Isère : Chambardement aux Chambarans




Contre un projet de centre de vacances en forêt de Chambarans près de Grenoble, la résistance s’organise, entre contre-attaque juridique face à des élus et des patrons sans scrupules et avènement d’une Zad et de comités de soutien à celle-ci.

À proximité de Grenoble, la forêt communale des Chambarans est menacée par un projet d’infrastructure touristique. L’entreprise Pierre et Vacances entend détruire 120 hectares du massif forestier situé sur la petite commune de Roybon afin d’y bâtir un Center Parcs. Ancien haut lieu de la Résistance, ce massif constitue également un réservoir de biodiversité et joue un rôle essentiel dans l’alimentation des bassins aquifères de la région. Devant la forte opposition de la population à la présentation du projet en 2007, Pierre et Vacances, avec la complicité des élus locaux est passé outre toute consultation.

37,4 millions d’euros d’aides directes

Un Center Parcs, c’est un camp de vacances installé sur un site « attractif » équipé des infrastructures nécessaires à sa totale autarcie. Le groupe Pierre et Vacances y construit un parc de bungalows qu’il met en vente aux particuliers. Le site des Chambarans est classé comme zone humide et réservoir de biodiversité. Le massif du Roybonnais sur lequel sera situé le Center Parcs alimente en eau les environs. Or pour une consommation journalière de 846 m3 d’eau pour la région, le site touristique consommera à lui seul plus de 880 m3 d’eau au quotidien sans parler des trente-quatre espèces protégées sacrifiées.

Le projet visait bien sûr à « créer des emplois ». À ce titre, c’est plus de 37,4 millions d’euros d’aides directes qui sont versées au groupe Pierre et Vacances par le conseil général de l’Isère, les communes avoisinantes et la région. Chiffre délirant quand on sait que la communauté de communes de Roybon (1 300 habitants) a déboursé de sa poche plus de 7 millions d’euros ce qui l’a propulsé au rang de 44e commune la plus endettée de France. Ce chiffre est pourtant loin de refléter l’ampleur de ce hold-up patronal : il faut ajouter la négociation à la baisse du prix du terrain par les pouvoirs publics (cédé à 30 centimes d’euros le mètre ­carré au lieu de 18), les diverses exonérations d’impôts pour « encourager l’investissement », sans parler des travaux publics nécessaires pour rendre viable et accessible le site… Total : autour de 120 millions d’euros.

Et les emplois ? Les plaquettes de promotion du projet distribuées à toute la population parlaient de 1 700 emplois, puis ce chiffre est descendu à 800 dès le début des travaux… Début janvier 2015, on oscillait autour de 700 dont plus de 400 temps partiels. Pour Pierre et Vacances, aucun problème puisque selon son président « ces salaires pourront être complétés par un RSA activité »… Enfin, un hypermarché est prévu sur le site du Center Parcs, condamnant ainsi les commerces locaux. Loin de « sauver l’économie locale », ce Center Parcs va au contraire acter la mort de ce qui restait de l’économie du pays roybonnais. À l’évidence, le groupe Pierre et Vacances fait jouer la concurrence entre les différents investisseurs publics et valide son projet là où les subventions sont les plus importantes. Pour les politiciens il s’agit avant tout de se prévaloir de la réalisation d’un grand projet…

Dès les prémices du projet, des habitants et habitantes se sont structurés en association, déterminés à bloquer le projet. L’association PCSCP (Pour des Chambarans sans Center Parcs), regroupant quelques militants et militantes, et l’ARSH, une structure chrétienne, mènent la lutte dans les tribunaux et entreprennent de réfuter la propagande de Pierre et Vacances par dossiers de presses et réunions publiques.

Arrêt suspensif des travaux

Les failles juridiques du projet sont en effet nombreuses : la loi sur l’eau qui interdit toute construction sur les zones humides n’a pas été appliquée de même que la commission nationale chargée d’étudier tout projet d’investissement public excédant 800 000 euros a été ignorée, et ce avec le concours actif de la préfecture de l’Isère. Dans la même veine, le précédent maire de ­Roybon a contracté un emprunt de 7 millions d’euros pour financer le projet avant même que ce dernier soit validé… Les recours déposés en justice par les différentes associations permettront ainsi d’aboutir en décembre 2014 à un arrêt suspensif des travaux jusqu’à un jugement final du tribunal administratif en juin 2015.

Cabanes et barricades

Ces initiatives juridiques n’auraient cependant aucun effet si elles n’avaient été accompagnées par l’occupation physique du chantier devenu la Zad des Chambarans, composée majoritairement de jeunes grenoblois en provenance des milieux anticapitalistes. Les zadistes bâtissent rapidement cabanes et barricades et contribuent à la médiatisation du conflit. Le 6 décembre 2014, une marche de soutien est organisée sur le site et rassemble un millier de participants. Le 7 février 2015 en plein hiver, c’est plus de 300 personnes qui se déplacent trois jours entiers pour aider au renforcement des constructions. Des comités de soutien fleurissent rapidement dans les villes avoisinantes et entreprennent un travail d’information du public et de soutien matériel à la Zad.

Face à une médiatisation nationale de plus en plus critique, à des failles juridiques évidentes et à un soutien croissant en faveur de la Zad, les pro-Center Parcs ne tardent pas à user de violences contre les opposants. Dès le 7 décembre, une manifestation organisée par les élus PS/UMP/FN rassemble un millier de personnes pour le « droit à travailler ». Début février, les choses prennent une tournure plus inquiétante : agressions d’opposants, véhicules incendiés, habitants fortement encouragés à accrocher des banderoles de soutiens au Center Parcs à leurs fenêtres et tout ça dans le silence complaisant des médias locaux et la passivité de la police.

Ce projet de Center Parcs est un grand projet inutile financé à fonds perdus en conformité avec le principe de « socialisation des pertes/privatisation des profits », destructeur de l’environnement et visant uniquement à vampiriser une région sans aucune projection à long terme, avec la complicité de l’État.

Le mouvement doit surmonter la scission réelle entre des forces militantes jeunes et urbaines et des classes populaires reléguées dans la périphérie des métropoles, sujettes au chantage à l’emploi, exposées à la propagande de forces réactionnaires travaillant main dans la main avec le patronat…
Fort de sa diversité, il doit parvenir à transformer cette guerre des clans en une guerre de classe assumée contre le capital et ses sbires, seule configuration à même de transformer cette lutte en force de proposition politique.

Alternative libertaire Grenoble

En savoir plus :

zadroybon.wordpress.com/

www.pcscp.org/

 
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