Kōhei Saitō : Moins ! La décroissance est une philosophie

Après La Nature contre le capital. L’écologie de Marx dans sa critique inachevée du capital, qui était le texte de sa thèse de doctorat, publié en 2021 en français, Kōhei Saitō reformule sa réflexion, et la rend plus abordable avec Moins ! La décroissance est une philosophie.
Ce philosophe japonais se situe dans le courant de pensée (à la mode dirait-on !) qui tient à affirmer que Marx aurait été « écolo » avant l’heure. Mais Kōhei Saitō va encore plus loin, en supposant que Marx aurait même eu une pensée de la « décroissance ». Comme dit dans l’article de ce même numéro, « Marx était-il écolo ? », bientôt publié, aucune citation claire ne vient malheureusement étayer cette exaltante thèse.
Marx avait bien vu que l’exploitation capitaliste de la force de travail et l’exploitation capitaliste de la nature sont deux aspects d’un même processus, qu’il ne faut pas opposer.
Et c’est là que l’essai de Kōhei Saitō est intéressant, quand bien même la manière dont il attribue à Marx ces aspects théoriques n’est pas convaincante et laisse même perplexe.
L’auteur propose quelques pistes pour un « communisme de la décroissance », ce qui non seulement nous parle, mais constitue sûrement le seul horizon viable pour un futur un peu plus réjouissant que ce que la société actuelle nous montre.
Saitō invite à « penser le lien entre la crise écologique et les rapports économiques qui l’ont produite ». Dans un article récent, Paul Guillibert, autre écologiste marxiste, écrivait : « À travers Marx, Saitō imagine un nouveau chemin pour résoudre la crise écologique, qui passerait par la remise en cause radicale de notre système de production. Gestion collective des “communs” (eau, électricité...), réduction du temps de travail, autogestion des lieux de production... son dernier livre prône un “communisme de décroissance”, soit une société juste et égalitaire, qui réparerait, selon lui, ce fameux “métabolisme” entre les humains et la nature ».
On ne peut que souscrire à ces conceptions de Saitō. Mais pour un matérialiste, il y a tout de même un manque : c’est qu’il ne dit pas quelles forces sociales pourraient être porteuses de ces perspectives. Il omet également tout un pan de la lutte écologiste, qui, pour le communisme libertaire, doit aussi être basée sur le féminisme, sur la lutte contre l’écologie bourgeoise dont les classes populaires font les frais, ainsi que sur une écologie décoloniale, antiraciste et opposée au repli nationaliste et réactionnaire.
Alors non, Marx n’était pas décroissant, mais il n’est pas indispensable de le convoquer pour dire qu’il s’agit aujourd’hui d’une contrainte qui s’impose à nous ! Le communisme sera certes décroissant, mais le communisme libertaire est plus que cela, une révolution totale qui définira tous les contours d’un nouveau monde.
Yann (UCL Nantes)
- Kōhei Saitō, Moins ! La décroissance est une philosophie, Seuil, 2024, 352 pages, 23 euros.






