Syndicalisme

Interprofessionnel : A quoi sert une union locale ?




En perte de vitesse, les unions locales peuvent pourtant être un outil essentiel pour résister socialement et politiquement aux bouleversements en cours imposés par le capital.

Les 11 et 12 octobre prochains, la CGT organise une Conférence sur les Unions locales (UL). Une grande rencontre qui fait partie de la préparation du congrès confédéral de mars 2023, et où des centaines de camarades sont attendues à Montreuil. Ceci, dans un contexte où le nombre d’UL actives a diminué à la CGT, et où l’enjeu est grand de persuader l’ensemble de la confédération de leur utilité.

Le texte qui a fixé l’objectif de cette Conférence débute par cette question existentielle  : « À quoi sert une UL ? ». Question pour le moins… centrale, à laquelle nous pouvons tenter d’apporter une réponse.

Un problème de moyens ou politique ?

La baisse du nombre d’UL actives est souvent expliquée par le seul manque de moyens. Pourtant, si ce manque est réel, il ne vient pas de nulle part. Certes, la mise en place des CSE (Comité social et économique) a diminué les moyens syndicaux et les a concentrés entre moins de militantes. Mais de nombreux syndicats rendent des heures de délégation ou de décharge, ou choisissent de les réserver à l’entreprise. Ce problème de moyens cache donc bien un problème politique. Il reste à convaincre de nombreux camarades de l’utilité des UL.

Les Unions locales sont en réalité les Unions des syndicats et sections syndicales d’une aire géographique donnée. Ces aires correspondent en général au bassin d’emploi autour d’une ville moyenne ou d’une aire industrielle, ou une portion d’une grande ville. Elles sont donc le résultat de l’union entre plusieurs syndicats géographiquement proches. Cette précision est essentielle.

Pour de nombreux camarades, l’objectif principal des UL est clair  : être une vitrine locale de la CGT et déployer notre organisation dans les déserts syndicaux. Certes, des UL sont devenues peu à peu des permanences juridiques sans réel objectif syndical, mais elles restent minoritaires. Tant que le secteur juridique reste un appui pour soutenir les luttes collectives sur le territoire et accompagner les salariées, il sert à implanter la CGT.
Il est évident qu’au vu des nombreux déserts syndicaux, cette démarche est essentielle. Elle est réalisée par certaines fédérations, mais la proximité de l’UL est un atout indéniable.

L’UL, c’est comme un rocher qui reste en place dans une mer agitée. Le capitalisme mue, l’emploi précaire se multiplie, les entreprises sont rachetées, l’ouverture à la concurrence explose les services publics, le recours accru à la sous-traitance détruit les collectifs de travail… L’UL, elle, reste là, prête à accueillir les salariées et à leur donner des clefs pour se défendre. Aussi bien quand la colère explose dans les boîtes que quand il s’agit de structurer et construire patiemment un contre-pouvoir à l’exploitation patronale.

Mais si l’on s’en tient à cet objectif de déploiement de la CGT, alors quel est l’intérêt pour les syndicats bien établis de s’investir dans la vie des UL  ? On pourrait faire un calcul pour déterminer combien de temps chaque syndicat doit à l’UL. Des camarades de ces syndicats seraient désignées et détachées pour implanter la CGT dans les déserts syndicaux. Et le tour serait joué. Présence de la CGT partout, liens interprofessionnels nulle part  !

L’Union locale, c’est comme un rocher qui reste en place dans une mer agitée. Le capitalisme mue, l’emploi précaire se multiplie, l’UL, elle, reste là.

Un lieu de construction d’une conscience de classe

C’est que l’ambition du syndicalisme interprofessionnel est bien supérieure au simple déploiement de la CGT. Les UL sont les lieux où les camarades de différents secteurs professionnels se retrouvent pour militer ensemble. Pour se former, pour construire des revendications, pour filer un coup de main sur une grève, échanger sur l’actualité, diffuser largement les idées de progrès social et décider des luttes à mener. Les UL sont les lieux où les intérêts des travailleuses et des travailleurs des différents secteurs sont, non pas mis de côté, mais écoutés, juxtaposés, confrontés.

Militer ensemble au sein d’une UL, cela permet de se rendre compte des différentes réalités de vie de notre classe sociale. Casser les barrières entre professions et métiers, entre actifs et retraitées, entre précaires et salariées à statut. Bref, faire classe sociale et en prendre conscience concrètement. C’est cela qui permet de construire de larges mobilisations interprofessionnelles.

Participer au déploiement de la CGT, c’est admettre que, même avec un syndicat fort, seul dans sa boîte on ne pourra pas grand-chose contre les projets du capital. Seules, ni les cheminotes, ni les enseignantes, ni les métallos, ni les hospitalieres, ne peuvent faire face aux projets de destruction de notre protection sociale et de nos services publics, d’augmentation des profits au détriment des salariées. Mettre en débat concrètement la perspective de voir l’UL comme un lieu politique fondamental pour faire classe sociale a des conséquences importantes.

D’abord, on se rend compte que les UL doivent être des lieux de vie et de sociabilité à part entière. Ce n’est plus un ou deux camarades de chaque syndicat (dans le meilleur des cas) qui doivent venir à l’UL. Mais l’ensemble des camarades et des sympathisantes peuvent s’y retrouver à l’occasion de projections de films, de discussions autour de livres, d’événements sportifs, de fêtes de quartiers, etc. Ensuite, l’UL est un lieu de création de solidarité entre travailleurs et travailleuses. C’est le cas lors des actions de grèves bien sûr, mais aussi en s’intéressant aux problèmes de logement, d’alimentation, d’énergie…

Une conférence, pour quoi faire ?

Cette conférence sur les UL semble vouloir leur redonner une importance dans la CGT. Le but affiché est bien d’expliquer aux différentes structures (syndicats, fédérations, unions départementales, etc.) que les UL sont un outil indispensable au renforcement syndical, et que pour cette raison elles ont besoin de monde. Cela concerne en particulier les fédérations, qui détiennent des moyens et un poids politique fort dans la Confédération.

Mais si l’on n’avance pas sur le rôle social et politique des UL, on manque un pan essentiel du débat. On en resterait alors à une culpabilisation des structures, pointées du doigt car trop frileuses à s’investir dans les UL. Cela permettra peut-être d’en relancer quelques-unes. Mais certainement pas de retrouver de nouveau des centaines d’UL animées et vivantes, où la démocratie syndicale s’exprime, à même de faire face aux bouleversements en cours imposé par le capital.

Adèle (UCL Pantin)

 
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