Irak : Quelles perspectives pour le mouvement antiguerre ?




Plus de 10 millions de personnes sont descendues dans les rues de plus de 600 villes de la planète pour dire non à la guerre en Irak le 15 février. Cette journée de protestation fera date.
C’est la première fois dans l’histoire que se produisent des mobilisations aussi massives pour empêcher une guerre.

Même si les gouvernements des États-Unis et de la Grande-Bretagne vont jusqu’au bout de leur logique guerrière, ils ont déjà remporté une défaite dans la rue qui est le reflet d’un sentiment d’hostilité bien plus large dans les populations de la planète contre la croisade de Bush et Blair. Cette mobilisation internationale est d’abord à mettre au crédit des mouvements antiguerre, du mouvement altermondialisation, d’une partie du mouvement syndical qui en retenant en novembre au Forum social européen de Florence le principe d’une grande journée internationale de manifestation contre la guerre ont permis de lancer une véritable dynamique de mobilisation.

Et c’est cette dynamique qui a fait la différence et a convaincu des chefs d’État (Chirac entre autres), qui il y a encore peu considéraient la guerre comme inéluctable, à s’y opposer dans un deuxième temps.

Alors que nous bouclons cette édition, les gouvernements américains et britanniques poursuivent de façon intensive leur préparatifs de guerre.

Un recul de Bush et de sa clique serait vécu et compris comme une défaite politique majeure et réduirait leur chance de reconduction à l’élection présidentielle de 2004. La partie est également risquée pour le trio réactionnaire Blair, Aznar, Berlusconi, désavoués par une majorité de leur population, et qui pourraient faire les frais d’une guerre en Irak.

Au-delà de cette guerre, ce qui se joue, c’est l’avenir du projet de domination impérialiste rebaptisé « guerre sans limite ». La mobilisation contre la guerre du Vietnam avait mis un terme aux grandes guerres expéditionnaires américaines. Pendant 15 ans les États-Unis ont dû renoncer à ce type de guerres de peur de se heurter à un mouvement pacifiste ayant une véritable audience dans la population américaine.

L’effondrement de l’URSS et la guerre du Golfe leur permis de reprendre l’initiative et de repartir à la conquête du monde.

Bush et sa bande ont estimé, déjà avant le 11 septembre et encore plus après, que les USA pourraient dans le grand désordre mondial de nouveau imposer une politique à visée impériale sans rencontrer d’opposition majeure. Ils étaient persuadés que, comme en Afghanistan, le même type de large coalition guerrière se formerait.

La mobilisation antiguerre internationale est en train de leur donner tort.

Amplifier la mobilisation

Aujourd’hui, c’est une amplification de cette mobilisation qui est à l’ordre du jour. En France, une clarification est toutefois nécessaire. Après le 21 avril où Chirac s’est posé comme dernier rempart avant le fascisme, il nous rejoue le même type de numéro sur la guerre.

Pour toutes les raisons évoquées plus haut, il va falloir comprendre le danger qu’il y a à lui accorder la moindre confiance tant au niveau international qu’en France. Soutenir Chirac à l’ONU, c’est lui laisser la liberté de man¦uvrer diplomatiquement pour une paix précaire, mais aussi éventuellement pour la guerre si le vent tourne (il a déjà changé de position deux fois depuis le début de la crise irakienne). C’est renforcer sa position pour mener une politique sécuritaire, anti-immigré(e)s et de régression sociale, c’est soutenir le colonialisme français en Afrique et dans les DOM-TOM. C’est pourquoi nous ne devons pas seulement nous battre contre une guerre mais exiger aussi la levée de l’embargo qui a déjà tué plus d’un millions d’Irakiennes et d’Irakiens depuis l’été 1990. C’est pourquoi nous devons être solidaires du peuple irakien et plus généralement de tous les peuples contre leurs dictateurs dont Chirac a reçu une belle brochette à l’occasion du sommet franco-africain de Paris.

C’est pourquoi nous devons nous battre pour le droit à l’autodétermination des peuples, contre la dette, contre le colonialisme et l’impérialisme et pour le retrait partout (Palestine, Côte d’Ivoire, Tchétchénie, Afghanistan...) des troupes d’occupation coloniale.

Chirac, lui, ne se bat pas pour la liberté des peuples mais pour une défense bien calculée des intérêts de l’État et des multinationales françaises.

Désobeissance civile et grèves

Les militantes et militants d’Alternative libertaire sont engagé(e)s avec d’autres dans la construction du mouvement antiguerre dans de nombreuses villes et l’animation de plusieurs collectifs agissant dans ce sens. Une mobilisation qui, on l’a vu le 15 février, implique de plus en plus la jeunesse. Ce combat est aussi et d’abord international d’où l’initiative que nous avons pris de lancer avec d’autres organisations un appel international des libertaires contre la guerre.

L’autre enjeu fondamental est de pouvoir faire le lien entre les mobilisations antiguerre et les luttes sociales, la guerre étant d’abord pour le capitalisme un moyen d’accélérer sa restructuration.

C’est à partir de telles convergences qu’il s’agit de construire une mobilisation de masse contre la guerre et la dictature du capital. Comme l’ont bien compris les mouvements antiguerre britannique et italien, ce ne sont pas seulement des manifestations, mais ce sont aussi des actes de désobéissance civile et des grèves qui seront nécessaires pour arrêter une guerre que le capitalisme mène contre l’humanité tout entière. Ainsi, le 5 mars à l’initiative des étudiant(e)s américain(e)s opposé(e)s à la guerre, des grèves des cours seront organisées dans plusieurs pays dont la France. En France toujours, des appels circulent pour descendre dans la rue le soir du déclenchements de la « busherie » en Irak.

Laurent Esquerre

 
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