Politique

Ier congrès : L’UCL, une fédération, un outil pour agir ensemble




Après plus d’un an et demi de pandémie et son lot de réunions virtuelles, une centaine de déléguées ont pu se coudoyer à l’occasion du Ier congrès de l’UCL. Un temps militant qui se voulait constructif, pour faire de la fédération un outil au service de la révolution sociale.

Deux ans après sa fondation, l’Union communiste libertaire a tenu son Ier congrès, à Fougères (Ille-et-Vilaine), du 28 au 30 août, au Centre social autogéré fougerais (lire page 20). Il s’est passé beaucoup de choses en deux ans. L’organisation a vécu son baptême du feu avec le grand mouvement de grèves de l’hiver 2019-2020 en défense des retraites, puis a traversé la pandémie de Covid, qui a impacté l’ensemble de la vie économique, sociale et politique. Elle s’est dotée d’une identité, d’une culture et d’une visibilité pro­pres. Elle a réuni un nombre d’adhérentes et adhérents largement supérieur à la simple addition des forces antérieures d’AL et de la CGA.

C’est une réussite indéniable, mais qui ne dispense pas de modestie, dans un contexte d’affaiblissement global des organisations de lutte et de crise économique et politique, ouvrant une voie possible vers le fascisme. Les communistes libertaires ne peuvent se satisfaire de construire un « îlot » libertaire dans un vaste océan capitaliste et autoritaire.

Penser l’intervention dans le mouvement social

Les débats stratégiques ont donc rythmé les échanges autour de la motion d’orientation générale : « Notre premier investissement militant va dans le développement des contres-pouvoirs, c’est-à-dire d’organisations non spécifiquement libertaires, de classe, de masse et démocratiques. Nous y intervenons à la fois pour impulser des pratiques combatives, de terrain, et pour favoriser la convergence et la construction du tous ensemble. »

Loin d’être ringardisée, la stratégie syndicaliste révolutionnaire garde dans cette perspective un rôle moteur, à conjuguer avec les autres fronts de lutte (écologistes, antiracistes, féministes, LGBTI etc.).

Notre stratégie face au(x) racisme(s) en France a également été affinée. Ni « moral » ni « libéral », l’antiracisme libertaire est bien « matérialiste et politique ». Il se déploie sur trois fronts : par une action antiraciste spécifique ; par le biais du mouvement social et syndical ; au sein de l’organisation libertaire elle-même : « Le système de domination raciste est historiquement et socialement construit. Il peut donc disparaître. La visée finale du combat communiste libertaire en la matière, c’est une société débarrassée de tous les processus de domination et de hiérarchisation raciale [...] à tous les niveaux de l’organisation sociale. »

Sur le front antipatriarcal, l’UCL constate que le nombre croissant de femmes dans la rue ces dernières années pour défendre leurs droits n’engendre pas de structuration militante pérenne. Il y a donc un fort enjeu à la « syndicalisation féminine » qui doit permettre aux femmes de « créer leurs propres revendications. Une attention peut être portée sur le lien réalisé entre les revendications propres au travail, et les revendications liées au reste de la vie d’une femme, afin de démontrer le continuum du patriarcat dans tous les aspects de la vie ».

En manif le 17 octobre 2020 à Paris, pour l’arrivée de la marche des sans-papiers.
cc Mohamed/UCL Paris nord-est

Numérique, impérialismes, relocalisations...

L’UCL n’échappe pas aux débats qui animent les mouvements d’émancipation. L’intérêt de la démarche intersectionnelle a été confirmé, soulignant qu’avant même que le mot existe, cette logique irriguait la pratique des syndicats de lutte, de collectifs féministes ou antiracistes, en articulant revendications spécifiques (sur le handicap, les femmes, les migrants...) et revendications générales intéressant le prolétariat dans toute sa diversité (travail, revenu, protection sociale...). Le congrès a rappelé, à cette occasion, que les batailles de vocabulaire – qui impactent aussi l’UCL ! – ne se substitueront jamais au travail militant concret : si la rhétorique divise, la lutte unit !

Il fallait à l’UCL une analyse commune sur la digitalisation croissante de la société capitaliste, ce que peu d’organisations révolutionnaires ont fait jusqu’à présent. Face au « capitalisme de surveillance » – « forme du capitalisme, apparue dans les années 2000 chez Google, spécialisée dans l’extraction des données personnelles, leur raffinage et le commerce des produits obtenus » – et à la « technopolice » – « mise sous surveillance totale de l’espace urbain à des fins policières » –, l’UCL s’est dotée d’une ligne politique en phase avec les associations libristes et en soutien à la syndicalisation des salariées du numérique.

Sur le plan international, refusant la fausse opposition « protectionnisme vs libre-échange », l’UCL se battra pour l’« autonomie productive » de chaque région du monde. « La relocalisation des productions est une nécessité. Cela ne signifie pas une fantasmagorique “autarcie”, mais des circuits d’échange courts, et la limitation des échanges longs à ce qui ne peut être produit localement. Enfin cette notion d’autonomie productive fait écho à la notion d’autogestion par les travailleuses et travailleurs, et à celle de planification démocratique. »

Ce congrès a aussi été l’occasion d’approfondir l’analyse de l’UCL du « nouvel échiquier géopolitique », États-Unis, Chine, Russie, Union européenne… Qu’est-ce qui guide leur politique ? Quels sont les risques et les conséquences pour les peuples ? Comment s’agence l’impérialisme français dans cet ensemble ? Tout en réaffirmant son opposition à tous les impérialismes (contre l’anti-impérialisme sélectif des « campistes »), l’UCL souligne que l’interventionnisme militaire français est « à moyen et long terme, [...] ­globalement contre-productif. Parfois parce qu’il prolonge et aggrave des guerres ; fondamentalement parce qu’il entretient des liens de vassalité et d’ingérence qui sont une entrave à l’autonomie des peuples, à leur capacité à prendre en main le destin de leur pays. »

Dans la rue à Amiens, le 1er mai 2021.
cc UCL Amiens

Renforcer l’organisation

Le Ier congrès de l’UCL a permis à chacun et chacune, peu importe son horizon ou son bagage politique, de partager ses expériences et s’enrichir des autres. Certains désaccords apparaissent comme dépassables, à condition de faire confiance à l’intelligence collective. Pour que les grandes orientations adoptées – un minimum de 60 % d’approbation était nécessaire – ne restent pas à l’état d’incantations, l’UCL devra, dans les mois à venir, renforcer ses équipes militantes, quantitativement et qualitativement (par la formation), faciliter davantage leur coordination et leur insertion dans les luttes. Un vaste programme, exigeant, mais notre idéal révolutionnaire vaut bien cela !

Commission congrès de l’UCL


UN ACCUEIL IMPECCABLE PAR L’ATELIER DE LA TEMPÊTE

Pour son Ier congrès (lire pages 6-7), l’Union communiste libertaire a été accueillie à Fougères (Ille-et-Vilaine), à l’Atelier de la tempête, le nouvel espace du Centre social autogéré fougerais, créé en 2016.

Ce magnifique atelier, un vaste local industriel, est animé par une équipe de militantes et militants qui, veulent en faire un « lieu de sociabilité, non marchand, soucieux de l’inclusivité, proposant des activités pratiques, culturelles, d’éducation populaire et lieu de soutien aux luttes ». Pour commencer, ils et elles ont entrepris un impressionnant travail de rénovation et d’aménagement  : une vaste salle de meeting, une cuisine, des salles annexes...

Les congressistes de l’UCL ont été assez épatées par le boulot abattu par les camarades. Merci aux sympathisantes et sympathisants qui ont participé à la préparation et au service des repas, ont assuré le service au bar, la garderie, etc. Longue vie à ce centre social, Alternative libertaire ne manquera pas d’en reparler !

La commission congrès

  • Centre social autogéré fougerais :
    • Les Oiseaux de la tempête, 14 rue de la Pinterie
    • L’Atelier de la tempête, 5, place Edmond-Herbert, Fougères (35)

POINT DE VUE : UN CONGRÈS POUR RECULER ?

Un groupe de camarades a souhaité exprimer un point de vue minoritaire. Alternative libertaire leur donne la parole.

Le Ier congrès de l’UCL s’est conclu par une rupture politique avec les orientations défendues depuis 1975, d’abord à l’UTCL puis au sein d’AL jusqu’à sa dissolution au sein de l’UCL en 2019. Héritier de cette histoire, le Manifeste de l’UCL affirme que la lutte des classes est au cœur de notre combat révolutionnaire, sans s’enfermer dans un ouvriérisme étroit qui considérerait les autres luttes comme secondaires. Cette orientation n’a pas été mise en œuvre au sein de l’UCL, constatent les rédacteurs et rédactrices du présent texte.

En effet, une motion stratégique avait été présentée pour réaffirmer la centralité de la lutte de classes. Elle visait notamment à mettre en place un système de branches Jeunesse et Travail afin de renforcer l’intervention de l’UCL dans ces espaces. Cette motion avait été enrichie par un ensemble d’amendements permettant une meilleure prise en compte de la diversité des situations militantes. Elle n’a recueilli que 27% des mandats.

Face à elle, la majorité a défendu l’éclatement de l’organisation en une multitude de secteurs et de groupes locaux décidant chacun de leurs propres priorités. Ainsi, au sein de l’UCL, la lutte des classes n’est plus désormais qu’un sujet parmi d’autres, à rebours du rôle central que lui donne son Manifeste.

C’est pourtant à partir des lieux de création de richesses que la solidarité des exploitées et des opprimées est la plus efficace, que la lutte contre tous les systèmes de domination reste la plus unitaire et que pourra naître la société qui collectivisera les moyens de production et redistribuera ces richesses !

A contrario, le repli sur un pré carré anarchiste, incarné par le rejet de tous les amendements voulant affirmer la volonté de l’UCL de travailler à l’unité populaire en se coordonnant avec d’autres, ne peut conduire qu’à une politique de l’entre-soi qui constitue une impasse.

Des militantes et des militants communistes libertaires de l’UCL

 
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