Antipatriarcat

#IwasCorsica : pour enfin briser l’omerta




Entre 400 et 600 personnes ont participé aux manifestations féministes en Corse au début de l’été. Suite au hashtag #Iwas, de nombreuses
femmes ont témoignés des violences sexuelles qu’elles avaient subies. Un hashtag spécifique à la Corse (#IwasCorsica) a ainsi vu le jour.

#Metoo avait eu peu de résonance en Corse. Suite à ce constat Laora Paoli-Pandolfi et une amie décident de recenser le témoignage de victimes corses. Le 6 juin, le compte Twitter Iwascorsica est créé. Des manifestations sont alors organisées à Bastia et à Ajaccio, par les Zitelle in zerga (jeunes filles en colère), Donne in lotta (femmes en lutte), Donne di Manca (femmes à gauche), Donne e Surelle (femmes et soeurs) et le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). « Organiser c’est à la fois difficile en tant que victime, mais aussi cathartique. Une sororité s’est créée autour des manifestations », témoigne Lina, du collectif Zitelle in zerga . C’est une nouvelle impulsion pour le féminisme corse. Une partie de la population a dû ouvrir les yeux  : le viol n’est pas rare et l’agresseur est souvent un proche de la victime.

Les organisatrices revendiquent la mise en place, dans les collèges et lycées, d’une éducation sexuelle ainsi qu’une présence de soignants et soignantes formées aux questions des violences sexuelles. « Une réelle éducation au consentement nous aurait aidé à ne pas vivre tous ces traumatismes ou au moins a mieux les appréhender » assure Lina. De plus, elles demandent un meilleur accès à la contraception. La Corse a un taux d’avortement de mineures important alors que les centres de planification sont rares (ceux en Haute-Corse ne pratiquent pas l’IVG médicamenteuse) et le secret médical est peu respecté. Un parcours décourageant, notamment pour les plus jeunes.

Elles souhaitent mettre en place le «  brevet de non-violence  », lancé par NousToutes en 2017. L’objectif est de sensibiliser dès le plus jeune âge aux violences sexuelles sur le modèle du brevet de sécurité routière. Toutefois le projet reste inappliqué faute d’une dotation en moyens. Enfin, elles demandent que la police soit formée à prendre les plaintes de viols. « On n’attend pas grand-chose de la police. On a discuté avec plusieurs officiers, ils tiennent un discours sexiste, ou sont résignés », raconte Lina.

Prévenir les violences

Tous les candidats municipaux à Bastia ont participé aux manifestations mais aucun n’a présenté de mesures concrètes. Suite à la demande de Schiappa, l’ancien préfet de Corse et l’ancienne secrétaire régionale pour l’égalité hommes-femmes ont accepté de recevoir les organisatrices. Les anciens élus se déclarent favorables aux revendications et ont proposé une rencontre, sans toutefois fixer de date. Une conseillère régionale a annoncé vouloir rencontrer l’un des collectifs, mais ne l’a jamais fait. Laora Paoli-Pandolfi suppose que ce revirement fait « peut-être suite aux accusations d’agressions et de harcèlement sexuel qui visent un homme politique corse ».

#Iwascorsica et le collectif Zitelle in zerga continuent de récolter les témoignages, aident à porter plainte et soutiennent les projets féministes. L’organisation d’une manifestation à Corte ainsi que des rencontres publiques entre les différentes organisations féministes sont en discussion. Le mouvement n’est pas terminé.

Nos sociétés sont patriarcales [1]. Les pouvoirs publics n’ont aucun intérêt à mettre en place de vraies mesures contre les violences sexuelles. Seuls les rapports de force instaurés par les féministes ont permis des avancées. Pour briser le patriarcat et ses institutions  : une solution, l’autogestion.

Akina (UCL Montreuil)

[1« Perceptions de l’égalité entre les femmes et les hommes en France », Rapport du CSA, septembre 2016.

 
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