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Interview du groupe Les Trois Huit : « On est là pour recharger les batteries de notre public »




Les Trois Huit, c’est cinq lascars réunis pour faire du street-punk/oï à la gloire de l’antifascisme et des classes populaires, luttant pour une société sans oppressions. En novembre est sorti leur premier album. Nous les avons interrogés

Alternative libertaire  : Pouvez-vous présenter le groupe à nos lecteurs et lectrices ?

Les Trois Huit  : Le groupe a été créé en 2013, à Grenoble, avec, à la base, quatre potes. On se connaissait déjà de manifs ou de collectifs. On a fait notre première répète dans un squat grenoblois nommé Le Greta. On a appris tout du début. On ne savait pas vraiment jouer, encore moins ensemble. Et donc ces deux dernières années on a enchaîné pas mal de concerts et là on a sorti un album en novembre, et sa création à pris environ un an.

Pouvez-vous parler de l’album ?

Il est totalement autoproduit puisque ce sont les membres du groupe qui ont tout fait. C’est nous qui avons trouvé un local, posé du plaquo et de la moquette pour créér un studio qu’on a appelé le Stud’Oï ! On a tout enregistré nous-mêmes mais le mix et le mastering ont été réalisés par un camarade, Manu Akaes, un ancien de Ya Basta. On a cherché des gens qui pouvaient nous soutenir pour sortir l’album et le diffuser. Ce ne sont que des personnes en qui on a toute confiance, qui font partie de notre milieu militant. En échange de leur aide, on leur donne des CD et des LP et on reste indépendants. Donc en labels partenaires de l’album, il y a Fire and Flames qui est allemand, Dure Réalité du Québec, des labels français comme Général Strike, FFC Productions et Rusty Knife qui sont crédités sur l’album. Leurs pratiques, c’est l’autogestion, ils sont pas là pour faire du fric.

Vous dites faire du street-punk/oï, pour vous c’est important de conserver une tradition musicale qui s’inscrit dans une esthétique et une dynamique de revendications particulières ?

Oui, pour nous c’est complètement dans une démarche militante. On s’affirme pas redskins ou quoi que ce soit, on se donne pas une étiquette précise. Les gens ont juste à écouter les paroles pour avoir une idée de quel bord on est. On est dans une démarche de lutte contre toutes les formes d’oppressions et de discriminations, que les gens peuvent subir à travers leur taf, leur origine, leur orientation sexuelle, leur genre, etc.



Quelles sont vos références musicales principales ?

Y a les groupes cultes du genre, comme Brigada Flores Magon, Opcio K, Non Servium, Stage bottle, Caméra Silens, mais aussi des groupes d’autres horizons musicaux comme Ya Basta, Guarapita, Bolchoï ou Los Tres Puntos. Plein de groupes plus rap aussi... Et puis selon les musiciens, y a des influences ska, hardcore... On est un mélange d’influences assez variées finalement !

Vous avez beaucoup joué dans des lieux autogérés, des squats... C’est important pour vous ?

Depuis le début on joue dans ces lieux qu’on soutient, et certains de ces lieux c’est un peu chez nous, on les a squattés : on allait y voir des concerts, des potos... Puis ce genre d’endroit, tu donnes ce que tu peux, une petite pièce et tu vois un concert sympa, et ça pour nous c’est important. Nos concerts c’est aussi une occasion de retrouver les copains et les copines de lutte qui sont militants, antifascistes, syndicalistes, anarchistes, communistes…

Et soutenir ces lieux-là c’est important quand on voit les mairies, notamment celle de Grenoble avec l’équipe (EELV/PG) d’Éric Piolle qui nous disait juste avant d’être élue « oui, nous les squats on va promouvoir ça » alors que maintenant qu’ils sont élus ben y a des expulsions à Grenoble, notamment de Roms. Donc toutes ces pratiques inhumaines, ça nous dégoûte, et notre manière à nous de faire chier ce système c’est, entre autre, de soutenir les squats.



Dans vos textes, quel est le message que vous voulez faire passer, et à qui ?

En fait, les textes arrivent au compte-gouttes. C’est assez spontané, on a pas essayé de faire un album homogène, mais on écrit plutôt les textes quand un sujet nous inspire. Quand on a envie de parler d’un sujet, on en parle et on écrit un texte là-dessus. On aimerait parler à tout public. Comme thématiques, y a l’antifascisme, l’anticapitalisme, l’antisexisme, et ça continuera dans nos prochains textes. Et le sujet des migrants, c’est important également. Et vu les violences policières en ce moment, on a bien envie de faire une chanson sur les keufs. Et puis, on a envie de sortir un peu des sujets classiques, on a plein d’autres choses en tête mais ça sera sur le ­deuxième album...

Par rapport aux migrant-e-s justement, sur l’album qu’est sorti, y a une très belle chanson nommée « Au fond des yeux »...

Elle a été écrite par Riad, le bassiste. Dans les mass-médias quand ils parlent des réfugiés, ils font pas mal de désinformation, ou du moins, c’est complètement déshumanisé. On nous parle de chiffres, de quotas, de choisir tel type de migrants, et on avait envie de rendre cette tragédie aussi réelle et humaine que possible. Du coup cette chanson parle d’une migrante qui fuit la misère et la guerre avec plein d’espoir de rejoindre la France et qui comme tant d’autres n’y parviendra pas... Voilà, c’est un peu une chanson triste, celle d’une gonzesse qui pourrait être l’une de nos sœurs.



Pensez-vous que la musique peut avoir une fonction dans un projet politique ?

Pour nous, la musique c’est fédérateur et c’est clair qu’on joue dans des lieux où notre public est déjà globalement convaincu, et donc chanter tous ensemble les paroles avec un bon son punk derrière, c’est très stimulant. Mais nous sommes pas sûrs que ça ait un réel impact sur les gens, disons que LTH, c’est pas un groupe qui va faire changer les gens d’opinion. On est là pour recharger les batteries de notre public. Que les potos puissent repartir avec le sentiment de ne pas être seuls. Dans tous les cas, on essaye que ce soit fédérateur mais ça suffit pas : nous pensons qu’il faut se bouger en dehors de la musique, lutter directement contre les oppressions. Mais la musique ça permet d’exprimer une colère, de se défouler, nous on se fait plaisir comme ça, après le public il aime ou il aime pas, et tant mieux si ça en motive !

Un concert, c’est l’histoire d’un soir. La lutte, c’est tous les jours. Quand t’es sur scène, t’es pas totalement le même : tu joues, c’est confortable. Mais quand t’es militant t’es dans le réel, dans la lutte directe et concrète. Donc faut quand même bien faire la part des choses.

Du coup ça tombe bien que ce défouloir musical soit également un moyen d’exprimer ses convictions, sa rage et sa solidarité...

Oui, et faut pas oublier que beaucoup de militants ont besoin de moments festifs tous ensemble. De temps en temps, faut savoir se relâcher un petit peu. Surtout dans un contexte social où on a tendance à être de plus en plus pessimistes. Donc quand on fait un concert et qu’on voit pas mal de gens motivés, ça fait plaisir. Bien que des fois, en manif, on voit qu’il y a de moins en moins de personnes... Mais nous on est motivés pour que ça se perde pas !

D’où vient le nom du groupe ?

C’est Riad qui l’a proposé. C’est en référence au système des 3-8 du travail, ça fait écho à la classe ouvrière. Bien qu’aucun membre du groupe ne bosse actuellement avec ce rythme, on l’a pratiquement tous fait et on sait de quoi on parle et on voulait un peu rendre hommage à celles et ceux qui bossent comme ça.

Propos recueillis par AL Grenoble


CD physique pour 5 euros + frais de port via contact@lestroishuit.net
ou bien en téléchargement prix libre via le site lestroishuit.net

Le groupe dispose également d’une page sur les réseaux sociaux
Dates des prochains concerts actualisés sur les deux.

 
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