Haïti : Il n’y a pas de « malédiction »
La terre a tremblé à Haïti, dévastant la capitale Port-au-Prince. Au-delà de ses effets immédiats, le séisme met aussi en évidence les difficultés structurelles du pays.
« Un énorme silence est tombé sur la ville » [1]. Avec plus de cent mille morts et peut-être deux millions de sans-abri [2], le tremblement de terre qui a frappé Port-au-Prince compte parmi les pires catastrophes de l’histoire haïtienne. Le séisme a ébranlé la capitale du pays, n’épargnant ni les bidonvilles, ni les quartiers huppés – où se trouvaient les bâtiments gouvernementaux, les universités ou les ambassades. Quelques secondes auront suffi à dévaster la ville et ses environs, le 12 janvier dernier.
Haïti avait déjà subi plusieurs cyclones destructeurs, ces dernières années. Il n’en fallait pas plus à certains pour évoquer la « malédiction » haïtienne. Comme le rappelait l’écrivain Dany Laferrière, le mot est à la fois insultant et impropre.
Le malheur qui frappe Haïti a ses raisons. Port-au-Prince se situe sur une faille sismique : l’absence de tremblement de terre depuis un siècle, et la pauvreté du pays ont conduit à minimiser la prise en compte de ce risque. La situation d’Haïti permet de comprendre l’ampleur du désastre. Non seulement le séisme a largement touché les infrastructures existantes (hôpitaux, routes, etc.) mais le pays était déjà exposé à une crise sociale, économique et politique, depuis plusieurs décennies [3].
Des risques multiples
Malgré les circonstances, les Haïtiens et les Haïtiennes ont fait preuve d’une énergie et d’un courage saisissants, palliant parfois eux-mêmes l’incapacité de l’État ou le retard des organisation humanitaires. À Petit Goave, par exemple, ce sont les habitants qui assistent les blessés et prennent en charge la réorganisation de la vie quotidienne [4].
Mais ces initiatives ne suffisent pas, faute de moyens adéquats : Haïti a besoin d’aide. Dans un communiqué, l’organisation politique Batay Ouvriyè résume bien la situation : « en plus de nous avoir frappé violemment, le tremblement de terre nous laisse sans recours autonome et nous dépasse complètement » [5]. Aux lendemains du 12 janvier, plusieurs menaces planaient sur les survivants, à commencer par le risque d’épidémie, le problème de l’accès aux soins ou à l’eau potable. Le séisme a aussi précipité des déplacements de population massifs, en impliquant de multiples difficultés, dans des espaces ruraux dominés par une agriculture vivrière déjà fragile [6].
Solidarité ou impérialisme ?
Les populations attendent le secours des pays étrangers ou des associations humanitaires, disposant des moyens financiers et logistiques appropriés. Dès les premiers jours, des médecins cubains se trouvaient sur place ; les États-Unis ou l’Europe ont également acheminé une aide matérielle et humaine vers la région sinistrée.
La solidarité internationale est dans l’immédiat impérative ; mais elle ne doit pas se muer en une simple expédition impérialiste [7], ou aboutir à des relations de dépendance. Au fond, l’aide humanitaire n’aura d’effet réel que dans la mesure où elle sera le fruit d’une concertation – entre les gouvernements étrangers, mais aussi et surtout entre ces derniers et les populations locales. Ce ne sont ni la détermination, ni les forces humaines qui manquent à Haïti, mais principalement les moyens matériels. Dans cette optique, il faut aussi réfléchir à la reconstruction du pays sur le long terme. Trois grands enjeux se profilent alors : l’annulation de la dette publique, la réforme agraire, et la fin des politiques libérales, qui ont largement contribué à miner la souveraineté alimentaire et l’agriculture haïtiennes. Autant de rupture nécessaires, pour ne pas réduire l’aide humanitaire à une démonstration de charité, aussi éphémère que superficielle.
Boris (AL Paris Sud)