natacha Gondran, Les Limites planétaires, La Découverte, 2020.

[5Pour aller plus loin : L’Atelier Paysan, Reprendre la Terre aux machines. Manifeste pour une autonomie paysanne et alimentaire, Seuil, « anthropocène », 2021.

[6Voir notre article « Les contradictions de la croissance verte », Alternative Libertaire n°327 (mai 2022).

 
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